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Le magnétisme d'Ella. Diether ne savait comment une telle attirance pour elle était possible. Depuis le début de l'année, il la regardait tout le temps. Il essayai de comprendre. Ce n'était même pas pervers, c'était psychologique. Le pire, c'était qu'il le niait.

Remarque, cela pouvait lui donner des attitudes imprévisibles, pour les autres. Il préférait être imprévisible.

Oui, Diether était toujours imprévisible.

Sauf pour Ella, justement. C'était ce qu'il ne comprenait pas. Elle semblait toujours deviner ses moindres mouvements, ses moindres secrets. Le jour où elle avait vu le recueil de Goethe dans son sac, elle avait eu une petite moue qui semblait dire : C'est tout ?

J'en ai une pleine bibliothèque, chez moi, avait répondu Diether. Il l'avait aussitôt regretté. Son côté poésie, il préférait le cacher. En fait, il n'en avait jamais parlé à personne. Ses livres de poésie – un secret en vers qu'il cachait dans son cœur – devaient, justement, rester un secret.

Ella avait souri, haussé les épaules, et avait quitté la salle. Piétinant son secret comme une amante insatiable piétinerait des roses. Alors, Diether avait à nouveau endossé son armure de sarcasme, en se jurant de n'en parler à personne d'autre.

Parce que dans les mains d'Ella, le moindre secret était dangereux. Elle s'amusait avec lui, lui faisait des allusions. En cours d'allemand, devant les autres – Pour la poésie, on a cas demander à Diether. Personne n'avait compris, mais pour lui le message était clair – elle était le chat, lui la souris. Elle révélerait son secret au moindre écart.

Elle avait un moyen de pression dont elle n'hésiterait pas à se servir. Mais s'en servir pour quoi ?

Quand il avait reçu la carte, Diether avait compris que l'heure où il allait devoir obéir était arrivée.

C'était maintenant.

— Le jeu, repris Ella. Vous avez tous reçu le même message, la même carte postale.

De là où il était, Deither ne voyait pas les visages des autres. Il ne savait même pas qui ils étaient.

— Regardez-vous, ordonna-t-elle.

Deither se retourna et fit un point rapide de la situation. Silke. La bff collante. Ethan. Le gogol des échecs. Cacilia. Une conne comme une autre. Et Ella, toujours Ella. C'était quoi, ce plan foireux ?

Mais Ella fit un grand sourire. C'était peut-être un sourire froid, ou calculé, mais c'était un sourire d'Ella, qui aurait donné un air béat à n'importe qui.

— On va faire une sortie tous ensemble. Un Vendredi soir de vacances. J'ai apporté des bières. On s'éclate, quoi.

Deither haussa les épaules. Après tout, il n'était jamais contre une sortie. Du moment qu'Ella ne disait rien sur son amour de la poésie il l'aurait suivi jusque dans la forêt.

— C'est OK, acquiesça-t-il. Je viens.

Ils firent tous de même. Ella leur montra la porte et les laissa tous passer. Au moment où il s'arrêta devant elle, Diether posa la question :

— Mais où est-ce qu'on va, Ella ?

Elle eut la petite moue impénétrable dont il lui arrivait de rêver, la nuit.

— Dans la forêt.

HIDDENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant