In Innocienta Elfos

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Heureusement pour Finley, il faisait enfin grand soleil aujourd'hui. Il avait plu pendant trois jours durant, ce qui l'avait contraint à passer les vingt-quatre dernières heures à l'auberge du Zéphyr. Et il détestait perdre son temps. Du moins, rester sur place. Il s'était promis d'atteindre les plages de la côte avant la fin de la saison. Il voulait absolument traverser l'océan pour rejoindre l'autre continent, qu'il n'avait encore jamais exploré. Mais même pour un voyageur aguerri comme lui, le défi semblait compliqué. Mais pas impossible.
Pour rattraper son retard, il décida de presser le pas. D'après le cartographe avec qui il avait échangé à l'auberge, ces plages pouvaient être rejointes en traversant la forêt qu'il avait maintenant atteinte, qui s'offrait devant lui. Il aimerait la traverser en une journée, ne pas avoir à y passer la nuit. Il espérait atteindre un relais, et non pas un village en sortant de ces bois. Finley avait perdu l'habitude de côtoyer des lieux de vie. Il y passait pour s'y ravitailler ou acheter quelques outils, évidemment, mais il préférait passer le plus clair de son temps sur les routes et sentiers du Royaume. Sa soif d'exploration ne se tarissait jamais. Il ne comprenait pas à quoi bon s'établir quelque part et y rester. Pour lui, si la nature était aussi vaste, c'était justement pour la découvrir. Voilà donc plusieurs années que ce jeune homme arpentait toutes les régions du monde, avec comme seul but l'émerveillement. Les montagnes, les lacs, les forêts... Aucun lieu n'avait de secret pour lui. Du moins de ce côté-là de l'océan, voilà pourquoi il tenait tant à le traverser. Les nains, les gnomes, les fées... Aucun peuple dont il n'avait pas goûté la culture, mais peut-être y en auraient-ils d'autres au-delà des flots ?
En s'enfonçant dans la forêt, le sentier de terre disparut sous ses pieds. Cela aurait perturbé n'importe quel promeneur, mais pas Finley. Car il n'était pas n'importe quel promeneur, justement. Il fut simplement heureux de trouver un peu d'ombre grâce aux immenses conifères. Il sortit de son paquetage un fruit qu'il croqua à pleines dents et prit la direction de l'ouest, en se référant à la mousse sur les troncs d'arbres. Les rayons du soleil éclatant qui filtraient à travers les branches auréolaient ces bois d'une allure mystique, presque divine. Le cartographe n'avait su lui dire combien cette forêt était grande exactement, car jamais répertoriée avec précision, mais en principe, la journée devrait suffire, même à allure modérée. Les roches y étaient luisantes, les sapins imposants, l'herbe verdoyante, les fleurs vigoureuses et le calme étrangement présent. C'est vrai qu'à bien y réfléchir, Finley fut tellement obnubilé par la beauté des lieux quasi paradisiaque qu'il n'avait pas remarqué qu'aucune faune n'était visible. Ni même audible. Aucun pas de biche dans les fourrés. Aucun chant d'oiseaux dans les airs. Aucun bruit de vent dans les branches. Rien que lui, la terre, le soleil et l'atmosphère envoûtante...
Et alors que cela faisait maintenant plusieurs heures qu'il avait cessé d'observer la mousse sur les arbres, sans aucune raison particulière, il aperçut au loin, contre une souche d'épicéa, un individu qui semblait mal en point. Il se précipita vers lui pour lui porter secours. Il s'agissait en réalité d'une jeune femme à la chevelure invraisemblablement longue et dorée. Elle haletait et suffoquait. Sa longue tunique blanche qui couvrait son corps svelte et élancé était maculée de sang au niveau des jambes.
— Madame, que s'est-il passé ? Laissez-moi vous venir en aide !
La jeune femme entrouvrit les yeux. Des yeux d'un turquoise aussi clair qu'une gemme. Elle roula sa tête sur le côté, et c'est là que Finley aperçu ses oreilles pointues qui perçaient sa chevelure d'or. Une elfe. Il ignorait qu'il en vivait dans ce coin du continent. Il comprenait alors mieux l'absence de carte précise de ce bois et la disparition du sentier. Ces créatures préféraient vivre cachées du reste du monde, trop impur d'après eux. Rester confiné dans les bois servait à préserver leurs innocences... Elle prit une grande inspiration de s'exprima avec difficulté :
— Jeune homme aux yeux vert-gris, il n'y avait point de hasard a votre venu ici. Un loup aux jambes me mordit, et depuis marcher je ne puis. Mon sang en trop grande quantité je perdis, tant et si bien que cela m'ôtera bientôt la vie. A mon village ramène moi je t'en prie, afin que des mains des miens je guérisse. Pour m'amener jusqu'à celui-ci, le soleil tu auras suivi.
Ainsi parlait les elfes. Toujours de façon énigmatique. Prophétique. Heureusement pour Finley, il en avait déjà rencontré et côtoyé. Il comprenait alors rapidement le sens de leurs paroles. Sans aucune hésitation, il agrippa le poignet de la jeune elfe et fit basculer son corps sur son dos, pour la transporter tel un sac de marchandise. Il constata qu'en effet, ses jambes étaient salement amochées. A bout de force, elle perdit connaissance. Il ne devait vraiment pas tarder s'il voulait la sauver. Il leva les yeux, repéra le soleil, et couru en sa direction.

Des Nouvelles d'Elles...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant