Le son de la télé résonnait, et bien que je fixai les images, mon esprit se trouvait lui à des lieux de là. La sonnerie de mon téléphone me tira de ma rêverie : c'était le rappel que j'avais programmé, l'heure était venue.
En appuyant sur le bouton « off » de la télécommande, je mis fin au discours que Noah Centineo clamait à sa belle alors qu'ils étaient sous la neige. Inconsciemment je notai l'incohérence de la scène : il devait faire un froid de tous les diables, comment Lara Jean pouvait ne pas le sentir dans sa robe plus que légère ?
Je me dirigeai vers mon dressing, puis en me calant solidement sur mes deux jambes, je parcouru rapidement le contenu des yeux :
- Alors, murmurai-je, que me suggères-tu de porter aujourd'hui, Azazel ?
- La noire, susurra-t-elle, avec un sourire des plus voluptueux, elle te sied comme une seconde peau, il n'y a pas à hésiter.
- Je suis d'accord avec toi, lui répondis-je.
Quelqu'un pesta juste à côté à nous :
- Pourquoi hésites-tu encore ? ricana Azazel.
- Je n'hésite pas... commençais-je à protester.
- Allons donc, c'est ton chat qui se trouve comme par miracle doter de parole, et qui peste pour manifester sa désapprobation ? railla-t-elle encore.
Je serrai les poings, honteuse soudainement de ne pas être aussi décidée que j'aurais voulu l'être :
- Aristote a dit doute est le commencement de la sagesse, fit-elle remarquer quand même, tu peux toujours laisser tomber, personne ne t'en voudra...
- Oh la ferme, nous fîmes d'une même voix, Ezekiel et moi.
Le bien et le mal
La vie et la mort
Le blanc et le noir
La lumière et l'obscurité
La nature essaye toujours de créer un équilibre, ce qui fait que pour chaque chose, il existe son parfait opposé. L'être humain tout au long de son existence est soumis à deux influences contraires : l'une voulant le perdre, tandis que l'autre voudrait le sauver. Deux voix dont l'une le guide sur le chemin pavé de bonnes actions qui le mèneront au paradis, tandis que l'autre veut l'entrainer dans l'abîme de l'enfer. Nous les entendons tout le temps, ces voix ne nous quittent pratiquement jamais. Le problème avec moi c'est qu'elles ne se résument pas à des influences, ce ne sont pas que des voix, je veux dire, j'arrive à les discerner clairement : Azazel la maléfique, et la douce Ezekiel.
Evidemment ce ne sont pas leurs noms, elles m'ont dit que je pouvais les nommer comme il me plairait, alors je les ai appelées ainsi, des noms que j'ai emprunté à mes nombreuses lectures.
Je les distingue depuis un malheureux soir, où le chaos a envahi mon âme. Je ne sais pas comment cela s'est passé, comment le voile entre nos mondes s'est levé, mais ce soir-là, elles sont venues à moi, et la première à apparaître fut Azazel. Elle ne m'a pas fait peur bien au contraire. Surprise, je l'étais absolument, mais effrayée, pas le moins du monde. Je ne sais comment l'expliquer, c'était comme si je rencontrais enfin une amie de longue date. Ou alors l'ombre sans visage qui nous apparaît parfois dans nos rêves. J'avais la sensation de la connaitre et pour cause.
Elle me ressemblait un peu physiquement, grande, athlétique, les cheveux noirs. Mais il y avait des courbures dans son corps, de la malignité et uneliberté, qu'il n'y avait pas chez moi. La volupté suintait de tous ses pores et cela ne semblait aucunement la déranger. Elle assumait ce qu'elle était, et cela se voyait car elle rayonnait. L'autre différence entre nous étaient ses yeux, incroyablement noirs, incroyablement luisants et malveillants. Les yeux sont le reflet de l'âme dit-on, les yeux d'Azazel étaient la seule chose qui pouvait rebuter chez elle.
Il arrive des moments où, quand vous vous crashez, quand vous touchez le vrai fond, toute la pensée positive du monde ne vous vous relèvera pas, parce qu'on est totalement détruit. La peine est tellement immense, on croit que le soleil ne lèvera plus jamais. L'une des options c'est la reconstruction, brique par brique, en un tout nouvel être, un processus extrêmement long et douloureux. L'autre c'est la mort... Ce jour-là plus que tout au monde j'ai souhaité avoir le pouvoir de me faire justice, de la manière la plus sadique qui soit. J'étais prête à vendre mon âme au diable, à abandonner tout ce qui était bien, tous les petits discours que je me répétais pour rester dans le rang et être une bonne personne, ou une personne moyenne, ce jour-là, j'étais prête à prier le diable. Et cela me fait peur de dire ces mots, car il semblerait bien qu'il m'ait entendue du plus profond de son enfer.
Ezekiel suivait de prêt. A l'inverse d'Azazel en qui je me reconnaissais, celle-là incarnait une personne que je sais ne pouvoir jamais être. Elle était presque identique à Azazel : le cheveux noir, l'œil ténébreux, des courbures sobrement enveloppées dans un vêtement stricte. A l'exception près qu'elle resplendissante de bonté, de compassion et de douceur. Il transparaissait d'elle confiance et force. Là où l'une n'était que fourberie, l'autre était la dignité incarnée. Et je l'avoue, cela m'intimida bien plus.
Ce jour-là, elles me firent chacune une proposition...
- Alors que décides-tu, m'interrompit Azazel de sa voix traînante et aguicheuse.
- La noire, avec le rouge à lèvres intense, fis-je d'une voix décidée.
- Parfait...murmura-t-elle.
Cette fois-ci Ezekiel ne répondit pas. Comme à chaque fois que mon choix était clair, en choisissant la facilité de succomber à mes désirs, en choisissant le côté du mal absolu. Cela la privait de son pouvoir et son emprise sur moi.
Ceci n'est pas un conte de fées, ni le récit d'une belle histoire d'amour, avec des nuées de papillons et des pluies de pétales de cerisier. Quand bien même, je n'ai rien contre les histoires d'amour, bien au contraire. Mais ici se trouve le triste roman de ma descente aux enfers, et si je devais la comparer à un de nos contes modernes, je crois que « Le silence des agneaux » serait celui qui s'en rapprocherait le plus.
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Minotaure
Ficção GeralFaites attention à vos souhaits, car parfois il y a de très fortes chances que vos prières soient entendues, non pas par une bonne fée marraine, mais par le diable en personne. Le meilleur prédateur, dit-on, n'est pas celui qui prend sa proie sous l...