Depuis que les deux ducs s'étaient révélés leurs sentiments, ils ne cessaient de vouloir se voir, comme les autres jeunes couples dont la flamme, à peine allumée, est encore étincelante d'amour et de désir.
Ainsi, l'un allait chez l'autre, l'autre allait chez l'un, ou parfois les deux se retrouvaient chez Madame de Montpensier, en compagnie de cette dernière et de Rosalina, ce qui fut de plus en plus fréquent lorsque l'on découvrit un discret petit passage qui menait à cette chambre.
Le temps passa, les jours coulèrent et toustes espérèrent que jamais le hasard ne ferait de mal à ces doux instants volés au monde et à leurs obligations.
Cependant, vint un jour où, tandis que Rosalina était sortie de la chambre chercher une cruche de vin pour les deux ducs qui venaient d'arriver, le Prince François, qui passait vers la chambre de sa femme, y entendit grand bruit et décida, par suspicion, d'aller toquer à la porte.
La Princesse, qui crut d'abord que Rosalina revenait, s'excusa auprès de ses invités et se leva pour aller ouvrir. Lorsqu'elle vit son époux, elle craignit qu'il y eut malentendu, et elle eut raison de le craindre. Il la salua, puis lui demanda d'où venait le bruit. Avant qu'elle n'eut le temps de terminer sa réponse, le Prince avait vu sur le sol une ombre dont la silhouette lui avait fait penser à celle du duc de Guise.
Furieux, imaginant qu'il allait devoir se battre dans un duel d'honneur, il entra précipitamment en lançant à Marie : "Vous m'aviez pourtant juré que les hommes-", mais il ne termina pas sa phrase. Arrivant au niveau de l'antichambre, il venait de voir le duc d'Anjou se suspendre tendrement au cou du duc de Guise. Il fut, pendant un court instant, frappé de la stupéfaction des personnes qui comprennent qu'iels avaient tort, et puis, comprenant, il s'en réjouit.
De Guise ne comprit pas tout de suite ce changement d'attitude, mais le duc d'Anjou, lui, savait. Il regarda un peu François avec malice, pour le lui faire comprendre, ce à quoi ce dernier répondit par un grand sourire. Le Balafré, implorant, supplia le Prince: "Je vous en prie, ne dites rien au Roi, ni à la Reine, ni aux gardes, ni même à la cour... Nous serions-" François le coupa, dans une envolée d'enthousiasme: "Ah, mais cher duc! Pourquoi ferais-je une chose pareille? Moi qui croyait que vous mettiez en péril mon couple en fréquentant mon épouse, voilà que je vous trouve aux bras de notre commandant!" "Mais justement, ne serait-ce pas là la meilleure des vengeances?". Le duc d'Anjou eut un léger sourire face à la naïveté de son amant, tandis que François, lui aussi, légèrement amusé, lui répondait : "Ah! Mais duc! Je ne cherche pas à me venger! Bien au contraire, je fuis la vengeance, je fuis tous ces duels d'honneur, toutes ces traditions qui peuvent nous coûter la vie seulement pour défendre des mariages imposés sans amour -mais avec amitié- (il avait ajouté cela en donnant à la Princesse un gentil regard, comme pour la rassurer), car ce genre de duel, cher duc, ne ferait que m'arracher à celui à qui a, réellement, toute ma tendresse et toute mon affection!". De Guise, intrigué, demanda : "Celui?" Anjou lui saisit alors les épaules, le secouant doucement : "Oh! Enfin, mon tendre ami! Êtes-vous si peu observateur?" . Le duc de Guise, songeur, réfléchit quelques instants, avant de demander, hésitant: "Chabannes?". Les mines réjouies de ses interlocuteurices n'auraient pu tromper personne, mais François, tout ravi, décida tout de même de confirmer tout haut ce qui était évident : "Oui!". Et alors, le duc d'Anjou renchérit, demandant à son tendre ami : "Pourquoi croyais-tu donc qu'il avait quitté les Hugenots?" , ce qui fit écarquiller les yeux à ce cher Henri de Lorraine de voir qu'une chose aussi logique lui était passée par dessus l'esprit, tandis que le Prince félicitait la brillante déduction du frère de son roi.
C'est depuis ce jour que les querelles entre le Prince de Montpensier et le duc de Guise, malgré ce qu'ils laissaient entrevoir à la cour pour n'éveiller aucun soupçon, furent oubliées par les deux parties.
