Liberté

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Des éclairs de lumière fusaient dans toutes les directions, feu d'artifices insolite en cette chaude journée d'été. Ils illuminaient les ombres noires du bosquet et éclairaient la masure qui y était renfermée de couleurs criardes. Sous la frondaison des arbres, une cacophonie de cris et de jurons, auxquels se mêlaient d'étranges sifflements, accompagnaient ce déferlement de sorts.

Devant la porte de la maison délabrée, deux hommes faisaient face à une cohorte d'employés du Ministère de la Magie. L'un était efflanqué, ses cheveux emmêlés et encrassés voletant devant ses yeux sombres et divergents. Il brandissait sa baguette d'une main et un couteau ensanglanté de l'autre. Le second faisait deux têtes de moins mais possédait une large carrure, quoiqu'étrangement répartie. Une expression de rage déformait sa figure, creusant plus profondément encore ses rides et faisant luire de haine ses iris du même brun que son compagnon.

    - Infâmes Sang-de-Bourbe ! Ignobles défenseurs de moldus ! Comment osez-vous vous en prendre aux desce...

Ses vagissements s'étouffèrent dans un étranglement lorsqu'un sortilège de blocage le frappa de plein fouet. L'homme à ses côtés poussa un hurlement furieux et fendit l'air de sa baguette, dessinant une croix enflammée sur la poitrine de la responsable. La sorcière s'écroula lourdement dans le chemin caillouteux. Il redoublait d'ardeur, agitant ses deux armes dans des moulinets aussi hasardeux que dangereux.

Mais peu de temps après, il fut submergé par le nombre de ses assaillants. Désarmé, il fut forcé de s'agenouiller et solidement ligoté. Il vomissait de nouveaux sifflements discordants en louchant alternativement sur chacun des employés qui le dominaient. Il paraissait les maudire les uns après les autres.

    - Elvis Marvolo Gaunt, Morfin Gaunt, vous êtes en état d'arrestation. Vous serez jugé par le Magenmagot pour agressions et blessures sur des représentants du Ministère de la Magie, ainsi qu'usage de magie devant un moldu et mauvais traitement à l'encontre de ce même moldu, déclara un petit homme replet d'une voix maussade.

Ce dernier était le chef de la Brigade de police magique. Il fit un petit signe de tête à ses collègues. Quatre sorciers se rapprochèrent pour empoigner les deux coupables. Morfin continuait d'éructer en Fourchelang tandis que deux d'entre eux le relevaient sur ses pieds. Son père, Elvis, toujours gelé en plein mouvement, ne pouvait que foudroyer du regard ceux qui l'encadraient.


Après qu'ils eurent transplané, Bob Ogden poussa un long soupir. Il retira ses épaisses lunettes pour se masser l'arête du nez. Après les avoir remises, il jeta un coup d'œil agacé à ses habits moldus. Du pus tâchait sa redingote et le haut de son maillot de bain, et un torrent de sueur s'accumulait dans ses guêtres. Il avait hâte de repasser des vêtements dignes de ce nom. Il s'apprêta à rejoindre le reste de ses renforts quand il se souvint d'un détail. Brusquement inquiet, il fit volte-face pour pénétrer dans la misérable habitation. Il devait plisser les yeux pour distinguer son environnement. L'échange de sorts, brisant une fenêtre et s'engouffrant par la porte, avait soulevé des nuages de poussières et éventé les cendres de l'âtre dans le living room.

    - Miss Gaunt ? appela-t-il en toussant dans son coude.

D'un mouvement fluide de sa baguette, il dissipa ce brouillard et finit par déceler une forme recroquevillée dans un coin. Il se dirigea vers elle à pas lents, aussi prudent que s'il avait voulu approcher une licorne. La jeune femme était maculée de saletés, sa peau se confondant avec la couleur grise élimée de sa robe et des pierres qui l'entouraient. Seule une traînée vermillon dessinait un arc au coin de sa bouche. On aurait dit qu'on l'avait frappé d'un revers de poing. De ce qu'il avait vu d'Elvis, cela n'aurait pas surpris Ogden outre-mesure. La pauvre tremblait violemment.

    - Je ne vous ferai aucun mal, commença-t-il en posant sa main sur son avant-bras.

