Au petit matin de ce 16 Novembre 2005, la neige était tombée toute la nuit et recouvrait l'ensemble du paysage pour la première fois de la saison. À la frontière d'une petite ville franco-suisse, se trouvait une chaleureuse maison des années 20, entièrement faite de pierre qui était accessible par une simple clôture en bois défraichie qui n'avait pas été restaurée depuis sa création. Cette maison était légèrement dissimulée par quelques arbres affaiblis par le pois de la neige sur leurs branches. Il n'y avait pas une seule maison à moins de 10 kilomètres, et la première ville en était à environ 15. Ce fut d'abord une auberge, mais après la mort des propriétaires, personne n'a voulu reprendre cette activité. Pourtant elle était encore en très bonne état, mais les potentiels acheteurs l'eurent trouvés trop éloignée de la ville. Alors au bout d'une dizaine d'années elle s'était faite oubliée de tous. Le lierre recouvrait les murs, quelques oiseaux avaient trouvés pour logis le grenier avant que les rongeurs ne se l'approprient. Elle faisait désormais partie du paysage, au point qu'on ne la voyait même plus lorsqu'on passait devant en voiture. De temps en temps, des jeunes qui pensaient qu'elle était hantée, venaient squatter la maison pour une nuit ou deux, puis repartaient comme si ils n'étaient jamais venu.
Les animaux avaient commencer à hiberner, il n'y avait pas un bruit à l'horizon, mis à part la respiration lente et calme d'une jeune fille accoudée sur cette fameuse clôture qui menaçait de s'effondrer à chacun des battements de son cœur. La jeune fille faisait presque tâche au milieu de ce décor blanc et inanimé, mais il faut bien avouer que c'était l'endroit parfait pour réfléchir. Elle avait dégagé ses chatoyants cheveux roux de son visage. En effet, ils voilaient la vue de ses grands yeux bleus-gris qui prenaient parfois une couleur améthyste quand elle vous fixait. Elle n'avait pas de tâche de rousseur mais néanmoins un grain de beauté à droite de son visage, parfaitement disposé entre la commissure de sa lèvre et une légère fossette qui se dessinait quand elle souriait. Elle était grande, mais pas trop. C'était surtout ses jambes interminables qui lui donnaient une telle prestance. Elle avait une morphologie très ajustée, presque comme calculée, toujours un peu mais pas trop, et c'était le cas pour n'importe quelles parties de son corps. Ses mains étaient parfaites, elle avait des poignets et des doigts fins. Même son cou était beau, il mettait à la fois sa mâchoire aiguisée comme la lame d'un couteau et son décolleté parfaitement en valeur. Elle avait un charme incroyable qui dissimulait néanmoins un tempérament et un caractère bien à elle.
Cependant, elle restait là, immobile, totalement impassible. Si sa beauté ne la trahissait pas, elle aurait sans doute pu être confondue avec un élément du paysage. Elle n'avait pas prit le temps de s'habiller chaudement ou même de mettre un manteau et des chaussures avant d'aller dehors. Elle ne portait qu'un vieux jean brut avec un débardeur qu'elle n'avait même pas mit correctement ainsi qu'une simple paire de chaussettes. C'était comme si elle ne ressentait pas le froid qui glaçait son sang petit à petit. En revanche, tout son être ne se concentrait que sur une seule chose : sa respiration, qui demeurait de plus en plus lente et de plus en plus longue. A chaque inspiration, elle sentait cet air qui lui semblait de plus en plus froid, traverser l'entièreté de sa gorge jusqu'à ses poumons. Cet air qui était comme en train de la poignarder de l'intérieur, pour ensuite faire le chemin inverse dans des conditions toutes aussi éprouvantes.
Puis, pendant un instant, elle regarda sa main, plus exactement ses doigts, et encore plus exactement, les bavures que son stylo encre avait gravé dans chacun des plis de sa peau. Elle restait de nouveau comme inanimée, et toutes ses forces ne lui servaient maintenant qu'à une chose : savoir comment elle pourrait terminer son histoire.

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La lettre d'Eloïse Garnier
Historia CortaEloïse n'a que dix-neuf ans lorsqu'elle doit écrire ce qui sera certainement la lettre la plus personnelle, complexe, mais surtout la plus importante de toute sa vie.