La Renaissance Mythique Ou les germes du grand schisme Créatiste

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par la Duqua Almia dal Roson, 35 EC

J'ai deux grandes chances dans ma vie, et deux chances qui sont aussi celles de cet ouvrage de pouvoir exister : la proximité du duché d'Hespanis avec la région du Pont, et l'éducation intelligente que mon père a eu la bonté de me donner sur tous les sujets du monde, y compris ceux de la culture et, surtout, de la religion. C'est grâce à cette éducation que je pense être capable de juger avec un œil critique les agissements de l'église des treize, et de douter du bien fondé de la recrudescence de leur violence au travers des contrées dirigées par ma famille. Cet ouvrage n'aura point pour seule utilité de renseigner mes humbles lecteurs sur une phase fascinante de l'histoire du bassin pontique, mais également de prévenir une telle phase chaotique de subvenir en nos propres terres, en une expérience cathartique qui sera, je l'espère, au moins aussi puissante et révélatrice pour ceux qui la liront qu'elle le fut pour moi.

La religion Créatiste, ou culte de la Grande Créatrice, est tout à fait unique parmi les peuples d'Alodya, dans le sens où elle ne loue qu'une seule et unique divinité, la Grande Créatrice, également nommée Maes, Meïa ou Maat, à la différence des Treize Sacrés de notre église, des lumineux birchan, des esprits suomen ou malawas, ou des myriades de divinités nordiques, naines ou nomades. Ce culte unique, semble avoir été très répandu dans la région dès les premiers écrits qui nous sont parvenus, et s'est développée différemment dans les différentes cités indépendantes des Mines et du Pont au cours des premiers siècles de leur civilisation. Il est assez difficile de représenter de manière précise ce culte à cette époque puisqu'il n'était pas uni, et regroupait un certain nombre de croyances très locales à chaque cités, telle la légende du rocher de Vorepyles ou celle des élus d'Argon. Il faut probablement imaginer une époque où la Grande Créatrice est louée en grande pompe pour la libération du monde, mais surtout où le culte est fédéré autour de la chasse au Culte Interdit, comme c'était le cas un peu partout en Alodya à l'époque. En effet, le Royaume Obscur venant de chuter, tout ce qui s'attachait au souvenir de cet empire despotique dirigé par le Chaos était irrémédiablement détruit au nom des divinités des cultes, mais il faut admettre que la religion Créatiste avait probablement un impact social assez limité dans la vie de tous les jours. C'est aux environ de 800 EE que commence à émerger une différence entre la vision Minienne originelle de la religion, et celle qui se développe au Pont suite à la béatification de Sappho, seule mortelle qui aurait su attendrir le cœur de la dure Grande Créatrice au point de l'élever au rang de déesse à ses côtés. Cet aspect de la vision Pontique du culte Créatiste est très important, car il représente le début de la scission à la fois culturelle et religieuse qui s'opère entre les cités des Mines et celles du Pont. Sappho devient un symbole commun à toutes ces cités maritimes, une forme d'union dans un monde parfaitement désuni de cités se faisant quotidiennement la guerre, mais marquant bien la rivalité grandissante entre le Pont bordant le bassin Pontique, et les plaines des Mines s'étendant profondément au cœur des terres.

Il est difficile de dire si Sappho a réellement existé, si elle a en effet été béatifiée par la Grande Créatrice, ou même si ce culte a un sens – certains aiment associer la Grande Créatrice à A'Shulang parmi les Treize Sacré, ou Himlen du panthéon Nordique, mais il est difficile de se prononcer définitivement – les Pontois datent sa béatification très précisément, en 777 EE, une des raisons pour lesquelles le chiffre sept porte chance dans la culture Pontique. Le récit de la vie de Sappho éclaire par ailleurs assez clairement les relations entre le Pont et les Mines déjà à cette époque, puisque, selon la légende, la sainte aurait accepté de mourir afin de noyer le Ladonès dans le golfe et sauver ainsi sa cité de la destruction causée par cet immense serpent, qui aurait été envoyé, toujours selon la légende, par une coalition de villes Miniennes. Si l'existence du Ladonès reste incertaine, il semble peu probable que des cités Miniennes aient pu être à l'origine de son existence ; il faut très probablement voir dans cette part du mythe une métaphore des attaques très constantes des cités Miniennes situées à l'intérieur des terres sur leurs voisines maritimes, raids qui ont développé une forme d'identité propre et communes aux cités du Pont, cristallisée autour du personnage de Sappho. Cette identité Pontique, comme celle de n'appartenir qu'à un seul peuple, est très unique pour l'époque. Vers 800 EE, les cités des Mines sont désunies, les baronnies ne sont que des tribus semblables à celles des nordiques, et les nains ressortent à peine de leur exil souterrain. C'est donc un phénomène assez unique d'appartenance à un peuple qui nait chez les cités du Pont avec Sappho, malgré la désunion de ce peuple. Les Miniens appartiennent avant tout à une cité, mais les Pontois sont, outre leur appartenance à leur ville, membre d'un peuple qui diffère de ces barbares des plaines. Les graines de la scission sont plantées. Mais la rivalité n'est encore pas vraiment ouverte et, comme dit auparavant, chaque cité avait sa propre vision de la façon dont le culte créatiste était mené.

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