Son geste était empreint de douceur et de bienveillance, mais Merope lâcha un cri de terreur.

    - Laissez-moi vous aider...

Elle secoua la tête, habitée par une peur incontrôlable née d'une vie de sévices. Il tenta de la redresser d'une main secourable mais elle vociféra de plus belle en s'agitant comme une furie. Il la lâcha promptement et recula d'un pas, les paumes en l'air.

    - Par Merlin, miss Gaunt... je peux vous aider, plaida-t-il encore.

    - Bob ! Qu'est-ce que tu fabriques ?

Une silhouette féminine se découpa dans l'encadrement de l'entrée. Son visage paraissait taillé à la serpe, ses traits anguleux encore accentués par ses cheveux blonds polaire coupés au niveau de son menton. Elle ne pouvait être qualifié de canon de beauté, mais un charisme certain, et même une froide élégance, se dégageait d'elle. Elle était l'exacte opposée de Merope Gaunt, à commencer par sa façon de se tenir droite et digne. Elle afficha une moue dégoûtée en détaillant l'intérieur du cottage et fronça le nez quand ses yeux se posèrent sur la jeune femme.

    - C'est la fille. Elle est en état de choc, expliqua le sorcier.

    - On n'a pas que ça à faire, Bob. On a un rapport à rendre et crois-moi, je n'ai pas l'intention de me montrer tendre, d'autant plus après ce que le fils a fait à Isobel. Elle n'en vaut pas la peine, ajouta-elle d'un ton sec.

Après un dernier regard dédaigneux sur la misérable créature derrière son supérieur, elle tourna les talons. Ogden dévisagea longuement Merope, hésitant, un mélange de pitié et de compassion dans les yeux, puis s'en alla à son tour en soupirant une fois de plus.



Le soleil plongeait derrière la colline qui flanquait Little Hangleton, baignant le manoir des « Jeux du sort » de chaudes teintes orangées. La pénombre s'était déjà emparée de la vallée où était encastrée le village. Sur le flanc de la colline opposée, les derniers rayons frappaient le bosquet des Gaunt pour le nimber d'une aura féérique. Quelque part entre ses arbres, Merope consentit à se relever du sol. Ses mouvements manquaient d'assurance, respiraient la crainte. Elle gardait les épaules voûtées et jetait des coups d'œil apeurés vers l'extérieur, guettant le moment où son père surgirait pour l'accabler de remontrances. C'était encore légèrement tremblante qu'elle referma la porte. Pendant de longues minutes, les muscles crispés, elle resta debout, attentive au moindre bruit qui lui signalerait le retour de sa famille. Mais quand il lui parut évident qu'elle était seule, elle vit sa maison sous un jour nouveau.

Quelques jours passèrent et l'étau qui enserrait la poitrine de la jeune femme depuis dix-huit ans se relâcha progressivement. Il lui arrivait encore de sursauter violemment quand une branche craquait dehors ou de gémir lorsqu'elle croyait percevoir le timbre agressif de son géniteur dans le chuchotement du vent. Puis un hibou aux superbes plumes cuivrés lui apporta une lettre de Mr Ogden. Il lui fallut un certain temps pour déchiffrer les mots qui y étaient tracés, Elvis Gaunt ayant à peine juger utile de lui enseigner les bases de la lecture. Il y avait d'ailleurs peu de chances qu'il soit lui-même expert. Merope avait dû apprendre à combler ses lacunes seule, et en cachette. Mais quand elle parvint à comprendre... Un puissant sentiment l'envahit. Quelque chose qu'elle n'avait jamais connu. Quelque chose qui rendait la lumière plus éblouissante, l'air plus vif, la vie plus belle.

La liberté.

Son frère, Morfin, écopait de trois ans d'emprisonnement à Azkaban, tandis que son père était condamné à six mois. Une kyrielle de possibilités s'offrait à elle, un horizon de rêves qu'elle n'aurait jamais osé imaginer, même au plus profond de son esprit. Un avenir, en somme, où elle pourrait être qui elle voulait et avec qui elle désirait, loin de ces deux hommes qui l'avaient consciencieusement réduite à l'état d'ombre.

Mirage - Aux origines de Tom Elvis JedusorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant