Les mots me manquaient pour décrire ce nouveau paysage déconcertant et cette atmosphère insolite qui se présentaient à moi. Pourtant, la fraîcheur du matin était encore présente avec cette brise qui soufflait parmi les branchages alentour. Je perçus même un bref cri d'oiseau non loin de là.
La nature dehors semblait suivre le cours normal du temps, imperturbable, alors que le genre humain avait été frappé de plein fouet par une crise qu'il ne maîtrisait absolument pas. Comme si la nature n'avait jamais été concernée par l'offensive sans nom que nous venions de subir. Force est de constater que c'était comme si nous avions mérité notre sort.
Il fallait que j'avance, invisible et silencieuse, une ombre parmi les ombres. Je décidai de suivre ma route comme prévu et pris à droite. A chaque croisement, je regardai dans toutes les directions pour voir si je n'étais pas repérée. La route était déserte, on semblait être à des années lumières de cet axe en temps normal hyper emprunté. Des véhicules par dizaines étaient à l'arrêt, la plupart en travers de la chaussée, comme si leurs occupants en avaient perdu le contrôle ou comme s'ils avaient voulu éviter quelque chose. Les voies de circulation étaient complètement muettes, comme retenues prisonnières d'un silence insondable.
Au bout d'une heure et demi de marche, j'arrivai sur la zone industrielle. Je redoublai de prudence, en fait personne n'aurait su dire ce qui pouvait se cacher dans les hangars. Les larges entrepôts aux fenêtres absentes offraient un refuge idéal. Parfait pour des gens en proie au désespoir, trop apeurés pour pouvoir amorcer une sortie, ou au contraire trop enhardis par la situation et capable de vous mettre à sac en moins de temps que vous ne l'auriez espéré. Ou pire encore.
Des enseignes à la peinture défraîchie, qui se décollait par endroits, affirmaient l'arrêt subit de l'activité économique des environs. Les entreprises étaient désormais immobiles, figées dans le temps. Je passai devant des arrière-cours inondées, à l'odeur répugnante, dans lesquelles macéraient des restes de poubelles, des objets en plastique en tous genres, et parfois des cadavres de rongeurs en putréfaction. J'approchai au fur et à mesure de la quatre-voies qui menait à la rivière. Je devais parfois me plaquer la main sur le visage pour m'empêcher de vomir.
Tout le déferlement que nous avions vécu se résumait à brusquerie et brutalité, et maintenant tout autour de moi n'était que vide et mutisme. Une force de cette ampleur avec des conséquences aussi sèches et irrévocables...Ce décor stupéfiant était devenu notre nouvelle réalité, pourtant si difficilement concevable.
Plus j'avançais, plus la ville s'éloignait derrière moi et plus la verdure s'étendait. J'avais troqué une zone urbaine infestée contre un terrain vague d'où on pouvait sans problème me voir de loin. Je continuai d'avancer en redoublant de prudence.
Une masse rosâtre était couchée là, inerte. Je me figeai d'horreur. C'était un tronc d'humain à l'abdomen déchiré. A pas calfeutrés, je lui passai devant.
Vraisemblablement, pas si calfeutrés que ça.
La masse que je croyais morte inspira et se retourna vers moi en grinçant des mâchoires. J'en trébuchai de stupeur. Je me relevai en deux temps trois mouvements en fixant toujours cette créature immonde, qui tenta de ramper pour m'atteindre, à bout de force. Je pris mes jambes à mon coup dans un élan de coureur olympique. Je décidai donc de couper à travers champ et de m'engager dans la terre agricole qui longeait la rivière. Les herbes hautes m'arrivaient au genou et les sillons laissés par des passages répétés de tracteurs m'offraient un chemin plus tracé.
A chaque pas je me remémorai cette effroyable chose. Etait-ce bien cela qui nous avait attaqué dans les bouchons aux abords du centre-ville ? D'où sortait-elle ? Qu'est-ce qui avait pu être à l'origine de tout ça ? J'avais espéré que mes questions trouvent un jour des réponses.
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Your shadow ends / Mort comme mort peut l'être ***12 PREMIERS CHAPITRES***
HorreurIls ont déferlé sur les grandes villes et tout décimé sur leur passage. Ils nous ont traqués et réduit à quelques colonies limitées à une seule chose : la survie. La loi du plus fort a vu s'élever des tyrans. J'ai fait des choses terribles. Et on...