XXV

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Pdv Kimberly

Je suis enfin rentrée à Paris. Exténuée, je me jette sur mon lit dès que j'arrive dans ma chambre.
Je reste comme ça un moment, en faisant le vide dans ma tête. En essayant de ne plus rien ressentir. D'enlever ce poids qui pèse à l'intérieur, depuis cette fameuse nuit.

Je finis par me lever de mon lit, mais je me sens toujours aussi triste, aussi fatiguée. Mon placard se tient devant moi, comme unique spectacle de cette scène désolante. J'y jette un coup d'œil rapide. On y trouve toujours quelques affaires d'Aiden, comme un de ces sweats préférés, qui porte l'inscription "Artic Monkeys".

Ce sweat, à la fois si simple mais si spécial, me donne un pincement au cœur. Il me rappelle Aiden, et c'est beaucoup trop douloureux. Alors je le roule en boule et le jette dans un sac à carton. Je sais pas comment je vais le lui rendre, mais j'ai pas envie d'y penser maintenant.

Et puis, tout d'un coup, une idée me vient. Je me mets alors à chercher la clé de la cabine, comme si ma vie en dépendait.
Au bout d'un quart d'heure, je la repère enfin : aussitôt trouvée, j'embarque la clé et marche dans les rues de Paris pendant de longues minutes, en écoutant de la musique.

Après un long trajet, j'arrive enfin devant la boutique. Un sentiment de nostalgie m'envahit, bien que ces souvenirs ne soient pas si lointains. J'ai l'impression d'avoir vécu tout une année, voire une décennie, avec Aiden, alors que notre relation ne se limite qu'à un mois. C'est déprimant, rien que d'y penser.

- Bonjour, dis-je en ouvrant la porte.

- Bonjour, me salue à son tour le gérant de la boutique. Tu ne viens pas avec...

- On est plus ensemble. Je peux utiliser la cabine ? Demandais-je en agitant les clés.

- Oui, bien sûr. Fais juste attention de bien fermer après toi.

- Parfait.

J'avance vers la cabine, jette d'abord un coup d'œil pour vérifier qu'elle est vide, puis y entre.
L'atmosphère est toujours aussi magique. Même si cet endroit est associé à Aiden, j'aime bien me retrouver ici. Je regarde parmi les disques, et trouve " Channel orange" de Frank Ocean. Je lance le disque sur le lecteur, et m'assoit par terre, en tailleur, le casque sur mes oreilles.

En écoutant la voix de Frank Ocean caresser mes oreilles, je repense à Aiden. À lui, qui m'embrasse. Qui me complimente. À nos deux corps entremêlés. Et à son corps à lui, avec un autre corps que le mien.

Inévitablement, bien que je fasse tout pour éviter cela, je fonds en larmes. Encore une fois. Ça commence vraiment à me fatiguer, cette histoire.

Je pleure pendant toute la durée de l'album, sans vraiment pouvoir m'arrêter. Je ne suis même pas sûre que j'en ai envie. Peut-être ai-je envie de rester dans cet état, à pleurer pour quelqu'un qui me fait souffrir en permanence. Peut-être est-ce parce que je n'ai pas envie de tourner la page, parce que je n'ai pas envie de tirer un trait sur nous.

Je sais, c'est pathétique.

Je recherche un autre disque, et lance "UltraViolence", de Lana del Rey. Je fais la même chose avec deux ou trois albums de plus, jusqu'à me rendre compte que la boutique va bientôt fermer. Alors je me relève, et sors de la cabine.
Une fois sortie, la vision qui s'impose à moi me pertube.

Aiden est là, en train de discuter avec le gérant. Il est en jogging, tout en noir. De façon impulsive, j'ai envie qu'il me prenne dans ses bras, tout de suite. Mais c'est impossible.

J'essaie d'être le plus discrète possible et de passer sans qu'il me voit, mais c'est raté.
Grillée, je me redresse, et prends l'air le plus naturel possible :
- Merci de m'avoir laissé rester ici, monsieur.

- Pas de problème, n'hésite pas à revenir.

Je hoche la tête, et m'apprête à sortir, sous le regard insistant d'Aiden.

Je me rappelle soudainement des vêtements entassés chez moi, alors je fais demi tour. J'inspire, et me lance :

- Y'a tes affaires chez moi. Faut que tu viennes les prendre.

Aiden semble surpris de me voir lui parler, et reste silencieux pendant un moment, ce qui ajoute encore plus de gêne à notre conversation.
- Je peux passer si tu veux, dit-il finalement.

Je ne suis pas vraiment emballée par l'idée qu'il vienne chez moi, mais je ne m'y oppose pas. Alors on sort de la boutique dans un silence d'enterrement, qui se poursuit pendant tout notre trajet jusqu'à mon appartement.

Arrivés devant ma porte, je cherche activement ma clé. Au bout de quelques minutes, je me rends à l'évidence : elle est restée dans ma chambre. Dans l'excitation, j'ai du oublier de fermer ma porte et c'est ma mère qui a dû le faire à ma place.

Je soupire. J'appelle ma mère, puis ma sœur, mais personne ne me répond. Irritée, je me résigne à attendre que quelqu'un m'ouvre.

- Je peux repasser plus tard, dit Aiden.

J'en avais presque oublié sa présence. Je lui réponds que ce n'est pas la peine, et il hoche la tête.
À nouveau, la gêne s'installe entre nous. Pour éviter cela, je sors mes écouteurs.

- Tu pleurais, tout à l'heure. Pas vrai ?
Aiden me demande cela de façon si soudaine et si anodine que je suis prise de court. Ayant repris mes esprits, je lui réponds en mentant :

- Non. J'étais juste fatiguée.

- Tant mieux, alors. Je mérites pas que tu pleures pour moi.

-Je le sais parfaitement bien, merci, dis-je d'un ton froid.

Il ne répond rien, bien sûr.

- Désolée. Je voulais pas dire ça.

Même si j'essaie de le faire souffrir, j'en suis incapable.

- Pourquoi tu t'excuses ? C'est pas comme si tu mentais.

Il me fait de la peine, dans cet état là. Je n'arrive pas à le détester, peu importe ce qu'il me fait. C'est peut-être ça, qui me rend si triste.

Sans m'en rendre compte, je m'étais mise à le fixer. Il me fixe, moi aussi. Pendant un instant, j'ai l'impression qu'il va m'embrasser. C'est ce qu'il fait. Et je le laisse faire.

- Qu'est-ce que tu fais de... Oh, désolée.

Je me détache brutalement d'Aiden. Ma sœur se tient devant nous, l'air amusé.

- Ton téléphone te sert à quoi ? Dis-je, bien que la situation soit encore embarrassante. J'ai dû t'appeler au moins 10 fois !

- Désolée, je prenais une douche. T'as oublié tes clés ?

- Ouais, répondis-je.

C'est alors que je me rappelle la raison pour laquelle moi et Aiden sommes ici. Je me redresse, et file dans ma chambre.
Une fois entrée, je cherche le sac en carton où j'avais mis les affaires d'Aiden. Ses fringues sont toutes froissées, alors je prends soin de bien les plier.

Il reste un dernier habit, le sweat que j'avais vu tout à l'heure. Je l'examine pendant un instant. Il a encore l'odeur d'Aiden, si familière. Bien que ce soit pathétique, je me suis attaché à ce sweat. Je ne sais pas pourquoi, mais j'arrive pas à le lui rendre. Alors, je le plie et le remets dans mon placard, et sort de la chambre avec ses affaires.

-Tiens, dis-je à Aiden en lui tendant le sac.

- Tu peux les garder, si tu veux.

- Tu serais venu pourquoi, alors ? Demandais-je, étonnée.

- Je sais pas, répondit-il en se grattant la tête. Je voulais juste te voir, j'imagine.

Lorsqu'il me dit ça, je suis à deux doigts de craquer. À deux doigts de tout lui pardonner. Mais je résiste quand même.

- Aiden, je pense toujours ce que j'ai dit la dernière fois. Je veux plus qu'on soit ensemble.

Aiden m'observe, comme s'il cherchait à savoir ce que je pensais vraiment. Puis il repart, sans un mot.

Je reste devant la porte, désemparée. Je regrette presque ce que je viens de faire, mais au fond, je sais que c'est la bonne décision.

PrejudiceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant