Décidément, il y avait toujours des choses qui resteraient pour nous un mystère. Même si l'on pense se connaître et maîtriser le monde qui nous entoure, tout peut nous échapper sans que l'on ne s'en rende compte.
C'est ce que Ray se disait, plongé dans la lecture d'un receuil poétique dont il en oubliait les vers aussi rapidement qu'il les lisait. Il était ailleurs. Loin du silence sinistre de la bibliothèque et des proses dramatiques de l'auteur de cet ouvrage.
Il était comme perdu. Dans un autre univers que celui dont il était issu. Un univers fait d'un regard céruléen qui ne voulait plus quitter son mental. C'était de l'auto-torture, gratuite. Mais, avec tout ce qui lui arrivait depuis bientôt un mois, il était apparemment un grand adepte du masochisme.
Il en soupira presque de fatigue.Non, il était fatigué.
Depuis sa conversation avec l'objet de toutes ses pensées. Il était encore plus perdu qu'il ne l'était déjà. Ce problème semblait sans fin.
Pour se changer les idées, il travaillait ou passait ses après-midi sous les branches du vieil arbre qui l'avait vu grandir.
D'abord méfiants, les nouveaux petits habitants de GFH avait finit par s'habituer à sa présence. Il leur fichait un peu la trouille avec ses allures de croque-mort mais ils venaient de temps en temps lui demander à mi-voix de leur lire une histoire quand l'une des "mères" ne pouvaient pas.Et voilà où il en était. À revêtir une nouvelle attitude et de nouvelles habitudes pour s'éloigner de ce qui le tracassait. C'était drôlement répétitif. Un recommencement sans issue. À moins qu'il ne décide de la trouver par lui-même. Ce qu'apparemment il n'était pas prêt à faire.
Pas qu'il ne le voulait pas, il ne voyait juste pas comment.
Une idée surgie soudainement des abysses qu'était devenue sa conscience. Une fragile pensée qu'il considéra bien vite. "En parler à Emma". C'était évident d'un côté, dans les dernières paroles qu'il avait échangé avec Norman, le blond avait employé le pronom "nous". Ce qui voulait forcément dire qu'elle en savait plus qu'il ne le pensait.
Néanmoins, d'une part cela reviendrait à trahir ce qu'il avait fait et ce qu'il ressentait au fond de lui. Ce qu'il ne se voyait pas dire à la jeune femme qui avait énormément d'affection pour lui et Norman. Elle était leur ange gardien, toujours là pour veiller sur eux et leur donner le sourire. Il se sentait incapable de lui faire du mal...
Et pourtant, il le fallait. C'était, pour l'instant, la seule solution qui s'imposait à lui. Le seule source de réponses qu'il avait.
Tout comme avec Norman, il ne prit pas la peine de préparer une approche et choisit le meilleur moment où la confronter.
Un matin, après son café quotidien, il décida de l'accompagner pendant l'une de ses visites hebdomadaire à GFH.Entre les cris heureux d'enfants et les jeux incessants de ces derniers avec la belle rousse, elle trouva tout de même un moment à lui accorder sous les branches du grand arbre. Nostalgie partagée.
"- Qu'est-ce que tu voulais me dire ?
- Euh j'ai...je...sais pour le..sursis.
- Oh, il te l'a dit. Ça ne m'étonne pas.
- Il a ajouté que lui et toi, vous...Non, en réalité,il m'a dit que j'étais la cause de ce sursis.
- D'un côté, oui. D'un autre, non."
Si Emma se mettait aussi à faire des insinuations, il n'était pas sorti de l'auberge. Pourquoi ses amis ne pouvaient-ils jamais dire les choses clairement ? La vraie vie ne ressemble pas à Jumanji !
Quoique...
Contrairement à ce qu'il pensait, Emma continua sur sa lancée. Visiblement, elle n'était pas comme Norman et ses non-dits, elle était franche et n'avait pas peur d'affirmer son point de vue. Ah si seulement, le noiraud pouvait être comme elle...
"- Le problème ne vient pas de toi. Si nous avions vraiment besoin d'un coupable, nous le serions tout les trois. Je ne suis pas prête à partager ma liberté, à me priver de certaines choses juste parce que l'avenir l'exige. Tu vas me trouver ridicule mais grandir est un peu difficile pour moi. Je ne veux pas abandonner ce qui m'a toujours fait du bien. Et je compte même revenir ici, car c'est ma place. Cependant, je prendrai la relève d'une de ces bonnes femmes qui s'est occupée de nous.
- Tu vas t'en aller ?
- Oui, mais pas loin. C'est, genre à quoi, trente kilomètres de la maison !
- C'est vrai. Mais, si tu veux partir, pourquoi avoir accepté sa demande ?
- Parce qu'il ne voulait pas me voir partir. Parce que je me suis sentie affreusement mal en sachant que je lui avais fait de la peine. Mais, de toute façon, il y avait un élément dont il n'avait pas pris conscience sur le moment. Et c'était toi.
- Justement, pourquoi moi ?
- Simplement parce que tu es bien placé pour savoir qu'il a toujours fait le choix de la normalité, plus jeune. Norman a beau avoir un QI énorme, il est incapable de faire les bons choix pour lui-même.
Il choisira toujours ce qui contente tout le monde et non ce qui le rend vraiment heureux.
Et toi, tu le rend heureux.- Et donc tu le savais, mais tu t'es mise avec lui.
- Oui, c'est plutôt lui qui s'est mis avec moi parce que je le lui avais demandé. Il n'a pas cherché à comprendre et m'a dit oui. J'étais jeune et je ne mesurais pas encore la portée de mes mots. Puis, je me suis habituée et la routine a finit par m'user...
- Oh, désolé...
- Ne le sois pas. Au moins, tu connais la vérité dans tout ça. Et je présume que maintenant, tu sais ce qu'il te reste à faire.
- Je ne suis pas sûr...
- Tu n'as pas besoin de l'être. C'est une évidence."
...C'est
une
évidence.
VOUS LISEZ
𝘈𝘱𝘢𝘳𝘵
Fanfic_Il était à part. Une tâche d'encre trop large sur la surface immaculée du monde.