« Les choses que l'on possède finissent par nous posséder »
Les gens ont tendance à oublier que parfois, la douleur psychologique est plus forte que la douleur physique. Elle nous ronge intérieurement, nous fait sombrer à tel point que chacune de nos respirations nous fait souffrir.
Je frotte mes mains l'une contre l'autre pour me réchauffer. J'attends Thomas depuis un petit moment déjà et il n'a toujours pas montré le bout de son nez. Il m'a littéralement harcelée les cinq derniers jours alors que de mon côté je me suis confortée dans mon mutisme. J'ai fini par accepter de le voir, la discussion devait bien arriver un jour ou l'autre.
Je sursaute au contact de quelqu'un dans mon dos. Mon cœur bat à tout rompre. Thomas pose sa tête contre mon épaule, ses bras au niveau de mon ventre, il me sert contre lui. Je m'abandonne à son étreinte, mes mains sur les siennes, la boule que j'avais dans le ventre s'évapore un court instant. Je m'autorise ces quelques secondes hors du temps, sachant pertinemment que les prochaines seront décisives pour notre relation.
Ce n'est qu'au moment où nous nous détachons pour nous faire face que je remarque les quelques larmes qui coulent sur mes joues. Thomas me fixe, interdit. Je me demande l'attitude qu'il va choisir d'adopter. Est-ce qu'il sait que je sais ? Est-ce qu'il a des doutes ? Est-ce qu'il va me laisser prononcer les mots qui me brisent tant le cœur ?
Il tente de me prendre dans ses bras mais je fais un pas en arrière. Comment ai-je pu ne pas me rendre compte de ça plus tôt ? J'avais entendu parler de l'accident mais jamais je n'avais fait le rapprochement avec Thomas. Pourquoi ne m'a-t-il rien dit ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Depuis ces derniers jours je me sens comme une bombe à retardement et inévitablement, j'ai fini par exploser.
-Tu as déjà une petite-amie. Je ravale un sanglot. Thomas ouvre la bouche, puis la referme. Il détourne son regard du mien et mon cœur se brise un peu plus.
-Comment tu l'as appris ?
-C'est réellement la première question qui te vient à l'esprit ? Il reporte de nouveau ses iris sur moi. Son visage est dur et son expression se transforme en agacement, mon sang se glace instantanément.
-Je suis désolé, si c'est ce que tu voulais entendre.
-Non c'est de la sincérité que je voulais entendre, de l'honnêteté. Je flanche. Moi aussi je suis en colère après tout. J'essuie mes larmes dans un geste de rage.
-Excuse-moi mais ce n'est généralement pas la première chose que je lâche quand je rencontre quelqu'un. Il serre les poings et prend la voix d'un parfait imbécile : « Salut enchanté je suis Thomas, il y a bientôt un an j'ai eu un accident de voiture et par ma faute, ma petite amie est devenue paraplégique, à part ça belle journée non ? ». Cette fois ci c'est lui qui retient un sanglot. Mon cœur se serre dans ma poitrine et mon sentiment change du tout au tout. Comment ai-je pu être si aveugle. J'aurais du l'écouter avant de lui faire des reproches.
-Tu as raison, pardonne-moi. Je me suis mal conduite. Je déclare alors. Il me regarde, déchiré entre l'improbabilité de ma phrase et la colère que je lis dans ses yeux. On peut aller dans un café pour discuter calmement ?
-Je vais plutôt rentrer. Il me répond froidement et je revois le Thomas de notre première rencontre, son assurance naturelle qui lui permet de camoufler ses sentiments profonds.
À l'instant où il fait demi-tour je réalise que le moment où il m'a serré contre lui est bien loin désormais. Il m'a été arraché puis emporté à des milliers de kilomètres. Mais je n'ai pas envie de le laisser partir. Je ne veux pas lui dire au revoir. Je veux qu'il m'explique, qu'il me raconte, qu'il sente que je suis présente pour lui. Je veux entendre la douce mélodie de sa voix me conter à quel point il a aimé le livre qu'il vient de terminer. Je veux l'entendre rire aux éclats après une moue râleuse de Dylan qu'il aura battu aux échecs une énième fois. Je veux que son regard me sonde alors que nous nous observons en silence. Je veux sentir son souffle dans mes cheveux alors qu'il se sera introduit dans mon appartement en plein milieu de la nuit pour une raison qui m'échappe, et ce, encore et encore et encore et encore.

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Échec et Mat (OS)
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