Frei

Chapitre 13

À Golden Eagle, plusieurs domestiques étaient de jeunes orphelines et la plupart du temps, une domestique plus âgée et plus expérimentée prenait sous son aile une petite fille pour lui apprendre son métier.

Parfois, il se tissait entre l'enfant et l'adulte un lien semblable à celui qui unit une mère et sa fille. C'était le cas de Maria et Karla. La petite Karla habitait le manoir depuis ses premières années de vie. Maria lui apprenait la cuisine et, en échange, Karla lui offrait les mêmes joies qu'une fille apportait à sa mère. Elles étaient tellement proches que c'était à se demander si Maria avait vraiment porté Karla.

Karla dormait toujours collée contre celle qu'elle croyait être sa mère et elle était toujours réveillée, au matin, par les caresses de l'adulte. Un matin, Karla fut réveillée par les bruits de vêtements frottant ensemble. Trop fatiguée pour ouvrir les yeux, elle ne fait qu'écouter ses bruits inhabituels à cette heure.

                                                                                         ***

Cinq ans plus tard, dans sa petite chambre de la maison des Daraîche, Karla se réveille, en sueur. Elle s'assit sur le lit, haletante.

- Maria n'est pas morte. Elle s'est enfuie. Et je sais maintenant ce qu'elle m'a dit ce soir-là... C'était... elle fouilla dans sa mémoire, car elle commençait déjà à oublier son rêve. Je reviendrai. Non, ce n'était pas ça... Je vais revenir... Non plus...

Elle se creusa ainsi la tête pendant une demi-heure.

- Ne t'inquiète pas, je viendrai te chercher ! Oui c'est ça !

Elle saute hors de son lit et court chercher son cahier bleu océan et son crayon turquoise. Elle griffonna cette phrase en majuscule sur la première page pour être sûr de s'en rappeler. Elle referma son cahier et le serra sur son cœur. Ce journal, c'était toute sa vie, son seul ami.