chapitre sept

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angel's head

Je joue avec les manches de son sweat, n'ayant pas envie de répondre. Et s'il arrêtait de me parler simplement parce que je suis le frère de quelqu'un qu'il n'aime pas ? Je ne suis sûrement pas assez important pour qu'il passe au-dessus, je ne suis personne après tout.

- Oui, Rayane murmuré-je.

Je relève la tête sans arrêter de malmener son pull, l'insécurité que j'avais enfouis remonte lentement, mais à part l'étonnement, je ne vois pas une once de colère dans son regard, peut-être qu'il n'a pas fait le lien après tout.

Je vais chercher mon téléphone qui est resté dans sa chambre, prévient Rayane que je ne rentrerais pas cette nuit et mute ses messages. De nouveau, je me retrouve face à Nico, dans le silence. Les questions se bousculent dans ma tête et ma voix intérieure me crie de fuir sans cesse comme un mantra.

- Tu veux boire quelque chose ? Me demande-t-il tout en se servant un ice tea.

Je lui réponds qu'un ice tea me convient et me rapproche de lui, je sens qu'il s'empêche de faire une réflexion, et je suis pratique sûr qu'elle concerne Rayane, je ne supporterais pas cette ambiance emplie de malaise toute la soirée.

- Pose-la ta question.

- J'ai pas de question.

- Tu mens, rétorqué-je fermement.

- Je ne comprends juste pas comment vous pouvez être si différents, pour commencer, il y en a un plus supportable que l'autre.

Je croise les bras, comment ça 'supportable' ? C'est si affreux de me côtoyer pour que je sois simplement 'supportable' ? En voyant ma réaction, il réfléchit à ce qu'il a bien pu dire de mal puis réalise, mais c'est trop tard.

- C'est pas ce que je voulais dire Ange.

Je bloque un instant, est-ce qu'il vient réellement de m'appeler Ange ? Puis je reprends contenance, je suis juste supportable, sa langue a sûrement fourché.

Il ancre son regard dans le mien, m'empêcher de l'esquiver, son visage est ferme et il n'a pas l'air de rigoler.

- Je suis désolé ok ? Je me suis mal exprimé, t'es un bon ami et je tiens beaucoup à toi.

Son ton n'engage à aucune protestation, c'est comme ça c'est tout et je lui en suis reconnaissant même si sa révélation m'a mis mal à l'aise, je ne suis toujours pas doué avec mes émotions et encore moins celles des autres.

- Netflix ?

J'acquiesce, toujours plongé dans ses yeux. On s'installe de nouveau sur son canapé et il lance un programme au hasard, je retrouve ma position de tout à l'heure mais il ne glisse pas ses doigts dans mes cheveux. Pour lui faire comprendre ce que je veux, je m'empare de sa main et la pose sur mon crâne, il rit mais commence à effectuer des cercles, je suis bien plus passionnée par le mouvement de sa main sur mon cuir chevelu que par le personnage à l'écran en train de pleurer pour je ne sais quelle raison.

Plus tard, je suis réveillé par Nico qui essaye de se défaire de mon emprise sans me déranger, mais c'est peine perdue, je me décale alors pour le laisser sortir, mais une fois parti, il m'est impossible de me rendormir. Je prends mon téléphone et regarde l'heure, 19:42.

Nico est dans la cuisine, en train de faire à manger, je le rejoins pour l'aider et il sourit en me voyant approcher. La soirée se passe sans accroc, j'en oublie presque le passage gênant de l'après-midi. Mais à 23:00 passé, il me dit d'aller me coucher puisque j'ai école demain.

- T'es pas mon père, protesté-je.

- Encore heureux, réplique-t-il vexé que je le compare à Pierre, une des chambres en haut est prête si tu veux.

Je traîne les pieds jusqu'à la porte qu'il m'indique, il s'arrête dans l'encadrement, me souhaite une bonne nuit et repart. J'appelle directement Ava pour lui faire part de ma journée, en tant que 'groupie de Nigel' comme elle s'autoproclame, elle s'exclame à chacun de mes propos.

- Ava ?

- Angel ?

- J'ai peur de dormir, tu veux bien rester au téléphone avec moi ? Avoué-je.

Elle connaît tous les recoins de ma vie et elle sait très bien que sans repère, je suis incapable de dormir correctement, d'autant plus si l'angoisse me vrille le cerveau.

- Non, répond-elle catégoriquement, tu vas voir Nico.

- Je vais pas le déranger pour ça Ava, ça me gêne. Et puis il dort peut-être déjà.

- Dans ce cas tu me rappelleras, mais pas avant d'avoir essayé d'aller voir Nico.

Je grommelle mais elle ne revient pas sur sa décision, avant que je raccroche elle m'interpelle :

- Eh Angel, je suis vraiment heureuse que tu aies trouvé quelqu'un qui fasse du bien à ton cœur, je t'aime, dors bien dans ses bras.

Et sans demander son reste, elle coupe l'appel. J'aime vraiment cette fille.

Je descends tant bien que mal à l'aide du flash de mon portable en manquant une dizaine de fois de tomber dans l'escalier. J'éteins la lampe torche à l'entrée de sa chambre avant de frapper.

Je n'attends pas de réponse et entrouvre la porte, je ne peux pas le voir mais je l'entends grogner pour me faire comprendre qu'il ne dort pas complètement.

- Désolé, je veux pas te déranger, mais j'arrive pas à dormir...

Un bruissement de couvertures se fait entendre et un faible 'viens' de sa voix rauque m'incite à prendre place à ses côtés. Je me glisse sous la couette à tâtons, mais même après un certain temps passé dans sa chambre, le sommeil ne vient pas plus. Je me tourne et me retourne des dizaines de fois jusqu'à ce que Nico, n'arrivant pas à dormir à cause de mes mouvements, m'attire à lui et m'empêche de gigoter plus longtemps. Je ne sais pas s'il est conscient ou non de son geste, mais je m'en retrouve paralysé un moment.

Ava serait ravie d'apprendre ça. Puis le temps passe et son étreinte ne se défait pas, alors, contre toute attente, je m'endors dans ses bras, en sécurité. Et pour la première fois, je me sens complètement à ma place, comme si elle m'avait toujours été destinée.

Nos ombres furtivesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant