Le Dragon

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/!\ NDA : Je précise en cours de route que quand vous n'aimez pas un texte et/ou que vous le trouvez mauvais, pas la peine de ne rien dire, dites-le. Je sais qu'on nous rabâche que « si vous n'aimez pas ne dites rien » mais personnellement, je suis en désaccord total avec ce principe (pour ce qui me concerne) et trouve les avis négatifs, même un simple « je n'ai pas aimé », très constructifs. Alors allez-y, signalez-le moi quand un texte vous plaît moins/pas du tout. ^^

Inspiré de faits réels.

Ah, que cette semaine avait été éprouvante pour Mme Richard. À la fin de celle-ci, la vieille femme n'aspirait qu'à un repos amplement mérité. On serait dix ans plus tard qu'elle s'en souviendrait encore ! Inspectrice des travaux finis au camping des Fougères, la surveillante avait la responsabilité d'accueillir les techniciennes de surface fraîchement diplômées venant s'engager dans ce camping.

À vrai dire, dès que de nouvelles femmes de ménage se présentaient, Mme Richard brûlait de les dissuader de signer un CDI : les conditions de travail lui semblaient déplorables et de fait, bien vite, ces jeunes femmes regrettaient amèrement d'avoir signé au bas de ce fichu contrat. Mme Richard était intimement convaincue que ce fait s'expliquait par leur faible rémunération, le matériel inadapté et surtout, surtout, la présence dans l'équipe de membres à l'incapacité flagrante.

Cette semaine avait donc été exécrable. Lundi, Marie — une nouvelle femme de ménage bien entendu sous-qualifiée aux yeux de Mme Richard — était arrivée ; la semaine de l'inspectrice fut donc consacrée à rattraper ce qu'elle estimait être les constantes erreurs professionnelles de la recrue.

Dès l'arrivée de Marie, Mme Richard avait eu la certitude que son travail serait ardu : au moment de nettoyer le carrelage des cuisines, la femme de ménage était partie chercher une monobrosse XL41, modèle habituellement utilisé pour le récurage des salles d'eau. Sur l'instant, Mme Richard en fut hébétée : les stages de formation — indispensables à l'obtention d'un diplôme de technicien de surface — étaient censés inclure un apprentissage de l'utilisation spécifique des différents outils de nettoyage tels que les aspirateurs, monobrosses et éponges : pourquoi donc cette jeune femme, formée récemment, faisait-elle une erreur si grossière ? L'inspectrice du camping des Fougères exigeait de ses subordonnées une grande rigueur d'exécution : utiliser une monobrosse XL41 à la place du tout récent exemplaire XL42 était à son sens intolérable.

Et encore, si les déconvenues s'en étaient tenues là... Que nenni ! Tout au long de la semaine, les fautes s'étaient multipliées. Par exemple, Mme Richard avait un jour surpris Marie à nettoyer une gazinière à l'éponge, une éponge turquoise.

"Marie ! avait-elle hurlé. Je vous ai déjà dit cent fois que l'éponge turquoise servait à nettoyer les plans de travail. Pour la gazinière, c'est l'éponge vert canard qu'il vous faut utiliser !"

La femme de ménage s'était vaguement excusée en marmonnant qu'elle ne disposait pas d'éponge vert canard.

Indignée de cette découverte affligeante, Mme Richard s'était empressée de faire son rapport au directeur du camping qui, en recevant de son inspectrice un courriel acerbe, avait sans tarder pris commande d'une cargaison entière d'éponges vert canard.

La semaine avait été un concentré de ce genre de petites colères qui, mises bout à bout, formaient un véritable torrent de paroles incendiaires qui jaillissait de la bouche de Mme Richard. Un jour, ce fut à propos des différences entre le savon qui mousse et la mousse qui savonne, une autre fois, le mot panosse avait été prononcé, terrible outrage à la mémoire des serpillères, aujourd'hui remplacées par les monobrosses.

Ah, pensa Mme Richard, inspectrice des travaux finis, voilà bien un métier demandant tact et humanité. 

Les Effacés - Recueil de nouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant