Échec et Mat (OS)

Part 3.

« Écrire c'est hurler en silence... »

Je réajuste l'écharpe autour de mon cou et reprends ma lecture, assise au bord de la fontaine Bartholdi, comme indiqué par Thomas. Quelques minutes plus tard, une ombre se penche vers moi et je relève les yeux.

-Ça fait longtemps que tu es là ? Son sourire chaleureux me met directement à l'aise.

-Je ne sais pas trop, je n'avais rien à faire alors je suis venue lire un peu.

-Par ce froid de canard ? Tu cherches donc à m'impressionner. Je m'esclaffe et le frappe gentiment avec mon livre.

-Allons donc nous réchauffer !

-Suis moi.

Je lui emboite le pas, un sourire incontrôlé sur les lèvres. Nous marchons côte à côte le long du Rhône, traversant la magnifique ville qu'est Lyon. Le long du trajet vers la destination qui m'est toujours inconnue, nous échangeons très peu de paroles. À la place, nous nous jetons des regards entendus, curieux. Mais le silence qui nous englobe est loin d'être gênant, au contraire il est apaisant, comme si son aura me rendait complètement sereine. Thomas est encore plus beau que lors de notre rencontre. Ses joues sont rosies par le froid, plusieurs mèches de ses cheveux lui tombent sur le front et si seulement c'était humainement possible, son regard est bien plus intense que la dernière fois.

En relevant les yeux je reconnais la place des Jacobins avec en son centre sa fontaine absolument ravissante. Alors que je marche dans sa direction, Thomas s'empare de mon bras qu'il passe sous le sien et m'entraîne vers une librairie.

-J'ai triché. Je lâche alors soudainement. Il me jette un coup d'œil.

-C'est à dire ?

-Dans ton message tu m'as dit que je te reconnaîtrais. Mais je suis arrivée plus tôt que toi.

-Tu l'as fait exprès ! Il se stoppe net et je tombe nez à nez avec lui. Nos sourires s'agrandissent. Je me recule et me tourne vers la librairie.

-C'est là que tu m'emmènes ?

-Tu y es déjà allé ?

-Je ne crois pas...

Sans plus un mot, il me dépasse et me tient la porte. Je pénètre dans un univers que je connais bien puisqu'il rythme mon quotidien. Les livres parviennent toujours à retranscrire mes peines ainsi que mes joies. J'y trouve un certain réconfort, de la compréhension et un émerveillement enfantin.

Je tourne sur moi-même, la librairie est impressionnante. Très grande, moderne et vieillotte à la fois. La hauteur plafond pourrait presque me donner le vertige. Il y a des livres tellement haut sur les murs que, fixées aux étagères, quelques échelles permettent d'accéder à ceux qui ne sont pas à portée de main. Thomas est appuyé contre le mur, il m'observe, le sourire aux lèvres.

-Content que ça te plaise.

-Je n'ai même pas parlé !

-Tes yeux si...

Il s'avance et s'aventure vers ce qui me semble être l'arrière-boutique. Il tire sur un rideau et le retient pour me laisser passer. Je fais quelques pas en avant, attendant qu'il reprenne la tête pour aller plus loin. Il me frôle quelques secondes plus tard, ses doigts effleurent les miens et son parfum envahit mes narines. Je serre le poing pour faire cesser les picotements dans ma main. Drôle de sensation.