chapitre deux

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angel's head

- Scales, réveillez-vous ! Hurle Madame Crecy, la prof de français.

J'ouvre difficilement les yeux, aveuglé par la lumière blanche des néons qui n'existait pas dans le creux de mon coude. Les rires étouffés de certains élèves renforcent le sentiment de colère qui monte en moi. Je jette un coup d'œil furtif à ce qui m'entoure puis replonge la tête sur la table.

- Scales, dehors !

Il ne me faut pas plus de quelques secondes pour assimiler que j'ai accès à la liberté. Je me redresse, prends mon sac qui n'a pas été ouvert de l'heure et sors de la classe, il doit être aux alentours de 16:30, autant partir maintenant, je ne risque pas de manquer à mon prochain cours, quel qu'il soit.

Je traverse précipitamment les couloirs et mets mes écouteurs, la douce mélodie de Train me provoquant instinctivement un sourire. Je marche sans but précis dans les rues de ma ville, guidé par mes envies, porté par ma musique jusqu'à ce que ma bulle éclate et que je retrouve la réalité, comme si elle m'avait manqué.

- Eh toi, t'as pas une clope à dépanne ?

Je fais volte-face et voit Nico, évidemment, comme si je n'avais déjà pas assez psychoté pendant deux semaines sur ma stupidité, il fallait qu'il revienne rajouter une dose de honte dans mes pensées.

- Tu peux pas aller en acheter comme tout le monde ? Lui reproché-je.

- S'il te plaît ? Insiste-t-il.

Je me résigne à sortir mon paquet et lui tend deux cigarettes, il tente de les attraper mais je l'en empêche.

- Deux cigarettes et tu me prends un paquet de bonbons sinon une seule, et aucune si tu gardes ton stupide air hautain.

Il me regarde, blasé, la main dans ses longs cheveux noirs, il n'a pas l'air de comprendre mon marché.

- Tu me dois bien ça, ajouté-je en pensant aux nuits d'insomnie qui ont suivies notre rencontre.

Il commence à s'éloigner sans dire un mot tandis que je reste planté là où je suis, tiraillé entre l'envie de le suivre ou de le laisser partir. Mais il s'arrête au bout d'un moment, voyant que je n'ai toujours pas bougé.

- Bon, tu viens ou pas ?

Je sors de ma béatitude et le rejoins. Peu de temps après, nous ressortons du magasin, un paquet d'oursons entre mes mains, l'un de mes rouleaux de nicotine entre ses lèvres.

Même après des années passer à le côtoyer, je ne reviens pas de l'aura incroyable qu'il dégage. Sans rien faire de particulier il a malgré tout une prestance déconcertante. Je secoue rapidement la tête et passe la main dans mes cheveux, je ne suis vraiment pas net parfois.

- Comment tu t'appelles au fait ? Me demande-t-il après avoir craché sa première bouffée de fumée.

- Angel.

- Eh bien Angel, je vais aller chercher ma copine au lycée alors à moins que tu ne veuilles y retourner, c'est ici que nos chemins se séparent.

- Ok.

Je repars dans la direction opposée pour rentrer chez moi, avec un peu de chance, Pierre aura pensé à ses médicaments et il dormira, sinon je suis bon pour ressortir en ville pour lui échapper.

J'entre à pas feutrés dans la maison, mon paquet de Haribo toujours en main, Pierre est affalé sur le canapé et ronfle bruyamment, mais je prends quand même mes précautions et monte discrètement l'escalier pour retrouver ma chambre.

Je m'assois sur le rebord de la fenêtre et commence à défiler les photos qui passent sur Instagram, sans grand intérêt, jusqu'à ce que Nico apparaisse sur une publication de l'un de ses amis. Curieux, je clique sur son profil et y retrouve la face très artistique de sa personnalité, des images de ses dessins se succèdent, tous plus incroyables les uns que les autres.

Je m'attarde sur sa dernière publication et je reconnais immédiatement le lac auquel on s'est croisés par hasard. Les couleurs sont chaudes et son talent transparaît même à travers mon écran. Deux silhouettes sont entremêlées au sol sans qu'on ne puisse distinguer chaque personne, elles forment un tout.

Sans réfléchir, j'aime sa publication avant de me rendre compte de la bêtise que je viens de faire. J'enlève immédiatement mon like mais c'est trop tard, il va recevoir la notification. Pour quel genre de psychopathe je vais encore passer à le pister sur les réseaux sociaux...

Je soupire et jette mon téléphone sur mon lit, comme si cette action pouvait m'épargner la gêne intense qui prend place dans mon corps. Je sors alors de mon sac ma dissertation de français pour tenter de m'occuper l'esprit, en vain.

Je passe une main sur mon visage en essayant de reprendre contenance mais tout effort se retrouve anéanti quand mon téléphone s'allume pour afficher :

@ncrawford vous suit

Nos ombres furtivesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant