HumandroiD

Un Cailloux dans le Flot de Pensée

La pilote ouvrit les yeux, encore un peu groggy. Elle les referma aussitôt et s'étira longuement.

Ses couvertures étaient sens dessus dessous, signifiant qu'elle avait eu un sommeil profond. Elle se redressa non sans un petit mal de tête matinal en massant ses tempes, comme si sa tête voulait bien lui faire comprendre qu'elle était revenue dans une réalité ou tout n'était pas douceur et rêverie.

Elle baissa le regard sur sa table de nuit. Aux côtés de son réveil avait pris place l'Hologramme. Elle avait décidé de ne plus le laisser loin de son champ de vision. Alors fini de le poser sur une table ou une chaise au rez-de-chaussée sans grande importance, juste bon à envoyer quelques messages. Maintenant il était son lien direct avec Besk et la protection civile, et à chaque instant il pouvait lui transmettre quelque chose d'important. Paranoïa ou simple précaution ? Peut-être des deux après tout.

Car ce qu'elle avait vécu hier était vrai, elle en reprenait bien conscience et cela la démoralisa. Elle ne se rappelait plus trop de son départ de la protection civile, ni de ce que Besk lui avait dit précisément avant de se quitter. Probablement un "bonne nuit", ou plutôt "dors à tête reposée et réveille-toi avec des idées nouvelles" connaissant le dialecte Androïde. Elle ne se rappelait juste un vide intérieur, fade, sans émotion particulière. Était-elle bouillante de colère ? Pleine de tristesse ? Un peu des deux ? Elle ne savait plus et ne cherchait pas à se souvenir.

Puis elle voulut penser à autre chose. Elle savait ce qu'elle voulait faire de sa journée et ne pensait plus qu'à ça, comme un moyen de s'alléger l'esprit. Alors sans se laisser le temps d'avoir les pensées obstruées par ses souvenirs, elle souleva ses couvertures avec énergie et se leva d'un pas décidé.

***

La bibliothèque d'Ozous était un centre de culture à l'état pur. Loin d'être la seule dans l'immense cité, celle-ci en particulier attirait l'attention : son architecture extérieure inspirée des berceaux du savoir du Moyen-Orient la rendait bien discernable de ses bâtiments voisins tel un temple. Et elle possédait la réputation à la hauteur de son symbolisme. Et pour cause :

Anstee l'avait voulu ainsi : pour chaque cité, un édifice devait représenter le savoir. Les autres plus modestes, n'en étaient pas moins importants. Mais un, se devait de posséder tout le savoir sauvé après le Big Crunch.

La bibliothèque était mise en valeur par sa localisation : une place gigantesques lui était dédiée, l'endroit semblait respirer de part l'effervescence qui y régnait constamment. Un va-et-vient incessant, le jour comme la nuit, la curiosité ne s'arrêtait pas après le coucher du Soleil. Des fontaines, et points d'eau créaient des jeux et émerveillement, la végétation l'embellissait. Un lieux qui sortait tout droit d'une imagination de données et simulations, qui avait été réalisé dans le but du partage, de la mémoire, des connaissances et des rencontres.

Il faisait merveilleusement beau aujourd'hui. Le Soleil venait se refléter contre les surfaces lisses du sol aux plus hautes façades. Le monde était dehors, des rencontres se faisaient, des questionnements trouvaient leurs réponses Tout cela comme à l'accoutumé pour ceux qui travaillaient ici. Mais beaucoup diront que c'est toujours une joie insatiable de voir les visiteurs repartir avec le sentiment d'avoir appris quelque chose ici, et donc de leur avoir été utiles.

Cachée parmi les ouvrages en papier, dans une section dédiée à l'Histoire politique Humaine, la pilote feuilletait un ouvrage qu'elle avait trouvé sur les extrêmismes. Ce qu'elle lisait ne la réjouissait pas, et semblait ajouter une couche à son moral déjà entaché par les évènements de la veille. Elle n'avait aucune envie d'être dérangée, et serait prête à se montrer bien impolie avec le premier qui oserait se montrer trop intrusif, même si elle était certaine qu'il ne s'agirait pas d'un Androïde.