Je récurais les immondes latrines de l'orphelinat, à minuit et demi, quand la question me frappa de plein fouet.
Qu'est ce que j'étais pour Sasuke ?
En seize longues et dures années de misérable existence, voilà qu'un parfait inconnu me tendait la main pour me partager son envie de vivre. À moi, Naruto Uzumaki, l'enfant démon, celui qui avait tué ses parents. D'ailleurs que pensaient-ils de moi ? Là haut, au milieu des nuages sûrement entourés d'anges et de Dieu. Et Dieu dans tout ça ? M'avait il pris en pitié ? Il riait tellement de me voir souffrir qu'il comprenait enfin que c'était malsain ? Et donc pour se faire pardonner m'envoyait Sasuke ?
Mes mains s'arrêtèrent d'elles-mêmes pour analyser cette hypothèse.
Ridicule.
Et je me remis au travail.Je m'acharnais sur le sol carrelé, à essayer sans cesse d'enlever la crasse des autres, incrustée dans les joints moisis. Je frottais, encore et encore, en rythme avec la peur qui m'écrasait le ventre. Qui broyait mes intestins.
La peur, la peur d'être surpris à rêvasser d'une vie bien meilleur, d'une vie que je ne méritais pas.
Même dans mes rêves les plus fous je n'imaginais pas tout ce dont mon cœur avait envie. Je préférais oublié, et vivre en silence ce que les autres endureraient en hurlant. La conclusion me vint rapidement : il n'y avait pas de place au paradis pour un cafard comme moi. Et Sasuke... Sasuke je ne le comprenais pas et je promettais à ma vilaine conscience de ne rien attendre de plus de ce garçon.Promesse faite en vain.
Ma tâche finie, j'accourais vers mon cagibi, en sautant de joie sur mon lit de paille. Je me glissais sous ma pauvre couette rafistolée, je gloussais en me remémorant ma journée si mal commencée. Après que Sasuke m'ait tendu la main, nous sommes restés ensemble toute la journée. Je ne me suis pas décollé de lui un seul instant. Je sentais encore sa main toute chaude et protectrice autour de la mienne moite et dégoûtante. Je ne me faisais pas encore à l'idée qu'il m'avait accepté sans rechigné, savoir que je ne repoussais pas tout le monde était nouveau et très agréable pour moi. Je me retournais dans mon lit, basculant vers la gauche en direction d'une minuscule fenêtre où j'aperçevais la lune glaciale ainsi que la lueur de ses pâles rayons solitaires. Ils s'échouaient en douceur sur mon visage, me couvant d'un voile d'intimité. Un draps obscur qui s'enroulait lentement autour de moi, épousant ma peau et ne réunissant que la nuit et moi. Les étoiles dansaient dans mes yeux bleus, éclairant mon âme d'un peu de pureté. Celle-ci était immédiatement absorbée par les sombres abysses de mon cœur. Et je me surpris à penser, que le muscle dans ma poitrine, celui qui me maintenait en vie, avait certainement la même couleur que les yeux de Sasuke.
Noir, profond, imperturbable. Inhumain.
Non, cela ne faisait aucun doute. Dans ma vie je n'avait connu que le rejet et, et la douleur. Et cette même douleur me tiraillait les entrailles en cachette, créant des noeuds avec mes boyaux pour m'étouffer avec. Cette souffrance, omniprésente où que j'aille et quoi que je fasse. Elle était accompagnée des regards et des grimaces, l'immondice que j'inspirais repoussais toute forme de vie. Le dégoût m'entourait de toute part, il m'habitait. La puanteur de ma chaire meurtrie et de mon cœur abandonné envahissait l'air. Les effluves de mon corps, celles qui me reflétaient, flottaient en permanence autour de moi. Et ce n'était qu'une question de temps avant que Sasuke ne voit mon intérieur pourrie, mon âme noircie, ma peau lacérée dégoulinante de sang. Et il ferait comme tous les autres, il se détournerait de moi.
Car s'est plus facile d'ignorer le mal, de lui cracher dessus, que de l'aider à guérir.
Mais jusque là, en attendant ce moment de pur douleur, tant de fois vécu et jamais oublié, je profiterais de sa présence. De son odeur. De sa couleur. Et de cette chose qu'il m'inspire, celle qui palpite au fond de mon cœur moisi.
J'observais un instant de plus la lune, avant que celle ci ne me quitte pour ne revenir que la nuit prochaine. Mes yeux se détachèrent des étoiles, et je me serrais davantage contre la couette froide de mon lit de paille. Je fermais mes paupières, priant pour que les dieux repoussent ce moment fatidique où je le perdrais. Sasuke.
Il était mon éclat de pureté, mais jusqu'à quand ?
Les coups contre mon abdomen me réveillèrent brutalement. La vieille marâtre avait sorti le martinet, et les sangles qui fouettaient ma peau ouvraient de vieilles cicatrices. J'hurlais à la mort quand une des lamelles de cuir s'enfonça dans ma chaire. Elle m'attrapa par les cheveux et lança ma vieille carcasse au sol. Elle me cria dessus, insatisfaite de mon travail de la veille. Pourtant j'avais suivi ses instructions à la lettre, j'étais resté trois heures dans ces toilettes. Elle s'en alla enfin en ricanant quand mes larmes s'écrasaient au sol. Je me relevais sans conviction, je touchais mon ventre badigeonné de sang. Mon tee-shirt sera imbibé de cette atroce couleur rougeâtre. Je passais furtivement mes doigts sur mes côtes proéminente sous ma peau. Mon corps était si laid.
Je m'habillais en quatrième vitesse, je me mis devant l'évier et nettoyais la vaisselle des enfants. Konohamaru passa près de moi et me colla une bise sur la joue avant de s'enfuir en courant. Je n'eus pas cette chance avec Kabuto qui me gifla si fort que ma tête craqua bruyamment. Je me dépêchais de quitter cette endroit infâme sans même le temps de prendre à manger, de toute manière il n'y aurait rien eu pour moi. Je me dépêchais en dévalant les rues, je voulais croiser Sasuke avant d'aller en cours, pour lui poser ma question et au diable cette fichue promesse.
Arrivé devant la grille en métal sombre je l'aperçu enfin. Appuyé contre un arbre, les yeux fermés, le visage détendu, il semblait profité de la douce chaleur ambiante. Je me précipitais vers lui, une fois à sa hauteur je murmurais délicatement son nom, de peur de l'abîmer. Il haussa un sourcil en me voyant tout essoufflé. Il semblait attendre que je déblatère ma bêtise au vue de sa moue ennuyée. Je me jetais à l'eau sans attendre :
— Sa.. Sasuke... Hum... Qu'est ce.. Qu'est ce que je suis pour... Pour toi ?
Je baissais les yeux au sol, pour ne pas affronter son regard si attractif, j'attendais seulement patiemment une réponse, espérant qu'elle réconforterait mon âme instable.
— T'es comme un chien errant, mignon mais dérangeant.
Mon cœur s'écrasaient en miettes à ses pieds, broyé par cette affreuse vérité. Le choc me fit si mal que j'en perdis l'équilibre et m'écrasait au sol, en larme devant lui. Dieu n'avait pas entendu ma prière, ma pourriture interne était démasquée. Je n'avais plus qu'à souffrir en silence, encore. C'était le même schéma qui se dessinait devant moi. À tant de fois où j'espérais une main tendue, à tant de fois où je remuais ciel et terre pour un peu de compassion, j'étais usé, mort à l'intérieur. Je ne voulais plus me battre, j'étais trop fatigué. Silencieusement je me relevais et tournais le dos à Sasuke, enchaînant les pas tel un automate. Un peu plus et je n'entendais pas les derniers mots de Sasuke :
— J'aime bien les chiens errants.
Sans hésiter, les larmes aux yeux et le cœur enflammé, je me jetais dans les tendres bras réconfortant de Sasuke.
Jamais mon cœur n'avait connu cette sensation, celle de voler en éclat sans aucun regret.
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Au gré du vent
FanfictionIl a 16 ans. Il est jeune. Il est plutôt beau garçon, quoique un peu maigre et couvert de bleu. Il ne connait pas la vie. Il ne sait pas ce qu'est le bonheur. Il oublie parfois. Il cherche une échappatoire, loin de son cauchemar. Il le rencontre lui...