Chapitre 2 : Hermine

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Je traversai le hall de l'hôtel d'un pas résolu. Tout ici respirait le luxe, du lustre énorme en cristal qui pendait au plafond, au sol en marbre blanc sur lequel claquait mes talons. Les grooms étaient impeccables également dans leurs uniformes rouge taillés sur mesure.

En face de l'entrée, juste derrière le comptoir de l'accueil, se dressait une cascade magnifique ornée de sculptures de néréides parmi lesquelles se mêlaient des plantes aquatiques, et des nénuphars. L'ensemble était saisissant de beauté, j'ignorais que l'on pouvait trouver de tels endroits dans ma ville, portant j'y étais née, et j'y avais grandi.

Comme qui disait, plusieurs mondes se côtoient sur cette même terre, et je venais d'en avoir la preuve. Il y en avait un monde où tout irradiait de richesse, de luxe et de beauté. Et juste à côté il y en avait un autre plongé dans les ténèbres de la précarité. Cela ne m'étonne pas qu'il y ait des gens prêts à vendre leurs âmes pour autant de magnificence :

-          Tu vaux mieux que ça... me murmura Ezekiel

Une hôtesse, assez jeune et belle, m'accueillit. Elle était professionnelle, aussi ne m'examina-t-elle pas de la tête aux pieds. Mais je voyais dans son regard que des futures paroles que j'allais dire, allait dépendre la catégorie de personnes dans laquelle elle allait me classer et de ce fait, le traitement qu'elle allait me réserver :

-          Bonsoir, lui fis-je, prenant ma voix la plus détachée possible, tout en plaquant un faux sourire sur mon visage, je suis attendue par Monsieur John Doe.

Au nom que je prononçais, toute son attitude changea, de même que sa posture. Cette fois-ci elle n'hésita pas à me détailler de mes orteils soigneusement manicurés et chaussés dans de magnifiques sandales noires, nu pied à talons hauts; à la robe noire également, mi longue, simple sans manche qui me moulait le corps. Une fleur rouge, de la même couleur que mes lèvres, trônait dans mes cheveux noirs qui ondulaient délicatement jusqu'à la taill. Quand son regard s'arrêta à mon visage, j'arquai un sourcil légèrement :

-          Bien Mademoiselle, fit-elle, en chevrotant sur le Mademoiselle, comme si elle hésitait sur mon titre.

Je ne l'aidai cependant pas, préférant être garce jusqu'au bout.

-          Un de nos employés va immédiatement vous y conduire, veuillez patienter un instant, continua-t-elle en faisant signe à l'un des grooms qui attendaient sagement devant les multiples portes d'ascenseurs.

J'avais dû revoir plusieurs épisodes de la série dynastie, juste pour essayer de mimer des attitudes que je n'avais pas au naturel. J'avais également du voir quelques videos sur le développement personnel, et l'art d'avoir confiance en soi. Mais celles-là m'ont paru moins pertinentes, j'ai eu l'impression d'écouter un discours sans aucune chaleur, dispensé par un charlatan en quête de buzz. Mais calquer mon attitude sur celle d'un personnage de soap opéra, n'était pas plus glorieux je l'avoue.

-          Madame veuillez me suivre je vous prie, me dit un charmant jeune homme, qui lui par-contre n'hésita pas à me reluquer.

Il me conduisit à un ascenseur et attendit qu'il s'ouvre avant de me faire signe de passer puis de m'emboiter le pas. Une fois à l'intérieur, il appuya sur le bouton du dernier étage et les portes se refermèrent. Il me tourna ostensiblement le dos, mais je le voyais détailler mon image qui se reflétait parfaitement sur le métal doré des portes.

La féministe en moi s'insurgea, je détestais être reluquée comme un vulgaire morceau de viande :

-          La vue vous plait ? Lui lançai-je, étonnée moi-même par mon audace.

Il sursauta, puis contempla le plafond tout le temps que nous restâmes ensemble.

Une musique légère jouait en fond, tandis qu'une hôtesse blablatait sur je ne saurais vous dire quoi, tant mon attention était ailleurs. Je me mordis la lèvre.

Des doutes continuaient de m'assaillir et cette fois-ci ni Azazel et encore moins Ezekiel ne se manifestèrent, c'était inclus dans notre accord : elles pouvaient influencer mes opinions et mes idées quand je devais faire un choix, mais au moment de passer à l'action, je suis absolument libre de le faire ou de me rétracter.

Par exemple Azazel pouvait tout faire pour me conduire à l'entrée d'une boîte de nuit, mais une fois sur les lieux, c'était à moi de choisir si je devais la franchir ou pas. C'est à moi de prendre la décision. C'est exactement ce qui se passait actuellement.

Et là je suis sûre qu'Azazel devait danser la rumba, parce qu'il était hors de question que je me dégonfle. La curiosité et même un brin d'excitation me poussait à voir ce qui allait se passer. Cette sensation bizarre de sentir mon cœur battre à une allure folle était très plaisante. Je ne l'avais pas ressentie depuis longtemps.

L'ascenseur s'arrêta au moment où une légère nausée s'emparait de moi. Le groom sortit et se mettant à l'écart il me fit signe de le suivre puis me conduisit au lieu de mon rendez-vous avant de m'abandonner devant une large baie vitrée. Là, une sorte de maître d'hôtel, un homme entre deux âges, en costume noir, prit le relais sur le groom :

- Bonsoir madame, suivez-moi je vous prie, monsieur vous attend.

En passant la porte, la surprise me fit ouvrir les yeux ronds. Nous étions au dernier étage, les murs de la salle était entièrement en verre, laissant une vue incroyable sur la ville. la pièce était meublée harmonieusement, Le sol était recouvert d'une moquette beige, il y avait même une cheminée dans un coin, devant laquelle se trouvaient deux fauteuils noirs séparés d'une petite table basse.

Un bar faisait face à la cheminée, derrière la table haute se trouvait une étagère sur laquelle étaient disposés des bouteilles de toutes les tailles, certaines aux formes exotiques. A côté de la table se dressaient 3 chaises hautes. Au milieu de la pièce enfin il y avait des canapés en cuir, ultra modernes disposés autour d'une table basse. Des plantes étaient disséminées ça et là avec goût et des tableaux représentant des figures subjectives ornaient les murs et complétaient l'ameublement.

En face de moi, la baie vitrée s'ouvrait sur une terrasse dont la quasi-totalité était recouverte par une piscine, éclairée de l'intérieur par des spots.

MinotaureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant