Chapitre 5 : Ariane

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Le labyrinthe dans lequel Minos fit enfermer le petit prince, était désespérément vide. Sans toiture, le matin il était baigné de lumière, et la nuit, envahi par les ténèbres les plus profondes. En certains endroit des oliviers avaient été plantés de même que certains autres arbres, un pan entier d'un mur était recouvert de jasmin et il y avait même de la vigne, qui selon les saisons, produisait de savoureux raisins. Il y avait une sorte d'enclos ou de chambre, pour protéger le minotaure des intempéries. En dehors de cela, il n'y avait aucune sorte de confort.

Les jours passèrent et peu à peu, abandonné à lui-même et à son triste sort, le jeune prince se livra entièrement à son instinct. Il avait parfois de brefs souvenirs de sa vie passée, mais jamais rien qu'il n'eut jamais chéri, rien qui ne l'eut jamais attendri. La violence, la sauvagerie et la mort, étaient ses seules compagnes.

De temps en temps, à l'insu de tous, le Roi envoyait dans le labyrinthe, des esclaves, ou alors en guise de châtiment, des prisonniers de guerre et des personnes qui s'opposaient à son règne.

Peu à peu la rumeur se répandit que Minos, possédait une arme, un guerrier ultime et invaincu qu'il enverra bientôt à la guerre. Aux esclaves et aux prisonniers se joignirent alors des assassins, et des chasseurs de prime, à la solde des souverains ennemis qui voulaient se débarrasser du minotaure. De ceux qui pénétraient dans le labyrinthe, volontairement ou non, il n'y eu jamais de survivants.

Un jour, un groupe de tueurs mandatés le Roi des perses, pénétrèrent dans le labyrinthe. Plus malins que les autres, ils se servirent d'un appât pour attirer le monstre. Celui-ci ne tarda pas à les rejoindre, et bien qu'ils fussent très bien armés et entrainés, aucun d'eux ne put lui résister :

- Par Dieu, ce n'est pas un homme mais un démon, le diable incarné sur terre, cria l'un d'entre eux, juste avant qu'il ne rendît son dernier souffle, ou ne se départit de sa tête.

Alors qu'il le démembrait, un mouvement attira l'attention du Prince. A côté des cadavres, il y avait un tas de tissus qui bougeait. Avec l'assurance de celui qui ignorait la peur, il se dirigea vers le tas de chiffons et d'un geste brusque tira dessus, faisant se retourner le tout dernier membre du groupe.

En réalité, il s'agissait d'une jeune fille, celle qui avait servi d'appât, le prince la reconnue à son odeur. Elle avait des longs cheveux noirs et frisés, de grands yeux marrons en amande et une peau couleur de miel. Il y'avait de la terreur dans son regard, mais également autre chose qu'il n'avait jamais vu : de la résignation mais aussi beaucoup de douceur.

Ils restèrent longtemps à s'observer, l'un intrigué, alors que l'autre était horrifiée et se disait que sa dernière heure surviendrait si elle rompait ce contact visuel.

Le Prince rompit le lien le premier, et retourna à son repas, sans plus lui accorder la moindre attention. Il ne sentait pas menacé, pas par une personne aussi frêle.

La jeune femme l'observa déchiqueter les restes de ces compagnons, cela associé à l'odeur pestilentielle qui flottait dans l'air, et à la peur d'être la suivant, lui arracha de violents vomissements.

Mais les minutes s'écoulèrent, sans que rien ne se passa. Une fois son repas achevé, le prince s'en alla, toujours sans lui accorder le moindre regard.

La jeune femme resta ainsi prostrée pendant deux jours, à côté des restes en décomposition de ses camarades. Elle n'osait bouger et respirait à peine, car pensant qu'elle allait mourir, il lui semblait inutile de chercher à effectuer le moindre geste lui rappelant qu'elle était en vie.