Cependant vint un jour ou quelque gens du château vit le duc de Guise dans les appartements de la Princesse, et, comme la rumeur eut vite courut qu'il fut l'amant de celle-ci, le Prince dut bien vite la renvoyer à Champigny avec sa femme pour ne pas que l'on pense qu'il se laissait marcher sur les pieds.
Tandis que Madame de Montpensier rentrait au domaine de son mari, François croisa son père, Louis, qui le tourmenta de question sur son héritier, jusqu'à ce que son fils, excédé, décide de rentrer auprès de sa femme, accompagné de son amant, afin de lui laisser envisager la question.
Il arriva tout gêné, présentant des excuses auprès de son épouse vis-à-vis des circonstances qui l'amenait ici. La Princesse le rassura, lui faisant comprendre que seules les traditions dépassées étaient à blâmer, et qu'elle accepterait bien volontiers ses excuses, si cependant il avait réellement à lui en présenter. Elle lui dit aussi qu'elle acceptait de leur faire un-e héritier-e, si cela pouvait rassurer son père et permettre à Jacques et François de vivre tranquillement. Le Prince, soulagé, la couvrit de milles mercis, et lui dit qu'il était le plus bienheureux et le plus chanceux de l'avoir épousée elle et non une autre qui, probablement, ne l'aurait pas accepté.
Peu après que le fruit fut planté dans les entrailles de la Princesse, à Paris eût lieu une sinistre bataille, une marée sanglante durant laquelle trop d'innocent-es moururent, tandis que le duc de Guise, toujours trop belliqueux, s'offrait le sombre plaisir de venger la mort de son père.
Puis vint un temps où Marie et Rosalina restaient souvent seules à Champigny, Jacques et François étant souvent sur les chemins de peur de ne croiser Louis et de se faire soupçonner, tandis qu'Henri de Lorraine et Henri de France envoyaient de bien tristes lettres à Madame de Montpensier, dans lesquelles ils déploraient de ne plus pouvoir se voir assez souvent à cause de leurs obligations.
Voyant la Princesse bien triste pour ses amis, la préférée de ses femmes lui fit part de son idée. Elle lui parla de ce petit domaine dont elle avait ouïe dire qu'il était à vendre, tout discret et tout tendre, un lieu où l'on pourrait voler de doux instants aux obligations qui n'y existeraient pas sans qu'aucun bruit ne court. Marie se réjouit du plan de celle qu'elle affectionnait, et, dès qu'il fut revenu, elle parla de cela à François, qui vit là une chance incroyable, et qui se prit au jeu et acheta le domaine.
Depuis, la Princesse alla y habiter avec sa tendre amie, accompagnée d'autre gens qu'elle décréta ses égaux-lles. Iels s'échangèrent leurs savoirs: elleux lui apprirent les travaux manuels, des champs, de la cuisine, des soins des bêtes, de l'entretient ; et elle leur apprît la lecture et l'écriture. Chacun-e y mangeait à sa faim, y trouvait ce dont iel avait besoin, personne n'avait d'ordres à recevoir ni à donner, et bientôt le domaine fut surnommé "Domaine de Notrepensier". Les gens de ce domaine recevaient bien souvent des lettres de jeunes personnes qui désiraient passer, car à la cour, le duc d'Anjou ne s'était pas privé de parler à ce domaine aux gens qu'il savait..."coloré-es"; et toujours la réponse était "oui".
Le Domaine de Notrepensier resta debout et discret pendant des décennies, accueillant en secret tant de monde dont les noms ne seront jamais dévoilés, faisant naître quelque chose qui ne naquit plus jamais dans ces environs là malgré les années qui passèrent.
On dit même que Marie n'eut pas qu'un garçon, mais aussi, en même temps, une fille, prénommée Mathilde, effacée des registres car ses actes auraient été trop indociles pour la société de l'époque, et qui serait à l'origine de la légende de celles qu'on appelle, encore aujourd'hui, les Guerrières de l'Île du Canari.
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La Princesse de Notrepensier
FanfictionC'est la Princesse de Montpensier sauf qu'elle aime les brocolis, le pain à l'ail et les myrtilles, et Anjou et Guise aiment les pastèques. Chabannes aussi aime les pastèques, et il est plus jeune que prévu aussi, mais en plus d'aimer les pastèques...