III

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La jeune fille était tout aussi surprise que lui; mais cette phrase lui fit afficher un sourire naïf sur son doux visage.

“- C'est super ça !! Tu ne vas plus tuer personne ! ”

Stanislas ne réagit pas aux paroles de son amie. Il s'attendait à cette réaction, tout à fait typique de sa part.
Sauf qu'au contraire de Camille, cela ne le réjouissait pas.
Milles et unes questions s'entassaient dans sa tête, auquelles il ne trouvait de réponse. Cette annonce lui était si suspecte, qu'il ne pouvait y trouver la même joie que la brune.

Voyant le visage penseur du russe, Camille voulu poser sa main sur la sienne, comme pour le rassurer, mais il s'était déjà levé pour aller ailleurs. Alors, elle le rattrapa, l'enlaçant ainsi. Sa poitrine se pressait contre le dos trapu de Stanislas, et ce geste était devenu une habitude de la fille lorsqu'il n'était pas d'humeur, ou qu'il réfléchissait trop.

“- Tu n'as pas l'air heureux... À croire que tu aimes ça, tuer des gens... Dit-elle, d'une voix étouffée par le tissu du t-shirt noir de son ami.

Elle savait bien, au fond d'elle, que ce n'était pas la raison de son introspection. Mais elle n'arrivait pas à comprendre pourquoi il n'éprouvait pas la même satisfaction qu'elle, en ce moment même, suite au fait qu'il n'ôterait la vie de personne, cette fois-ci.

“- Ce n'est pas ça Camille. Je ne comprends juste pas pourquoi je dois le protèger désormais. Le patron ne fait jamais d'exception, c'est la première fois. Et c'est louche.

En disant cela, il avait serré les poings, comme un enfant capricieux.
Lui, élevé dans le but d'être une épée, solitaire et charogne, se retrouve à jouer le rôle du bouclier, altruiste et robuste, pour une raison qui est, de plus, encore inexpliquée. C'était la seule chose qui le dérangeait, et il ne pouvait que s'imaginer que celui qu'il allait “protèger” devait être quelqu'un de sacrément important.

C'est sur cette pensée qu'il se détacha de l'étreinte de Camille, pour rentrer dans la salle d'eau de leur chambre d'hôtel.

Le jour suivant, ils décidèrent de visiter le centre de Oia, la ville où ils se sont installés pour quelques jours. Si cela ne tenait qu'à Stan, il serait probablement resté cloîtré dans la chambre. Mais son amie avait insisté pour sortir, sous prétexte que le soleil était haut dans le ciel, et qu'il serait dommage de ne pas en profiter. Alors il l'a suivit.

Celle-ci, d'ailleurs, avait à sa disposition un appareil photo. Tous les paysages typiques de la région grecque étaient capturés par son petit boîtier : les maisons blanches aux dômes bleus, les ruines d'un ancien château byzantin, ou encore quelques clichés pris à la volée, où l'on voit Stanislas marcher sur les chemins de pierres ensoleillés.

Camille voulait garder chaque précieux instant de cette balade. À vrai dire, c'était la première fois qu'elle voyageait vraiment. Le russe, lui qui, habituellement, voyageait seul, lui avait proposé de venir. Elle accepta instantanément.
Même si elle savait ce que cela impliquait, la Grèce était un pays qui l'avait toujours fasciné, de par son histoire, sa culture, ou encore l'architecture particulière des édifices et les panoramas idylliques des villes grecques.

Et, en plus de cela, elle ne faisait pas son voyage avec n'importe qui. Alors, Camille se sentit véritablement heureuse.

Ils ont continué de marcher à travers la cité encore longtemps, avant que le soleil ne change de couleur et commence à s'en aller.
Les couchers de soleil à Oia étaient de ceux que personne ne voulait rater.
Les murs immaculés des habitations se teintaient de doré, les croix de fer des églises se mettaient à briller; tout s'était recouvert du voile de lumière orangé du fameux crépuscule grec.
C'était probablement le plus beau spectacle que la ville pouvait leur offrir.

Alors, ayant repéré un café qui offrait cette vue de rêve, en plus du bord de mer en fond, ils s'installèrent sur la terrasse, où quelques têtes y avaient déjà trouvé une place. Le paysage était le même que celui imaginé par Camille.
Ils étaient tous deux face à face, l'un, observant l'horizon, l'autre, son ami.

Il était si beau, avec les reflets orangées du ciel qui venaient se déposer délicatement sur sa peau opaline.
Ses cheveux brillaient encore, comme dans la voiture. Les quelques mèches blanches se transformait à nouveau en doré.
Avec un élan de courage, la jeune fille se munit de son appareil, qu'elle porte à son oeil, et appuie sur le bouton, laissant un léger clic s'échapper.

Stanislas, un peu surpris, détacha son regard du ciel pour le poser sur la brune, qui regardait la photo qu'elle venait tout juste de prendre, et dont les joues se coloraient doucement en pourpre.

“- Pourquoi tu as fait ça ? ”

Camille, toute gênée, ne savait pas comment répondre. Lorsqu'un semblant de phrase se formait dans sa tête, les mots ne voulaient pas sortir de sa bouche.
Elle réussit tout de même à lui poser une question, les lèvres tremblantes.

“- E-est-ce que tu veux que je la supprime ? ”

Il hausse simplement les épaules, en replaçant ses cheveux, après que le vent ne vienne les déplacer.

“- Tant que tu la gardes pour toi, c'est bon... ”

Elle sourit, contente qu'elle puisse garder ce qu'elle considérait comme le cliché le plus réussi de sa vie.

Les boissons qu'elle eut commandé arrivèrent par la suite. Un Blue Hawaï pour la Madame et un Sex on the beach pour le Monsieur.
Camille s'amusait avec sa paille, trempant dans l'eau bleue de son cocktail. Elle la tournait entre ses doigts, la cognait contre le verre et la poussait contre les glaçons. Il n'y avait rien de mieux à faire. Certes, elle profitait de la soirée, de la brise estivale et des parfums qui l'accompagnait. Mais le russe restait taciturne.
Il n'avait pas l'air de faire attention à ce qui l'entourait. Il était dans son monde, encore une fois, et elle voulu qu'à ce moment là il se mette à parler, à lui raconter ses aventures dans des mondes étrangers, ou rien que lui décrire le goût de sa boisson lui suffirait.
Mais, en plus de sa nature réservée, c'était sûrement à cause de cette étrange mission, qui le dérangeait tant, qu'il ne s'ouvrait pas à elle.

- Au fait, tu as des infos sur la personne qu'on t'as demandé de protéger ? ”

Elle se souvient bien de Stan assis au bureau, de l'écran de son ordinateur, et des recherches qu'il effectuait dessus. Il a bien dû trouver quelque chose, non ?

“- J'ai son nom et son insta, si tu veux le voir.”

Camille acquiesce d'un mouvement de tête, et il prend son téléphone pour se rendre sur l'application. Il le tend ensuite à la brune, qui se précipite dessus, curieuse.
Elle regardait les multitudes de photos présentes avec de grands yeux. La personne qui était sur les fonds marins de la Grèce n'était définitivement pas ce à quoi elle s'attendait.

“- Euh, c'est lui, t'es sûr...?

- Sûr.  lui répond le russe, en finissant son verre. Ophio Xanaélis. ”

ὄφιςOù les histoires vivent. Découvrez maintenant