Au bout du troisième jour, un jeune homme vint à elle. la jeune femme crut d'abord à un mirage avant que celui-ci ne lui saisisse la main et ne la traina presque très loin du lieu du massacre. Il la mena à une sorte de cabane plus propre où l'air y était plus respirable. La normalité de l'endroit avait même quelque chose de rassurant. A coté de l'enclos était une sorte de fontaine, à laquelle il s'abreuva et se lava, avant de s'affaler sur ce qui semblait être un lit.

Toujours terrorisée la jeune fille l'observait cependant, surprise. On lui avait parlé d'un monstre, une créature mi-homme mi-taureau, pourtant ce qu'elle avait devant elle était un jeune garçon tout ce qu'il y avait de plus normal, si ce n'est son corps athlétique et son regard sauvage et effrayant.

Deux jours passèrent ainsi, deux jours au cours desquels, malgré la chaleur, la jeune fille ne but, ni ne mangea. Elle restait prostrée à l'entrée de l'enclos, regardant d'un œil morne le minotaure se livrer à ses habitudes. Elle était convaincue qu'il jouait avec elle, comme un prédateur avec sa proie et n'allait pas tarder à la dévorer comme il l'avait fait avec ses compagnons. Elle attendait patiemment alors, le moment où il allait la tuer.

Mais ce moment ne vint jamais. Au bout du deuxième jour, alors son pauvre corps rattrapé par toutes les privations qu'elle lui avait fait subir, ne tint plus, et elle s'évanouit. Elle ignorait combien de temps elle perdit connaissance avant qu'une douce fraicheur ne la fit revenir à elle. Quand se réveilla, elle se trouvait dans le bassin de la fontaine, et le prince, lui tenait délicatement la tête hors de l'eau.

Elle se releva en sursaut, perdit pied et tomba dans le bassin avant de se relever encore et darder son regard sur celui du minotaure :

- Bois, lui dit-il simplement, avant de tourner le dos et partir se recoucher sur son lit.

Elle le rejoignit quelques minutes après :

- Tu parles, lui dit-elle, toujours prise de peur, mais se disant qu'elle n'avait plus rien à perdre

Il ne répondit pas :

- Pourquoi tu ne m'as pas encore tuée, demanda-t-elle encore.

- Parce que tu es comme moi, lui fit-il enfin

- Je suis un être humain. Je ne suis pas un monstre, cria-t-elle. Je t'ai vu, tu as dévoré leur chair, ajouta-t-elle avec un haut le cœur.

Même s'il ne le montra pas, ces paroles touchèrent le Prince, et le blessèrent :

- Tu n'es pas libre, lui rétorqua-t-il.

La jeune femme en resta bouche bée. De là ou elle venait, il est vrai qu'elle était prisonnière de ces hommes, ou de leur souverain du moins. Elle appartenait à une famille d'esclaves qui depuis des décennies servaient la famille royale. Quand ils avaient entendu parler du soldat extraordinaire de Minos, le Roi des perses avait choisi les meilleurs parmi ses guerriers et leur avait confié la mission de l'assassiner. Dans le plan qu'ils avaient monté, il devait y avoir un appât pour attirer le minotaure et le mettre à découvert afin de l'abattre et c'est ainsi qu'elle avait été choisie.

Comment cette bête avait-elle deviné ?

- Qui es-tu ? continua-t-elle.

- Je suis le minotaure, ricana-t-il

- Comment te nommes-t-on ?

Seul le silence lui répondit.

Frustrée, elle fit un geste brusque pour sortir de l'enclos, mais sa tête se mit à tourner et elle tomba. Au lieu de la morsure du sol, ce furent des mains et un torse solide qui l'accueillirent, l'empêchant de s'écraser :

- Astérion, l'entendit-elle lui murmurer.

- Ariane, lui répondit-elle peu avant de s'évanouir.

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⏰ Dernière mise à jour : Dec 04, 2020 ⏰

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