Les Effacés - Recueil de nouvelles

La statue du rêve

Paralysie du sommeil : sensation de paralysie au moment du réveil, au milieu de la nuit ; est généralement accompagnée d'une forte angoisse et de la sensation qu'on va mourir, ainsi que d'hallucinations.

Élias ouvrit les paupières en sursaut et tenta de tourner la tête. Il devait vérifier que sa mère ne reviendrait pas, non, pas comme dans son rêve. Même si celle-ci était à présent derrière les barreaux, et ce pour encore une pleine quinzaine d'années, le jeune homme ressentait le besoin vital de vérifier qu'elle y était toujours. Tentative de filicide, meurtre conjugal, tels étaient les motifs de son emprisonnement. Mais il avait encore rêvé, une énième fois, qu'elle était revenue achever ce qu'elle avait entrepris, le tuer. Élias s'évertua à essayer de regarder à sa droite ou sa gauche, en vain. Il était incapable de bouger ne serait-ce que le bout d'un doigt. Une angoisse sourde commença à pulser sous sa cage thoracique alors que son cœur s'emballait.

Le jeune homme se sentait alors comme plaqué à son matelas et paralysé des pieds à la tête. Malheureusement pour lui, il percevait néanmoins tous les sons environnant avec acuité et distinguait une multitude de formes se mouvant dans l'obscurité. Il voulut crier mais pas un son ne s'échappa de sa gorge. Terrifié, tout ce qu'il put faire fut de fermer les yeux et s'imaginer dans un endroit apaisant, comme le lui avaient recommandé ses nombreux thérapeutes. Un parc où passaient quelques promeneurs se dessina dans son esprit mais cette image rassurante se brisa lorsqu'une ombre aux allures familières se profila. Sa mère venait une fois de plus s'immiscer dans ses songes. Ne cesserait-elle donc jamais de le suivre, où qu'il aille ?  Peut-être sa réalité cauchemardesque était-elle préférable à ce rêve-là. Élias préféra réintégrer son corps plutôt que d'affronter le visage de sa mère.

Or, quand il rouvrit les yeux, tout était pire qu'auparavant. Paralysie nocturne. Ces mots s'imposèrent à son esprit tandis que les hallucinations se mêlaient à son délire. Il la voyait, se tenant dans l'embrasure de la porte de sa chambre, un poignard d'acier au poing. Paralysie nocturne. Ce n'était pas réel, voilà, il savait enfin ce qui clochait. Ce n'était pas réel, tout était une simple création de son inconscient. Élias expira lentement. Ce n'était pas réel. Il garda son sang froid même quand le souffle de la créature s'abattit sur sa poitrine, et réussit à sortir de son illusion.

Un rêve.

Élias se réveilla alors qu'une lame s'enfonçait entre ses côtes dans un chuintement, produisant un bruit de succion écœurant, et que son sang allait souiller les draps. Ses lèvres s'écartèrent pour exhaler un maigre souffle, projetant une goutte vermeille et poisseuse.