Chapitre 4: La proposition

33 3 1
                                    

-          Je te préviens tout de suite, m'entendis-je presque crier, il est hors de question que je lance dans quelque chose d'aussi... je ne suis pas ce genre fille...

-          Pourtant cela ne manquerait pas de piquant, murmura-t-il avec une lueur amusée dans le regard.

Il était clair qu'il se moquait de moi. Qui était ce type qui se conduisait de manière aussi familière ? ce n'est pourtant que la seconde fois que je le croisais.

-          Comment entendais-tu me payer, continua-t-il, avec de l'argent ? Regarde autour de toi, ai-je l'air d'être dans le besoin ?

-           Que  veux-tu en échange ? murmurai-je alors poussée par la curiosité.

-          Une chose que tu es seule à être en mesure de me donner. C'est simple Hermine, susurra-t-il devant mon air interloqué, je te donne ce que tu veux, et une fois que tu auras obtenu entièrement satisfaction, en échange, tu me laisseras me repaître de ta personne.

-          Comment ! hurlai-je cette fois-ci en bondissant sur mes deux pieds. Je ne ferais jamais un truc aussi dégoûtant, je ne suis pas ce genre de personne, mieux vaut que je m'en aille.

Alors que je ramassais mes chaussures, je l'entendis continuer :

-          Il ne s'agit pas de ce type de paiement Hermine, je veux réellement me repaître de toi, enfin de ta chaire. A la fin du contrat, je disposerai de ta vie, je te dévorerai, au sens propre du terme.

Cette fois-ci, je me retournai pour le regarder franchement, cherchant à savoir qu'il se moquait encore de moi. Mais rien dans son attitude, ne trahissait la moquerie, il était absolument sérieux. Un frisson glacial me traversa l'échine, alors que tout mon corps se tendait pour fuir. Je venais de tomber dans l'antre d'un sociopathe. Pourtant aucun signal, aucune alarme ne m'avait avertie.

Il est un proverbe qui dit « Son heure venue, la proie finit toujours par aller vers le chasseur ». Etait-ce le destin que nos chemins se croisent justement à ce moment ?

-          Ne t'en fais pas, je ne vais pas m'en prendre à toi, à moins que tu ne m'autorise à le faire, continua-t-il, d'un air las.

Je tremblais toujours autant de la tête aux pieds, cherchant un moyen de m'enfuir sans trop de casse. Vu son corps massif et athlétique, à la course comme à la lutte, il prendrait facilement le dessus sur moi. Comment allais-je faire pour m'en tirer. Etait-ce vraiment la fin ? Allais-je mourir ainsi ? de quelle manière allait-t-il me tuer ?

-          Allons donc, reprit-il, ta réaction est surprenante Hermine. Il est vrai que tu es différente de la première fois où l'on s'est croisés, mais au regard de ce que je perçois autour de toi, je croyais que tu avais déjà deviné ma nature.

J'osais enfin croiser son regard, et ce que j'y vis m'arracha un hoquètement de surprise mêlée à de la peur: son regard s'était soudain assombri, et dans ses prunelles, dansait une lueur familière, que je ne reconnus que trop bien. Son sourire s'étira voyant que la lumière, ou du moins quelque chose qui s'en rapprochait, se faisait enfin dans mon esprit. Il se leva et s'avança vers moi.

Je n'avais nulle part où aller, j'étais prise au piège. Cela me rappela l'image d'une mouche prise dans une toile d'araignée : peu importe à quel point elle est engluée dans les fils, elle se débat jusqu'à ce que ses forces l'abandonnent, essayant toujours de s'en sortir. Je n'avais même pas ce courage, j'étais absolument tétanisée.

-          Tu n'es pas étrangère aux ténèbres, me dit-il alors les yeux toujours rivés aux miens, je ne les distingue pas encore clairement, mais je les sens tout autour de toi.

Il fit un geste vif avec sa main gauche, et du coin de l'œil, je vis qu'il avait saisi le bras d'Azazel.

-          Qui es-tu ? fis-je, toujours debout en serrant mes chaussures contre ma poitrine.

-          Je suis celui qui peut t'aider à réaliser tes souhaits, comme tu l'as si bien dit, mais je t'ai aussi parlé du prix à payer. Es-tu capable d'un aussi lourd sacrifice ? cela en vaut-il vraiment la peine ?

Je reculais de quelques pas en arrière. Etant justement habituée aux murmures des ténèbres, je savais à quoi m'en tenir. Je savais que comme il l'avait dit, il ne s'approcherait pas de moi, pas tant que je ne lui en donnerais pas l'autorisation.

-          Pour une fois, je vais déroger à mes règles, soupira-t-il en relâchant Azazel, alors que ses yeux reprenaient leur aspect initial. Je vais te donner encore quelques jours pour réfléchir. Si tu renonces, tu ne conserveras pas un seul souvenir de cette rencontre, tu me comprends, je préfère qu'il n'y ait pas trop de bruit autour de mes petites affaires. Mais si jamais tu persistes sur cette voie, alors tu sais où me trouver.

Sans plus faire attention à moi, il retourna vers la table où il reprit son verre de vin, avant de se diriger vers la baie vitrée devant laquelle il se campa. Il me tournait ostensiblement le dos, tout en sirotant sa boisson, signe que la conversation était finie.

Sans perdre une seconde, je m'enfuie en courant de la pièce, en sortant en trombe, je manquais de renverser le majordome. En relevant la tête, nos regards se croisèrent, et le vide dans le sien me fit froid dans le dos. Je le bousculai et me précipitai vers les escaliers car attendre l'ascenseur me semblait trop long, au cas où il changerait d'avis et décidait réellement de s'en prendre à moi.

Je n'avais pas conscience réellement de mes gestes, il semblait que son contact aie réveillé quelque chose de primitif en moi : l'instinct de survie avait prit possession de mon corps et le poussait vers la sortie. Je ne m'arrêtai que lorsque le souffle me manqua. Mes cheveux s'étaient détachés lors de ma course, et se plaquaient sur mon dos couvert de sueur.

Ce qui me sembla une éternité plus tard, je sortis enfin de ce dédale. J'étais dans la rue, mais à une porte différente de celle que j'avais empruntée au début. J'étais dans une petite ruelle noire, bien loin de l'éclat éblouissant de l'entrée.

Sans prendre le temps de m'arranger, j'arrêtai le premier taxi que je croisai, et me rua à l'intérieur de la cabine, en criant presque mon adresse au chauffeur.

MinotaureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant