Budapest 1

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Kazinczy utca, la nuit. Il y a peu de lumière dans cette partie de la rue. Mais elle se tient devant moi et je vois clair à nouveau. Elle illumine tout mais pas effrontément. Elle ne s'en rend même pas compte. J'ai mon appareil photo autour du cou, leste sur ma poitrine. Les battements de mon cœur résonnent plus fort que ses paroles. Et je m'en veux car toute une vie durant j'aimerais l'écouter. Une goutte de sueur glisse au creux de mon dos. Je suis nerveuse. Je prends mon appareil, je regarde dans la fenêtre. Elle ne sait pas que c'est elle que je veux prendre en photo. Je pousse doucement le loquet de mon pouce droit et de la main gauche je ressers l'objectif sur son visage, la base de son cou et le début de ses épaules. Et même si je ne verrai le résultat de cette photo qu'en étant de retour à Paris, j'ai l'intime conviction qu'elle sera la meilleure de toutes.

Je presse le bouton.

La capture de l'instant, c'est ce que j'aime. Elle me regarde à nouveau. J'ai l'impression qu'une éternité vient de s'écouler. Elle est si belle. Elle rit et ne marche pas vraiment droit. Un homme jette ses poubelles sur le côté, dans l'ombre et elle rit de plus belle. Elle me devance de quelques pas et tend la main pour que je la rattrape. L'appareil encore chaud dans la main droite, je le laisse retomber lestement sur ma poitrine.

J'ai comme l'étrange impression d'être ivre sans n'avoir rien bu. Et si l'on peut être ivre de quelqu'un, je jure que je suis ivre d'elle.

Arrivée au bout de la rue qui ne m'a pas semblé assez longue et sinueuse, je décide de la raccompagner chez elle. Elle rit à nouveau car elle a treize ans de plus que moi et n'a besoin de personne. Mais j'insiste. Guillerette, elle accepte.

La vie à cet instant ressemble à une chanson.

Le chemin, parsemé d'éclats de rire, de regards complices et d'effleurements fut doux, trop doux peut-être, trop court certainement. Nous sommes devant sa porte. Une grande porte noire et lustrée. Nous sommes côte à côte et regardons cette porte. Son regard m'invite à entrer, mon cœur lui donne raison mais dans ma tête c'est plus compliqué. Mais je choisis toujours mon cœur.

Elle ose finalement parler et m'invite à entrer et à boire un verre. Je me sens nerveuse à nouveau. Je ne sais quoi attendre de cette soirée, alors je n'en attends rien, ainsi je reste saine d'esprit. Parce qu'elle est ainsi faite, qu'en un regard vous succombez. Car elle a tous les hommes et toutes les femmes qu'elle désire. Et c'est en réalisant cela que je tombe pour elle. Parfois l'inaccessible fait rêver et le plus souvent il rend fou. Je choisis donc la folie et tout ce qu'elle implique. Choisir la folie est à la fois un aveu de faiblesse et une démonstration de force. Parce qu'on choisit une relation certes profonde mais surtout éphémère et que l'on souffre. Mais ceux qui choisissent la passion sont les plus forts car ils subissent, s'en remettent et recommencent sans jamais lâcher prise.

Et me voilà partie. Trop loin pour revenir. Je lui offre tout de moi. Nous buvons, nous nous embrassons, nous rions et nous couchons ensemble. La postérité dira que je suis trop romantique et elle aura raison. Mais je jure que je succombe, en entier, j'approche du point de non-retour. 01 :18. Elle m'a eu. C'est fini. La passion m'enlace et la déception me brisera. 

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