J'ouvris les yeux en grognant de sommeil. Tout était encore silencieux dans la cuisine, les autres dormaient paisiblement. Dean entourait même Sarah de son bras droit dans un repos des plus tranquilles. Par un trou dans le volet de la fenêtre, l'aurore dehors éclairait la pièce d'un jaune blanchi apaisant, doux comme celui du dimanche matin qui invitait à rester dans son lit.
Quelle ironie ! Avant tout ça, nous ouvrions les yeux tous les matins, pourquoi ? Pour profiter d'un jogging au parc avant d'aller bosser, prendre un café au lait de soja debout dans le métro, se faire remonter les bretelles par un supérieur furax, faire une course ou deux dans l'après-midi avant de promener son chien et s'endormir le soir devant la télévision. Aujourd'hui, c'était pour surveiller nos provisions, marcher, marcher et marcher, la faim au ventre, sans garantie que nous ne croiserions ni créature bizarre ni quelconque pillard ou contrebandier avec une arme, devoir chercher un abri quoi qu'il en coûte pour ne pas passer la nuit dehors. Au final, notre seule et unique force résidait dans notre fragile mais nécessaire cohésion de groupe. Parce que c'était là tout ce que nous pourrions nous offrir.
Je me levai ankylosé et en même temps fixé sur notre destination du jour. Un peu comme une obsession qui s'installait peu à peu au fil du temps. L'aurore, maintenant taquine devant la réalité des choses, me faisait dire qu'au moins, nous aurions le soleil pour avancer vers le fleuve.
« Tu crois qu'on va pouvoir trouver une issue à tout ça, Kal ?
Je me tournai vers James, avec son air de chien battu que je lui connaissais désormais.
- J'arrête pas de penser à tout ce que nous avons perdu, j'arrête pas d'angoisser à l'idée qu'il faille qu'on sorte de cette armurerie. Tu crois vraiment que quelqu'un nous attendra au bout de toute cette galère ? Parce que là, j'ai franchement du mal à le croire.
- Je sais pas, James. Comme tout le monde ici, je ne sais foutre rien de ce qui nous attend. Mais on a pas d'autre moyen que d'aller par nous-mêmes chercher des réponses et voir ce qu'il en est. Désolé, mais c'est le mieux que je puisse te dire avec ce qui se passe.
Je l'aidai à se relever. J'entendis d'autres grognements ensommeillés dans la pièce, notre conversation avait dû réveiller les autres. Ce qui n'était pas plus mal, il ne fallait pas qu'on tarde. Les froissements des tissus, les fermetures Eclair des sacs, les cliquetis des armes encore neuves. Ou presque.
Jessie se rafraîchissait à l'évier.
- Comment ça va ? lui demandai-je.
- Hm ça va...j'ai juste mal à la tête, c'est tout...ça va passer, je me sens bien.
- Ok, lui dis-je.
Elle avait conscience qu'elle avait trop abusé du bourbon de la veille, ce n'était pas la peine d'insister. Et puis, elle avait eu besoin de passer ses nerfs, je préférerais qu'elle ne l'ait pas fait sur l'un d'entre nous.
Tous finissaient de mettre leur sac sur le dos. Un fois prêts, je déverrouillai la porte et je les laissais filer par l'entrebâillement.
Dehors, sur le parvis de l'armurerie, des morceaux de chair, de sang. Une traînée de poils encore humide menait au cadavre éventré d'un chat errant, à l'odeur répugnante. Sûrement un des fameux protégés de Derek dont avait dû se satisfaire un de ces monstres dehors.
- Il faut qu'on avance, ils ne sont peut-être pas loin.
Nous avancions et débouchions sur un carrefour relativement grand, qui ressemblait malheureusement à un autre champ de bataille. Nous replongions à nouveau dans cette ambiance sombre. Le bitume était jonché de cadavres sans têtes, de corps carbonisés, de douilles et de goupilles de grenades dans un silence des plus lourds.
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Your shadow ends / Mort comme mort peut l'être ***12 PREMIERS CHAPITRES***
HorrorIls ont déferlé sur les grandes villes et tout décimé sur leur passage. Ils nous ont traqués et réduit à quelques colonies limitées à une seule chose : la survie. La loi du plus fort a vu s'élever des tyrans. J'ai fait des choses terribles. Et on...