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Parfois, je pleure ma propre mort, et de ces larmes naissent mes fantômes. Ils se forment dans ces torrents salés avant de venir me scruter. Leurs yeux brillent. Leur translucidité est captivante.

Ils reflètent ma vie, ce sont des souvenirs qui me suivent. Des ombres de tous mes deuils. Ils sont toujours là. Parfois, il n'y a que le Veilleur, que je surnomme Vé. Comme son nom l'indique, il veille sur moi. Il est toujours là, peu importe ce que je fais. Quand je marche, il est là, flottant dans mon dos, sa base accrochée à mes pieds. Les fantômes Person partent des pieds, comme des ombres de silhouette. Mais ce n'est pas une ombre ; c'est une entité. Quand je dors, il est là, près de moi ; parfois je le sens se fondre en moi, habitant mon corps d'une énergie étrangère et confortable. C'est vraiment cosy, je me sens comme dans le ventre maternel, ou comme si j'avais pris du LSD. Connecté. Et quand j'ai envie de mourir, il est là. Il ne part pas, même si j'aimerais parfois en finir avec la vie. C'est un fantôme après tout, il connaît la mort, c'est pas un tabou pour lui. Il me regarde grandir du haut de sa bienveillance. Il me connaît dans tous mes états, sous toutes mes facettes. Heureusement que je pleure, j'aurais regretté de ne pas avoir connu mon spectre.

Mais le Veilleur n'est pas seul. Ils doivent former une petite armée, qui, si elle se réunissait, serait une sacrée troupe raccrochée à moi. Je m'élèverais ainsi au rang d'Anubis, et ça ce serait la classe à Vegas.

Si le Veilleur est bleu, ce n'est pas le cas de tous. Certains sont blancs, d'autres gris, d'autres roses... Il y en a des violets des oranges des verts et des jaunes, et puis des noirs aussi, les fantômes de mes amis qui se mêlent aux miens. Ils ne sont pas toujours là, les fantômes ont d'autres choses à faire que de me suivre. Enfin, à part Vé. Ils doivent aussi arroser leurs vieux os, s'occuper de la gestion des Fleurs (sacrée administration par ailleurs ! ), participer au Cimetière, hanter les lieux de leur naissance, râler que les Vivants leur rentrent dedans... Il ne faut pas croire qu'ils hululent toute la journée ! La vie de mort flottant est bien remplie. Et pas si différente d'une vie de mortel, surtout quand on est une Person.

Je me demande combien de fantômes se baladent en ville. Je sais qu'il y a une société de fantômes, mais que beaucoup errent sans même le savoir. J'en croise certains, je reconnais quelques réguliers. Ils ont tous cette espèce de queue, leur racine. A vrai dire ils ressemblent un peu à des spermatozoïdes, mais je m'abstiens de le mentionner, pour ne pas les vexer. Vé sait que je le pense, il sait tout ce que je pense. Ca le fait rire, parce que de son vivant, il avait déjà établi la ressemblance alors qu'il était tout gamin, face à un livre de sciences naturelles. Il a eu une sacrée sale vie, pour voir les fantômes si tôt. C'est un peu aussi pour ça qu'il ne me blâme pas lorsque j'ai envie de mourir. Il connaît mieux que personne l'attrait du néant. Et aussi la galère pour l'atteindre.

Je crois que je suis pas prêt à me plonger dans cette aventure. La thanatonautique, ça attendra un peu.

GhostOù les histoires vivent. Découvrez maintenant