𝕷𝖆 𝕻𝖚𝖗𝖊𝖙𝖊́ 𝖛𝖆𝖎𝖓𝖈𝖗𝖆 𝖙𝖔𝖚𝖏𝖔𝖚𝖗𝖘 (𝐿𝑖𝑣𝑟𝑒 𝟚) ✔

Prologue

"Ce qui ne peut danser au bord des lèvres s'en va hurler au fond de l'âme."

Le regard de Narcissa se posa sur l'emblème gravé sur la pierre brute de la cheminée. Dans le silence religieux du manoir, sa présence se dessinait telle une figure droite et immobile, postée devant l'objet de l'orgueil de sa famille. Un grand M entouré d'un serpent et encadré de dragons aux ailes de jais. Ce pour quoi elle avait vécu toute ces années.

Elle se rappelait encore de ses jeunes années. Aurbun, Evan, Andromeda. Tant de douleur pour si peu de gens, tant de larmes que depuis le départ de sa dernière sœur, elle n'avait plus jamais pleuré. Elle était fatiguée de pleurer. Elle avait arboré son nom comme une armure de fer, et ne s'en était jamais séparée. Elle s'était muée dans le silence de son immense demeure et observé son fils grandir. Etait-elle heureuse ? Certainement. Si le bonheur était ce sentiment qui éradique toute douleur, alors oui, elle était heureuse.

Mais elle savait que cela ne durerait pas. Pour la même chose, tout le temps, toujours. Peut-être aurait-elle dû être à l'écoute des derniers mots de Bellatrix. Peut-être n'aurait-elle pas dû sous-estimer le plus grand mage de l'Histoire. Peut-être qu'elle aurait du fuir, juste avant, et disparaître aussi facilement qu'un papillon meure dans la nuit. Juste pour oublier définitivement le goût des larmes.

Soudain, depuis le vestibule, elle entendit les serpents de pierre siffler. Ses yeux se mirent à briller. Elle aurait pu croire qu'il s'agissait des Aurors venus l'enfermer à Azkaban pour une certaine raison qu'elle ignorait. Elle ne connaissait plus les agissements de Lucius, restée maintenue dans l'ignorance depuis des années. Mais il lui avait annoncé, quelques mois auparavant, que le Seigneur des Ténèbres était revenu. Ça oui, il lui avait dit.

Dans l'allée extérieure, le grincement du grand portail de fer forgé résonna à des kilomètres à la ronde. Elle s'y attendait, oui. Cela aussi, Lucius lui avait dit. Trois vases avaient été brisé ce jour-là.

Ses yeux se reportèrent sur la baguette courbée qui posait là depuis maintenant quinze ans. Combien de fois elle avait pensé la jeter du haut d'une falaise pour pouvoir définitivement l'oublier. Combien de fois elle avait même songé à la rompre. Rien que pour le plaisir d'entendre son souvenirs se briser. Au final, elle l'avait laissé au même endroit, laissé la poussière recouvrir la douleur de ce jour-là. Le pire n'était pas qu'elle ait décidé de partir, non. Le pire était que Narcissa s'acharnait à la penser morte alors que, quelque part dans ce monde, son cœur battait encore comme plein de vie.

La porte d'entrée grinça à son tour et les serpents de pierre crachèrent leur venin une dernière fois. Narcissa n'était pas préparée. Elle le savait, au fond d'elle. Elle n'était pas prête à voir réapparaître ce qu'elle avait réussi avec le temps à effacer. Pas encore. Jamais, même.

Lorsqu'elle entendit retentir les pas dans le vestibule, une larme glissa le long de sa joue, lentement, douloureusement. Elle fixa une nouvelle fois son emblème pour se donner ne serait-ce qu'un peu de courage. Elle n'était pas prête, mais elle n'avait pas le choix. Elle n'avait jamais eu le choix, de toute manière. Sa main saisit pour la première fois depuis quinze ans la baguette de son aînée. Narcissa se sentait brisée. Elle se sentait s'écrouler lentement, elle sentait cette horrible douleur revenir et se délecter de sasouffrance. Elle sentait son rêve prendre fin, et le cauchemars recommencer.

Des pas entrèrent dans le salon. Narcissa sentit sa poitrine s'oppresser et son souffle se couper, mais elle demeura droite comme une pierre, le regard fixé sur la gravure du conduit de cheminée. Elle avait l'impression d'entendre un mort revenir parmi les vivants. Ses doigts se crispèrent sur le bois recouvert de poussière et une deuxième larme coula.

Lentement et dignement,elle se retourna. Et alors que son monde s'écroulait, alors que sa vie entière changeait de direction, elle s'entendit prononcer :

– Bella. Te revoilà enfin.