5 décembre

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Je la vois s'affoler au-dessus de son corps sans vie que les soignants ne tardent pas à recouvrir d'un fin drap blanc.

Le bruit qu'elle fait est infernal. Sa voix, bien plus puissante que celle qu'elle possédait jusqu'alors me glace les entrailles. Sa peau devenue aussi blanche que neige porte toujours les stigmates de l'incendie qui lui a ôté la vie. Une énorme balafre lui barre le visage déformé par la colère de cette jeune femme fauchée par la mort.

Petit à petit, la salle se vide pour ne laisser que cet esprit vagabond et moi-même, la responsable de sa mort. Elle n'a pas l'air d'avoir remarqué ma présence et reste un long moment suspendue au-dessus de son cadavre refroidissant.

A-t-elle enfin compris qu'elle était morte ?

Je n'ai jamais été doué avec les humains, et encore moins les âmes en peine. Comment va-t-elle réagir en prenant conscience que je suis près d'elle ? Se demandera-t-elle si je suis un monstre, comme je l'ai entendu des millions de fois déjà ?

Ou bien se laissera-t-elle convaincre facilement ?

Après tout, je suis un être doué de pouvoirs incommensurables. Elle devrait me craindre, comme les autres.

Je me risque à l'approcher et m'éclaircis la gorge.

Ses yeux vitreux se tournent légèrement vers moi avant de s'agrandir plus que de raison.

— Qui êtes-vous ?

Ce n'est pas de la peur que je lis dans son regard, non, c'est de l'étonnement. Peut-être même de la curiosité.

— Mon nom n'a aucune importance, je lui réponds en tentant un sourire rassurant. Je suis là pour vous.

Elle hausse les sourcils, attentive. Je dois avouer que sa réaction me laisse pantoise.

— Suis-je... morte ?

Elle pose de nouveau ses prunelles bleues sur son corps sans vie et effleure de sa main son cœur de mortelle.

— Malheureusement, oui.

— Je suis dans un piteux état, constate-t-elle en fixant le drap.

— Et j'en suis désolée, je rétorque un peu trop précipitamment.

— Pourquoi le serez-vous ?

Sa question est sincère. Elle n'est pas obligée de savoir que je suis l'auteure de l'incendie, n'est-ce pas ?

— La perte d'une vie est toujours triste.

Elle sourit. Je l'observe, tout en essayant de cacher mon étonnement.

— La mienne ne valait pas grand-chose, donc tout va bien. Je suis peut-être mieux ainsi, rajoute-t-elle.

Oui, jeune femme. Je le pense aussi.

— Êtes-vous ici pour m'emmener au paradis ? Ou en enfer ? demande-t-elle le plus sincèrement du monde. S'il existe un entre-deux, c'est sûrement là que je dois être.

— Pourquoi ?

— Je dois avouer que je n'ai pas été un exemple parfait. J'ai — enfin, j'avais — vingt-neuf ans. Enfin, je crois ?

Elle fronce les sourcils. Ses souvenirs s'étiolent, en commençant par les informations personnelles la concernant. C'est ainsi que les âmes sont emmenées sans difficulté vers leur dernière demeure.

— Je... je ne m'en rappelle plus. Et...

Elle fixe sa main gauche à laquelle une bague est toujours visible, malgré l'état lamentable de sa peau.

Alongside CircéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant