Parjure

La Longue Veille

Les forêts de Kalimdor semblaient enfin retrouver leur quiétude originelle. Elles étaient silencieuses et chantantes à la fois, plongeant tout visiteur dans une aimable solitude.

Les arbres pouvaient donner leurs branches comme un refuge sécurisant à celui qui venait se perdre ici.

Le silence de l'instant se mélangeait aux bruits des feuilles volant dans le temps infini.

La sécurité était présente entre les stèles de pierres et les gardiens de ce monde végétal.

Les bois, dans leur teinte automnale, offraient une nouvelle vie au visage pâle de Theron.

Le chasseur de démons cherchait ses réponses en scrutant le ciel.

Son regard spectral luisait à travers son bandeau d'étoffe, se perdant entre les branches des arbres sans âge qui trônaient autour de lui.

Il sentait la terre molle et fraîche sous ses pieds, sentait l'odeur des sous-bois, pourriture des feuilles tombées depuis des années. 

Il entendait la vie minuscule et laborieuse qui grouillait tout autour de lui ; des vers de terre, des fourmis, des araignées. 

Des insectes volants, aussi. 

Ils se dépêchent, se hâtent dans toutes les directions : leur vie est précieuse et courte, le temps d'un été. 

Il se sentait les déranger, allongé-là. 

Tout comme il savait sa présence dérangeante pour n'importe quelle âme qu'il croisait.

En l'espace de quelques années, il était devenu aux yeux de son peuple un monstre, une bête, un scélérat dans les meilleurs cas.

C'est bien ce qu'il était. Il n'avait plus rien d'un elfe. Arpenteur solitaire de ces régions boisées, il suscitait le dégoût et l'effroi.

Pourtant, il était intimement convaincu que cela changerait, qu'on le reconnaîtrait pour sa valeur et ses actes.

Il n'avait plus de temps à perdre avec ces réflexions affligeantes. Elles étaient futiles. Il avait d'autres chats à fouetter.

D'autres démons à massacrer.

Sa vie était désormais rythmée par les chasses, les missions suicides et les parties de cache-cache périlleuses dans les bois. 

À chaque victoire, il s'en sentait plus fort. Il était le prédateur et eux les proies. Comme une panthère, il jouait avec jusqu'à s'en lasser, avant de les anéantir.

Il gagnait aussi en connaissances, et lorsqu'il n'était pas en traque, il s'accordait le loisir d'explorer les ruines solitaires de l'ancien empire kaldorei.

Il y trouvait souvent de nouvelles ressources pour étancher sa curiosité, des grimoires épargnés de la destruction, des outils d'artisanat et parfois même des instruments de magie.

Il dévorait chaque ligne de savoir que lui offraient ces trésors d'histoire, se cultivant parfois sur des bribes de détails éparses et totalement inutiles (la "Meilleure façon de pêcher l'anguille électrique" en est un bon exemple), s'instruisant d'autres fois sur de nouvelles méthodes, rapides et efficaces, pour exercer la magie arcanique.

Voici tout ce à quoi se résumait sa vie.

La "Longue Veille", car c'est ainsi qu'on l'appelle, est cette période riche de l'histoire de Kalimdor où les chasseurs comme Theron marchaient inlassablement sur tout le continent, avec pour seul objectif de débarrasser leurs terres de la vermine démoniaque qui avait subsisté après la Guerre des Satyrs.