𝙸𝚜

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Il s'était levé étrangement tôt ce matin. L'horizon se colorait à peine qu'il était déjà dans la cuisine à se faire une tasse de thé.
Cette pièce était la plus chargée en souvenir de cette maison qu'ils avaient acquis seulement un an auparavant. Une année entière de fous rires, de larmes et de bizarreries en tout genre.

Et dire que tout ça allait bientôt s'effacer en quelques battements de paupières d'ici quelques semaines. Tout ça allait disparaître, lui avec.

Après que Norman l'ait abandonné devant la porte de sa chambre hier soir, il s'était réfugié dans ses pensées pour oublier l'angoisse sourde qui grondait dans ses tempes. Des pensées sombres comme belles. Sombrement belles...tragiquement véridique.

Un futur en solitaire ne semblait pas être une si mauvaise idée. La voix forte d'Emma et la douceur de Norman lui manquerait peut-être mais au moins il aurait toujours sa mémoire pour lui rappeler qu'il n'était pas si seul sur cette terre.

"- Encore en train de réfléchir ?

- T'es partout, ma parole !"

Il eut un simple rire comme réponse à sa semi-colère. Norman était apparemment obstiné à ne jamais le laisser tranquille ces derniers temps. Ironique quand tout ce qu'il voulait c'était oublié sa présence.

"- Mais non, on habite ensemble je te signale.

- Ouais. T'étais pas si présent avant que tu m'annonce que t'allais te marier."

Le blond prit la remarque avec un sourire vide. Il savait que sa décision attristait Ray. Pour Dieu sait quelle raison. Le noiraud n'était pas du genre à dévoiler ouvertement tout ce qui lui passait par la tête. Il était comme un coffre fort dont on aurait longtemps perdu la clé.

Enfin, pas pour Norman qui en savait bien plus qu'il ne le laissait paraître sur le trésor qui se cachait au fond de ses pupilles sombres.

"- Oui, j'avoue que je n'ai pas passé tellement de temps avec toi ces dernières années. Avec les études, mon couple qui devenait sérieux et tout ça, j'ai arrêté de me focaliser sur tout ce qui me rendait véritablement serein.

- Content d'être important."

Ray mit fin à la conversation avec son sarcasme habituel. Nullement touché par les confessions de son meilleur ami. Trop pris par ses propres réflexions pour prendre le recul nécessaire à ce dialogue sans fin. Il se replongea dans la lecture de ce livre qu'il venait d'acquérir. Un énième roman d'amour dramatique où les personnages s'aiment à s'en détruire. Le noiraud n'était pas quelqu'un de particulièrement romantique et sensible aux émotions incroyables tels que l'amour, ce genre de livre n'attiraient son attention que parce qu'ils étaient généralement très bien foutus.

Il fallut une heure de plus pour que la troisième habitante de la maison ne se réveille. Sa longue chevelure rousse agressa presque le regard de Ray quand il daigna le poser sur ses courbes gracieuses soulignées par la légère robe blanche qu'elle portait. Emma était magnifique. Malgré les années qui avaient transformé ses traits innocents en des fissures plus sérieuses et matures, elle restait une grande enfant. Rayonnante de vie, de gentillesse et d'allégresse.

"- Salut les gars !

- B'jour."

Encore une chose qui ne changeait jamais, elle lui embrassait toujours la joue pour le saluer le matin. Elle le faisait à tout le monde quand ils vivaient encore entre les murs de l'orphelinat qui les avait receuilit. Mais, Ray trouvait que cette action avait quelque chose de spécial, d'inédit. Une attention qui n'était réservé qu'aux gens que la jeune femme adorait. Et il était heureux d'en faire partie.

Il déchanta bien vite en tombant sur une vue des plus...inhabituelle. Ses deux amis qui s'embrassaient amoureusement près d'un des comptoirs de la cuisine. C'était complètement normal vu qu'ils allaient bientôt s'unir pour la vie. Cependant, maintenant qu'il avait assisté à l'un de ces moments qui deviendraient une routine pour eux, il se sentait exclu. De trop. Loin de leur bonheur.

Et cette sensation était beaucoup trop insoutenable pour qu'il reste blasé devant le lien fort qui unissait le jeune couple.

Alors, il prit l'une des décisions les plus stupides et lâches de son existence, se barrer.

Comme souvent.

"- Bon, je vais faire un tour.

- Où ?

- Pas loin, dans les alentours.

- Ne sois pas trop long, j'ai besoin que tu m'accompagne acheter des trucs.

- T'en fais pas Em', j'serai pas long."

Il quitta la pièce en soufflant. Malgré son apparente indifférence, il était un ouragan complet d'émotions contradictoires. Il ne savait plus où se statuer dans tout ça. S'il était heureux, triste, anxieux ou simplement étonné.
Tout ces sentiments se mélangeaient n'importe comment à l'intérieur de lui et risquaient de le faire exploser à tout moment.

Il claqua la porte d'entrée et se dirigea d'un pas pressé vers sa voiture, pour s'assoir sur le capot de celle-ci. Une cigarette pendait entre ses lèvres, sa main droite s'activait à manipuler un briquet. La flamme qui jaillit de l'objet se reflétat un instant dans son regard sombre, brillant de toute la frustration du monde.

Ray était juste fatigué.

"- Encore tout seul dehors ?

- Casse-toi deux minutes s'il te plaît.

- Tu sais très bien que je ne le ferai pas.

- Je croyais que tu détestais me voir fumer.

- Je sais surtout que quoique j'en dise, tu n'arrêteras pas.

- Un point pour toi."

Il n'avait rien à lui dire pour le moment, alors Ray garda le silence. Il pouvait presque sentir les deux pupilles bleues de son ami parcourir attentivement chaque parcelle de sa peau laiteuse mise à nue par le t-shirt qu'il portait.
Il se sentait vulnérable, comme à chaque fois qu'il était en présence du blond. S'en était presque flippant.

"- Bon, tu m'veux quoi ?

- Je ne peux pas dire que je comprends ce que tu ressens. Je ne suis pas dans ta tête pour t'affirmer que ce qui te tracasse est "normal". Mais, je sais que tu as mal.

- Non, en tout cas pas comme tu l'imagine. J'ai juste l'impression de me retrouver complètement abandonné, oublié. Et...j'ai passé tellement de temps avec vous que j'en ai oublié à quoi ressemblait la solitude.

- Je n'imaginais rien. J'attendais juste que tu me dises ce que tu ressens. Tu as peur de nous perdre. Mais, tu as surtout peur de me perdre."

...Peur

de

te

perdre...

𝘈𝘱𝘢𝘳𝘵Où les histoires vivent. Découvrez maintenant