Chapitre IV

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La semaine commença comme si rien n'avait eu lieu durant le week-end. Comme si aucun élève n'avait frôlé la mort, ou peut-être même, l'était. Personne n'avait de nouvelle de Jugde, ni de Cryo. Personne ne les avait revu, ni même entendu parler d'eux. Et chacun faisait comme si ils ignoraient les faits. Cela troublait profondément l'esprit de la jeune Oria qui avait assisté pour la première fois aux défis contre Dashter Er. Alors qu'elle était assise dans les gradins du gymnase attendant son professeur, elle repensait au sacrifice de Cryo pour elle, au sang sur le visage de Jugde avant que la foudre ne le frappe. Elle revoyait Cryo abattre Athena avant de se ruer vers son coéquipier, puis tomber inconscient à son tour. Elle les revoyait tous les deux partir sur des brancards. 

Le professeur arriva dans la salle, poussant de la voix pour attirer l'attention de chacun.

"- Bonjour à tous et à toutes ! Comme chaque début de mois, nous allons faire un point sur la journée de samedi. Est ce qu'il y aurait des volontaires ?"

Personne ne broncha. On osa pas bouger dans la salle par peur de porter les regards sur soi. Malgré la semblante indifférence de tous, les élèves savaient ce qui s'était passé, commenter les combats de la matinée ne dérangeait pas grand monde. Mais faire une critique sur celui qui avait débuté juste après le repas était infaisable. Le professeur, voyant son auditoire figé, n'eut pas le choix que de désigner, et quoi de mieux que l'avis d'une personne encore fraîchement arrivée ? Pas encore formatée ? Alors sans hésitation et fort dans son intention, il appela Oria à venir le rejoindre devant l'assemblée. Elle aurait pu avoir peur comme samedi, mais elle obéit sagement, malgré son appréhension, décidée à dire ce qu'elle avait sur le cœur. Elle était presque certaine de s'attirer les foudres de la plupart des personnes ici présentes, et sûrement celles de son supérieur. Mais elle se savait soutenue par ces quatre amis. Et là, était tout ce qui comptait. Elle s'installa, droite, le regard rivé sur ses camarades.

"- Nous vous écoutons mademoiselle Sinklade.

- Je pense que je vais être sincère, même si cela risque de déplaire à beaucoup, dont vous monsieur. Commença-t-elle en adressant un regard à son professeur avant d'entamer le cœur du sujet. Je vais parler de ma petite expérience dans cet établissement, je ne connais personne et je ne veux blâmer personne. Ni de notre école, ni de la leur. Je trouve tout d'abord que chaque combattant a été honorable, peut être pas le meilleur cette fois-ci, face à cet adversaire, mais sans nul doute, il l'aurait été face à un autre. Personne n'a reculé, tout le monde s'est levé et a défendu son blason, jusqu'à ne plus pouvoir se lever. C'est admirable et c'est tout ce que je retiens, malgré la défaite, malgré la victoire. J'aurai du faire parti de ces gens, mais si ça avait été le cas... je ne serai pas là à m'exprimer devant vous. Car celui qui devait être mon coéquipier, et celui qui s'est sacrifié pour moi, ne sont plus parmi nous à ce jour. Je ne dis pas qu'ils sont morts, bien qu'on pourrait le croire. Bien que beaucoup d'entre nous le pense en secret. J'ai été horrifiée par ce que j'ai vu. Comment peut-on regarder des gens s'anéantir, et applaudir ? Comment peut on chérir la vue du sang, au point d'en faire une ovation ? Je pensais que ceux qui possédaient des pouvoirs étaient des super-héros, de ce que j'ai vu, il n'en est rien. Samedi, j'ai vu des monstres, des gens sans cœur, assoiffés de sang, de vengeance et de haine. Mais je crois, que c'est cela qui m'a le plus horrifié. Vous soutenez des directeurs qui mettent VOTRE vie et celles de tous ceux que vous aimez, pourquoi ?! Personne ne le sait. Alors je n'ai rien à dire, je n'ai nullement le droit de critiquer, je suis incapable du quart de ce que certains ont fais, de ce que beaucoup font depuis des années. Mais je vous en prie, réfléchissez. Combien d'entre vous dorment encore sur leur deux oreilles ?! Combien d'entre vous, n'ont pas peur pour leur vie et celle des autres chaque semaine ?! Combien de vous agissent sans comprendre ?!" Elle marqua une pause pour observer ses nombreux auditeurs. Tous la regardaient, ils l'écoutaient, mais ils ne s'arrêtaient pas là. À travers chacun de ces mots, ils étaient parvenus à s'identifier. Même le professeur, qui aurait dû la faire taire depuis longtemps n'en eut pas la force. Lui aussi, comprenait et se reconnaissait à travers ses mots. Il la regardait, subjugué par sa lucidité et son audace. Personne n'aurait osé faire ça sauf elle. Alors malgré son tort de la laisser parler, et la cohue que cela risquait d'engendrer, il ne profita pas de cette pause pour reprendre le dessus. Et alors qu'elle s'apprêtait à reprendre son long monologue. Elle repensa aux mots de Cryo. Cet homme qui semblait l'avoir prise sous son aile, et qui avait mis sa vie en péril pour protéger la sienne. Elle pensa avoir mal fait, mais adressant un regard aux autres élèves, elle comprit que le mal était déjà  fait. Elle entreprit alors de reprendre.

When The Night's OverOù les histoires vivent. Découvrez maintenant