Chapitre 7

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  Les mois qui suivirent furent plus faciles à vivre. Petit à petit, l'horreur fit place à une peine moins forte, puis il ne resta plus qu'un pénible souvenir. Une réminiscence qui était quand même bien présente, tel un fantôme qui hante un lieu, le souvenir hantait les cœurs et les esprits.

  Le prénom d'Henry n'était plus tellement prononcé chez les Murgrove, quant aux Price, à part Katherine, plus personne n'osait en parler non plus. Cela n'avait pas été une grande perte pour lord Berthram, mais il l'avait tout de même mal vécu : ce n'est pas tous les jours que l'on perd son fils aîné. Il avait même été touché devoir la peine de Katherine.

  Il avait presque tenté un rapprochement, mais à la dernière minute, avait transformé son geste de caresse en un signe d'agacement. Katherine en était restée pétrifiée. Elle n'avait rien dit, rien fait pour lui redonner envie de lui effleurer le visage. Elle ne pouvait plus supporter cet homme, qui lui était plus étranger que ses tendres voisins. Eux étaient venus sans aucun délai lui présenter leurs condoléances. Ils avaient apporté nombre de choses futiles et notamment de la nourriture. Ils lui avaient tenu compagnie... Mais lui... Qu'avait-il fait ? Rien, il s'était contenté d'esquisser cette caresse avant de la camoufler, comme s'il lui était dorénavant impossible de montrer un tant soit peu d'amour à sa femme.

  Il était retourné à sa bibliothèque, lieu qu'il ne quittait décidément plus, où il avait erré, pendant quelques jours, désorienté. L'atroce souffrance qu'il avait pu lire sur le visage de sa femme l'avait touché au plus haut point. Jamais il ne l'aurait cru aussi attachée à ses enfants. Mais comment aurait-il pu savoir qu'elle les aimait autant, il n'était pas là, il ne s'y intéressait pas jusqu'à présent.

   Après sa période de deuil, lord Bertram sortit davantage. Il se dit que dorénavant, il prendrait plus soin de ses deux derniers fils, même si sa préférence allait au plus jeune. Il baissa sa consommation d'alcool par la même occasion afin d'être tout de même conscient de ses moments avec ses garçons.

  Moins colérique, il décida d'appeler Stephen aussi souvent qu'Aaron pour lui lire à lui aussi des histoires. Stephen comprit les remords de son père quant à son mauvais rôle de parent et décida d'en jouer pour se venger de ce père si détestable. Il enfonçait le couteau dans la plaie, le tordait, le retournait, jusqu'à ce qu'il ne laissa que la chair à vif.

   Mais bientôt ce petit jeu cessa de l'amuser. Il trouva son père changé et décida de lui pardonner. De toute manière, il lui était trop dur de rester longtemps dans ses désirs de vengeance, il était bien trop taciturne pour avoir la force de parler longtemps, et surtout pour chercher des moyens de rendre les coups.

   Il préféra bien vite écouter son père lire, lui silencieux et aussi discret que possible malgré sa maladresse. Son père soupirait quand certains de ses livres préférés finissaient sur le sol, mais plus jamais il ne se mit en colère contre Stephen.

   Katherine, de son côté, accueillit avec soulagement ce changement dans la maison. Il était seulement dommage à ses yeux, qu'ils devaient le salut de son mari à la mort de son aîné. Car Katherine ne s'y trompait pas, c'était bien le décès subit et totalement inattendu d'Henry qui avait fait prendre conscience à Bertram que la vie n'était pas éternelle et que bientôt, il faudrait en référer à Dieu. Et oui, Bertram allait bientôt atteindre la soixantaine et boire autant à son âge pouvait précipiter sa mort.

   C'était la mort d'Henry qui le lui avait rappelé. Il s'était dit avec horreur que son fils avait probablement échappé à l'enfer, mais que lui le rejoindrait tout droit, une fois mort. Il ne reverrait donc jamais son garçon. Il fallait qu'il se rachète, qu'il fasse taire cette terrible culpabilité qui avait commencé à pointer le bout de sonnez à l'enterrement de son fils.

Stonemanor : Le Manoir de pierreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant