Le bal

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Il fut une période où le roi, célébrant ses noces avec la fille de l'Empereur Maximilien, fit organiser à la cour nombre de fêtes et de réjouissances.

Une soirée fut annoncé un bal, durant lequel les ducs d'Anjou et de Guise, accompagnés d'autres hommes de la cour, durent danser une entrée de Maures, pour laquelle ils revêtirent des costumes et des masques spéciaux.

Avant de mettre son masque, le duc de Guise alla fanfaronner discrètement auprès de la Princesse, ce que le Prince ne manqua pas de remarquer.

Madame de Montpensier, prenant peur, alla chercher le duc de Guise dans la pièce où les hommes auraient dû se trouver. Cependant, celui qu'elle cherchait s'en était éclipsé le temps d'aller se déshydrater, et, alors que chacun avait mis son masque, la confusion que ceux-ci produisaient et l'urgence de la situation fit que Marie prit le duc d'Anjou pour celui de Guise.

Elle s'avança donc près de lui et lui murmura : « Je vous en conjure : ce soir, n'ayez d'yeux que pour Madame ou bien le Prince mon mari, qui nous observe, entrera dans une colère à laquelle je vous promets que nul-le ici ne veut assister!» Tandis que la princesse se retirait après avoir soufflé ses mots dans l'oreille du mauvais homme, le duc d'Anjou manquait de s'effondrer, accablé par ce coup de poignard porté à ses sentiments. Par la mention de Madame, il avait compris que Marie pensait s'adresser au duc de Guise, et les mots qu'elle avait choisi ne laissaient que très peu de doute sur le fait qu'iels soient amant-es. Le frère du roi voyait ainsi l'infime espoir qu'il avait qu'un jour le duc ne comprenne l'intensité de ses sentiments réduit à néant, et, même s'il pensait qu'il se devait de ne laisser rien transparaître de l'extérieur, son âme laissait dans tout son être se déverser des torrents de chaudes larmes. Il entreprit alors de s'entretenir avec la Princesse, souhaitant lui faire comprendre qu'elle n'avait pas parlé au bon duc et mettre au clair certains comportements que lui-même avait pu avoir au cours des jours précédents. Après le ballet, il fit donc chercher Marie par l'un de ses valets.

Celui qui était la cause de ses tourments, qui entendit parler de cet entretient, crut que Madame de Montpensier, sans lui en parler, avait entamé une relation avec le duc d'Anjou, et, furieux, parti l'attendre dans l'un des couloirs qui permettait d'accéder aux appartement de ce dernier. Lorsque la Princesse revint de son entretient avec le duc d'Anjou, elle semblait fort chamboulée. Le duc de Guise, dont les naseaux se vidaient bruyamment de leur air tant il semblait agacé de la situation, l'attira violemment contre lui tandis qu'elle passait à son niveau pour la questionner, les yeux pleins de fureur. 

« Pourquoi avez-vous donc mis tout ce temps à converser avec cette fripouille d'Anjou? Le cœur d'un seul homme, ou même de deux, si l'on considère le Prince votre époux qui, à n'en point douter vous adore, ne vous suffisent donc-t-ils pas?»    

 La Princesse, toujours troublée de ce qu'elle venait d'apprendre, lança un regard suppliant à ce duc qui lui empoignait le bras. « Monsieur, je vous en prie, desserrez votre main, et laissez-moi parler ! Car ce que je viens vous dire, Henri, c'est que ça n'est point de mon faciès que monsieur d'Anjou se languit...» 

Le duc de Guise s'étonna fort de cette révélation tandis qu'il desserrait son emprise sur celle qu'il croyait aimer, et qui craignait fortement, à cet instant, que la curiosité de cet homme ne la pousse à révéler ce que le duc d'Anjou aurait préféré secret. Ses craintes furent confirmées, puisqu'une fois le très court instant de stupéfaction passé, le duc de Guise chercha à en savoir plus. 

« Point de vous, vous dites ? Mais alors, de qui ? Et pourquoi cela vous concernerait ? » Voyant qu'elle ne répondait pas, gardant la tête basse et les yeux fuyants, il insista. «Quelle autre femme à la cour pourrait donc, selon cet Anjou sans le moindre goût, avoir une beauté qui surpasse votre éclat ? »

La question du duc de Guise fit naître en la Princesse un si fort sentiment d'agacement qu'elle fut obligée d'y répondre. « Cessez-donc votre comédie, Henri, vous êtes ridicule ! Ne me dites pas que vous n'avez point remarqué comme c'est vous, qu'il regarde, à chaque endroit que vous paraissez, et que son regard, lorsqu'il est posé sur vous, est si intense, et si pur, et si plein de désespoir car il sait, ou du moins il pense, qu'il rêve en vain, bien bêtement, qu'un jour votre regard soit semblable au sien ?»

Le duc recula de quelques pas, écarquillant les yeux, abasourdi de devoir finalement faire face à cette réalité qu'il avait pourtant essayé d'ignorer. "Que dites-vous là?"

Fronçant les sourcils, voyant qu'il tentait encore de nier, Marie répondit: "Vous avez très bien entendu ce que j'ai dit! Ce que j'ai dit, c'est que c'est vous, qu'il aime!"

"De quoi osez-vous accuser le frère de notre roi, pauvre sotte?", s'écria Henri, corrompu par le contexte de son époque, refusant les évidences qui lui semblaient dangereuses pour sa réputation. 

Outrée, la Princesse répliqua au sagouin qui se trouvait devant elle: "Je ne l'accuse de rien, je ne fais que vous rapporter ce qu'il m'a dit, comme vous m'y avez forcée!", puis, elle ajouta "Mais je comprends tout-à-fais ce que vous vouliez dire; désormais; lorsque vous disiez qu'il n'a aucun goût." avant de se retirer, laissant de Guise, seul, dans le couloir, comme pétrifié par ces révélations.

La Princesse de NotrepensierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant