Depuis la nuit des temps

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41 ans après J-C, Rome

Les huîtres étaient délicieuses. Aziraphale les avait dévorées avec joie, trop heureux. Cela faisait des semaines qu'il entendait parler de ces huîtres, si bien que dès qu'il en avait fini avec quelques miracles au nord de l'Empire, il s'était empressé de rejoindre Rome. Il avait été surpris,- et heureux-, d'y rencontrer Rampa. Ils ne s'étaient plus vus depuis l'an 33 et Aziraphale devait bien admettre qu'il s'était ennuyé sans lui.

Bien sûr, les Hommes étaient passionnants. Mais mortel. Peu importait à quel point il pouvait s'attacher à l'un d'eux, ils mourraient tous tôt ou tard. Il l'avait immédiatement compris avec Adam et Eve. Alors il faisait en sorte de ne jamais trop s'attacher aux humains. Si bien que, la seule personne à qui il puisse s'attacher était un démon. Pas n'importe quel démon, cependant. Un démon qui était venu lui parler, au jardin d'Eden, sans aucune idée démonique dans la tête. Un démon qui était aussi curieux de découvrir les humains, qui aimait ce monde, qui posait des questions sur tout ce qui l'entourait, que ce soit les plus petites choses comme les plus grandes. Il se souvenait encore de la façon dont il avait remis en question le Déluge, horrifié à l'idée que des enfants soient noyés.

« Tu ne finis pas ? s'étonna Aziraphale en voyant qu'il avait à peine touché à son assiette. Je croyais que tu n'en avais jamais mangé.

-Je ne suis pas bien sûr d'aimer ça, » répondit le démon en observant les créatures dans son assiette. Il remarqua les yeux gourmands de l'ange et poussa l'assiette vers lui. « Tiens, laisse-toi tenter. » Aziraphale haussa un sourcil, roula des yeux mais accepta. Rampa sourit, pencha la tête pour que ses lunettes glisse au bout de son nez et le fixa de ses yeux jaunes. Aziraphale déglutit en ignorant la chaleur se propageant dans sa poitrine par ce simple regard. Les années 2000 avant J-C lui manquaient. Rampa pouvait alors montrer ses yeux au monde entier, les égyptiens le prenaient pour un dieu et personne n'essayait de le tuer. Mais maintenant, les Hommes craignaient ses magnifiques yeux.

« Que dirais-tu de venir chez moi, après ? proposa l'ange. J'ai du vin provenant d'Alexandrie, un délice. Je suis sûr que tu vas l'adorer.

-D'Alexandrie ?

-Eh bien, oui. C'est là que j'habite principalement, pour le moment. Quand je n'ai pas des missions envoyées par mes supérieurs.

-Oh, je vois. J'ai entendu parlée de cette bibliothèque. Une vraie merveille, à ce qui paraît. J'aurais dû me douter que tu y passerais ton temps.

-Ce n'est pas qu'une merveille, Rampa ! Elle est... par Dieu, je n'ai même pas les mots pour dire à qu'elle point elle est fabuleuse. Tout le savoir du monde réuni au même endroit, il y a tellement de rouleaux, de parchemins et de papyrus que ça atteint le plafond ! Les Hommes ont fait ça, tout seul, et c'est merveilleux. Dans quelques siècles, Il n'y aura plus de place pour mettre d'autres écrits.

-Tu pourras toujours en construire une autre, mon ange, » assura Rampa, amusé et attendri par la passion dans la voix d'Aziraphale. Il fut charmé de voir les joues de l'ange s'empourprer. « Bien, allons goûter ce vin. »

Aziraphale et Rampa avaient le don de toujours trouver une maison libre pour s'installer, où qu'ils soient. Celle d'Aziraphale, à Rome, était sur deux étages. Ils s'installèrent au rez-de-chaussée, dans le salon, au milieu des coussins. Aziraphale sortit plusieurs bouteilles qu'ils commencèrent immédiatement à entamer. Aziraphale continuait d'expliquer au serpent l'architecture de la bibliothèque, énumérant la liste des livres s'y trouvant.

Et Rampa l'écouta patiemment. Aziraphale se perdait dans ses récits, les yeux enflammés par la passion. L'ange pouvait voir les yeux jaunes de démon le fixer en permanence sans cligner des yeux, comme s'il ne voulait pas perdre une seconde de ce spectacle. Il s'en sentait étrangement troublé mais cacha son trouble derrière ses paroles.

Good OmensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant