Au gré du vent

24

Je regardais les secondes défilées sur l'horloge au dessus du bureau d'Iruka-sensei. Le temps passait lentement. Trop lentement. Infiniment trop lentement. Notre journée se terminait par deux heures d'histoire... et le temps n'avançait pas assez vite. La trotteuse semblait s'arrêtait deux secondes au lieu d'une. Et la grande aiguille semblait être figée sur le 5 du cadran. Il ne restait plus que dix minutes de cours, mais cela paraissait être les plus longues de ma vie. Je tapotais furieusement un coin de ma table du bout de mes ongles. Cela semblait agacé fortement mon voisin, qui me lançait des regards noirs de temps à autres. Je cessais donc mon activité au bout du 3ème regard meurtrier en l'espace d'une trentaine de secondes. Je soupirais tout doucement, je n'avais qu'une hâte : retrouver Sasuke.

Tout au long de cette journée, les murmures et ricanements avaient fusé dans tout le lycée. Personne dans l'établissement n'ignorait l'altercation entre Sasuke et Gaara. A vrai dire, Ino s'était empressée de le répéter à son ami Choji, qui lui l'avait transmis à Shikamaru, et qui lui même n'avait pas perdu de temps pour en informer le club de shogi. Tout le monde était au courant. La classe demeurait en effervescence, bien que l'incident remontait déjà à plus de quatre heures. Mes camarades en ricanaient encore. D'ailleurs, Iruka avait demandé plusieurs fois le silence, en vain. Puis, de nombreux camarades étaient venus interroger Gaara sur cette histoire, afin d'avoir plus de détail. Mon voisin n'avait pas desserré les dents une seule fois.

Je me tournais une fois de plus vers lui, essayant de décrypter ses pensées. Il était collé à son dossier, le dos droit et le visage impassible. Ses lèvres pâles n'esquissaient pas l'ombre d'un sourire. Son regard était porté sur le tableau, où Iruka-sensei s'appliquait à dessiner une frise chronologique. Je détaillais Gaara plus attentivement. Je n'avais pas prit le temps d'observer la couleur pâle de ses joues, ni même la petite fossette en dessous de son menton. Je remarquais une légère cicatrice à son arcade sourcilière droite, et me demandait silencieusement d'où elle pouvait provenir. S'était-il battu ? Ou bien s'était-il fait agresser ? Je secouais la tête de gauche à droite ; au vu de sa force, il était peu probable que Gaara ait subi ce genre de chose...

Mon voisin sembla remarquer mon manège, il dirigea lentement son regard translucide vers moi, et fronçait ses sourcils, silencieusement. Je lui montrais alors un faible sourire, honteux de me faire attraper. Il soupira doucement et se détourna rapidement de moi. Mon sourire fondit aussi vite, et mon cœur se serra en observant Gaara. Je ne voulais pas qu'il s'éloigne de moi, ou bien qu'il me trouve étrange au point d'avoir envie de me battre. Non... Je voulais qu'il reste près de moi, comme à la cantine ce midi...

La sonnerie retentit et me sortit de mes pensées aussi vite. Je ramassais mollement mes quelques affaires, en priant pour que Neji ne vienne pas me trouver. Il était vrai que depuis l'arrivée de Sasuke à mes côtés, je me sentais de plus en plus capable de faire face à mon bourreau... Mais aujourd'hui, il n'était pas là, et la peur me cisaillait le ventre. Alors que j'avançais tout doucement vers la sortie, appréhendant le prochain coup de poing, j'entendais mon nom résonner plus loin dans le couloir :

- " Bon alors tu te dépêches ou quoi ?" Me demanda vivement Gaara, se tenant à quelques mètres de moi.

Je restais figé un instant. Puis une chaleur fit battre mon coeur plus rapidement, et mes joues s'échauffèrent. Je me précipitais en quelques pas rapides et incertains, vers l'embrasure de la porte où Gaara m'attendait, impatient.

- "Bah enfin tu te bouges !" Grommela-t-il dans sa barbe.

Je lui affichais un faible sourire, puis le remerciait doucement. Il haussa les épaules et accéléra le pas vers la sortie. En quelques minutes nous nous trouvions derrières les grilles sombres du lycée. Un poids quitta mes épaules quand je traversais cette frontière. Dehors, je pouvais plus facilement fuir. Je commençais à partir quand Gaara m'attrapa le poignet. Mon premier réflexe fut de rentrer ma tête entre mes épaules et de fermer les yeux, prêt à recevoir un coup. Rien ne vint. Je rouvris doucement mes paupières et observais l'incompréhension dans le regard de Gaara.

- "Tu me fais quoi là ? C'est pas comme si j'allais te frapper"

- "C-C'est rien... J-juste un ré-réflexe..." Murmurai-je pour moi, essayant vainement de justifier mon comportement d'animal sauvage.

Gaara haussa les épaules une première fois, puis soupira, lassé.

- "Tu vas où ?" Demanda-t-il simplement.

Je sentis mon cœur s'accélérer. Est-ce que je pouvais lui avouer que je voulais rendre visite à Sasuke ? Je prie mon courage à deux mains, et choisis de lui confier ce secret :

- "Je... Je vais v-voir Sa-Sasuke..."

Il y eut un instant de silence. Un silence pesant et angoissant. Je vis une ombre de rage passer dans les yeux de Gaara, et ses poing se refermèrent durement. Ils devenaient blancs au fil des secondes. Je reculais d'un pas, inconsciemment.

- "Pourquoi tu veux voir ce crétin fini ? C'est juste un connard..." Grogna-t-il en s'approchant furieusement vers moi.

Je reculais d'autant plus, la peur dévorant mes trippes. Je sentais mon cœur se tordre sous les injures de Gaara. Sasuke n'était pas un connard. Et je ne pouvais pas accepter d'entendre cela... Tout en reculant, de plus en plus rapidement, prêt à esquiver le moindre coup, je m'entendis crier :

- "Ar-rrête de le traiter c-comme ça ! Sasuke est gentil !"

Puis, ne pouvant affronter le regard à la fois furieux et déboussolé de Gaara, je m'enfuis à toute vitesse entre les ruelles étroites de Konoha. Je courais de toutes mes forces, je voulais rejoindre Sasuke plus que tout. Mon regard devint de plus en plus flou, je sentais mes yeux me piquer. Mes poumons brûlaient et je sentais que je manquais d'air. J'apercevais difficilement une petite cachette entre deux maisonnettes. Je m'y engouffrais sans attendre et m'accroupis, adossé au mur. Je sentais les larmes dévaler le long de mes joues, traçant immanquablement un sillon pour toutes lesautres à venir. Je pressais ma main contre ma poitrine, essayant de calmer ma respiration affolée. J'avais peur. Et froid. Et tout au fond de mon corps, je pouvais sentir une chaleur inconnue me tirailler les entrailles.

Elle ne faisait que s'accentuer au rythme des secondes. Je me repassais encore et encore les événements : les insultes de Gaara, mon coeur brisé d'entendre ces mots et, cette nouvelle force qui m'avait donnée le courage de lui tenir tête...

Je ne savais pas d'où provenait cette chaleur à l'idée d'avoir défendu Sasuke. En revanche, je comprenais ce que cela voulait dire.

J'étais heureux.