Chapitre 13

881 99 136
                                    

Un enfant était mort, une fois de plus. Il n'y avait pas besoin d'être un génie pour en deviner l'auteur. Les yeux de Jimin, brillants de haine, accompagnés de ses mains tremblantes, ne me donnaient aucun doute. Ses expressions ne mentaient pas. Elles ne mentaient jamais.

Jungkook avait encore tué quelqu'un.

Lorsque j'observais le sol carrelé de la salle, le damier blanc et noir me fit simplement penser à une partie d'échec. L'univers où je me trouvais n'était qu'une nouvelle game attendant bêtement sa fin. Mais bien-sûr, le dénouement ultime ne se traduirait que par la défaite d'une équipe. Sous-entendu sa mort. J'étais aux premières loges de cette sordide bataille, luttant contre l'adversité. On pourrait avoir tendance à me qualifier de pion mais ce terme n'était pas celui que je trouvais le plus adapté. Le pion ne possède qu'une seule corde à son arc et est de ce fait très prévisible. Oh bien-sûr, je n'étais pas aussi fort que la reine. Le cavalier était un rôle m'intéressait d'autant plus. Il était comme moi, ses mouvements dans le jeu étaient différents. Mais si j'étais le cavalier, Jungkook lui, serait certainement le fou.

Mon cœur semblait lutter continuellement et chaque évènement passé semblait vouloir me rappeler ma position. Je venais d'être séquestré pendant un long mois et pourtant la seule chose qui me taraudait encore l'esprit était plutôt le sort de mes camarades. Le Jungkook avec qui j'avais passé plusieurs jours enfermé n'avait aucun point commun avec le second, celui que Jimin pensait connaître. Et puis je ne pensais pas Jungkook assez futé pour berner consciemment tout le monde.

Un problème n'arrivant jamais tout seul, je me questionnais aussi sur l'arrivée de Yoongi. Lorsque j'étais arrivé dans le domaine, j'avais été accueilli par un majordome pour finalement être trainé jusque ma chambre. Nous avions partagé un repas le lendemain entre adultes et enfants. Cela me laissait donc supposer que j'avais peut-être raté l'unique chance de parler à mes parents. Après tout, je n'étais pas certain qu'il y ait des arrivées chaque mois. Cela me paraissait assez improbable d'ailleurs car la Bergerie me semblait être un lieu extrêmement fermé. N'importe qui ne pouvait pas intégrer le domaine.

Je n'avais aucune idée de l'arrivée exacte de Yoongi. Cependant, si on enlevait la durée de ma séquestration, je n'avais pu passer qu'une pauvre semaine ici. En d'autres termes, il était fortement probable que Yoongi ait passé plus de temps que moi ici, au sein de la Bergerie. Beaucoup de choses avaient pu changer en un mois. D'une part, j'étais assez anxieux de retourner vers le quotidien que l'on m'offrait dans ce monastère. De l'autre, je me disais qu'il y avait peut-être un espoir.

« Taehyung, il faut que je te parle de quelque chose d'important. »

Son ton était grave. J'en venais à me demander s'il allait un jour m'arriver quelque chose de positif ici. Je me redressai un peu plus dans le lit, remettant au passage l'oreiller qui me soutenait le dos.

« Je t'écoute. »

Le blond inspira un grand coup et fixa le plafond. Il s'apprêtait à tout larguer, comme une bombe en fait.

« Avec l'arrivée de Yoongi, le Berger a annoncé que parmi les enfants il y avait trop d'Alphas dans la meute. Dans deux semaines aura lieu la fête des morts. Je sais que t'es vraiment mal en point avec tout ce qui t'es arrivé mais toi et les autres... Vous allez devoir vous battre pour votre vie. Tae je... Il prononça difficilement entre deux sanglots. Mon cœur se serra. Je suis tellement désolé... J'aimerais tellement qu'on reste pour toujours ensemble. Je voudrais tellement te promettre qu'on ne se séparera plus mais Tae j'ai tellement peur qu'on ne se revoie plus jamais. Je t'aime tellement tellement fort... »

J'eus comme une absence. Je ne saurais pas décrire avec précision ce que je ressentais sur le moment mais j'éprouvais comme un vide au fond de moi. Mon corps répondait encore sans que je ne m'en rende compte. Je m'étais rallongé dans le lit et mes mains frêles étaient venues se caler juste au-dessus de mes yeux. Mais mon esprit était ailleurs. On venait de m'annoncer ma potentielle mort et je n'étais pas surpris, ni déçu. Les larmes me montaient un peu aux yeux, oui. J'avais même l'impression que ma vision s'était brouillée.

Le Berger - TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant