La rencontre - Part 2

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Sen regarda le morceau de papier. Le dessin indiquait de prendre la route de Xénéria jusqu'au lac de Taos. Là, il fallait ensuite suivre un chemin dans la forêt jusqu'à une petite clairière. Sen évaluait le trajet à environ 8 h de marche. D'après ce qu'il avait entendu dire, le lac de Taos semblait un endroit agréable pour mourir, que ce soit volontairement ou non. Sen se tourna vers le lit et retira le drap souillé par la semence gris foncé puis les jeta dans le panier à linge. Il éteignit les lumières et alla se coucher. On dit que la nuit porte conseil. Peut être que demain matin il aurait pris sa décision ... Après tout, mourir avant ses 20 ans peu importe la façon, c'était son destin ...il aviserait demain.

Il ne dormit pas beaucoup cette nuit-là. Il regarda défiler les heures sur l'horloge près de la porte. A 6h00, il se leva, prépara quelques provisions puis quitta son logement après avoir mis son sac de voyage sur le dos. Il s'éloigna des bas-fond sans un regard pour ce lieu de débauche où il avait vécu ces dernières années. Pour survivre, il avait toujours dû regarder devant lui et non en arrière. On ne pouvait pas revenir sur le passé. Ce qui était arrivé, était arrivé et on ne pouvait l'effacer.

 Il prit le chemin qui menait à l'extérieur de la cité et s'engagea sur la route de Xénéria, il était 7h00. Le soleil se levait. Il lui faudrait 4h pour rejoindre le lac et 2 autres heures pour le contourner par l'ouest. Il lui restait donc 6h pour savoir s'il continuerait sa route et s'accordait un sursis ou s'il faisait taire le vide qu'il y avait en lui pour toujours. 

Le soleil commençait sa lente ascension dans le ciel bleu azur. Il longea le lac artificiel. Il entendait les oiseaux qui chantaient et le son d'une cloche au loin qui appelait à la prière. Tous ces bruits qu'il avait découvert ces 3 dernières années. Lui qui avait été maintenu dans l'obscurité et le silence toute sa vie. Ces sons de la vie quotidienne étaient probablement la seule chose qu'il regretterait ... peut être! 

Il marcha droit devant lui, s'arrêtant de temps à autre pour boire ou se reposer. Au bout d'un peu plus de 4 heures, il arriva au lac Taos. La forêt alentour était dense. Une douce brise faisait frissonner la cime des arbres environnant et virevolter les feuilles en une danse délicate   . Le soleil était au plus haut dans le ciel. Il trouva un endroit tranquille, s'installa dans l'herbe et sortit les provisions qu'il avait placées dans son sac: du pain, du fromage, un morceau de viande séchée et quelques fruits. Quand il était petit, il ne disposait le plus souvent que d'un morceau de pain qu'il devait faire durer car il n'était pas nourri tous les jours. Ces privations expliquaient probablement son allure frêle. 

Au début, quand il avait commencé à monnayer son corps auprès des dragons, certains d'entre eux avaient eu peur de le briser. Très vite, la rumeur s'était propagée que sa résistance physique ne correspondait pas à son apparence. Les dragons appréciaient qu'il les laisse faire de son corps ce qu'ils voulaient. Plusieurs lui avaient d'ailleurs dit qu'ils n'avaient jamais autant éprouvé de plaisir qu'en s'accouplant avec lui. Sen n'avait découvert que depuis peu pourquoi lors d'une visite chez son médecin humain. 

Celui-ci savait que Sen était un "incomplet". Il le suivait depuis le jour où il avait cru s'être fait engrosser par l'un de ses clients. Le médecin l'avait rassuré...il était stérile. Sen était pourvue d'une anomalie génétique qui avait des répercussions sur son appareil reproducteur et sur ses chaleurs. Ils avaient aussi découvert qu'il produisait des phéromones agissant uniquement sur les dragons, lorsqu'il s'accouplait. Cette particularité avait contribué à son succès en tant que prostitué. 

Dans ses rapports avec ses clients, il n'avait toujours mis que 2 interdits. Pas de baisé sur la bouche et son client ne devait pas être encore "lié" à son partenaire légal. 

Le lien, encore une chose qu'il ne connaîtrait jamais. Cette fusion des corps et des âmes qui unissait dragons et dragonautes. En fonction de la puissance du dragon, le lien était plus ou moins fort. Allant de la simple empathie à la télépathie. 

Le lien était tissé lors d'un accouplement et était l'équivalent d'un mariage chez les humains. Le dragon plantait ses crocs dans les nerfs qui passaient dans le cou de son partenaire et déversait son venin dans son système nerveux pour créer des liaisons synaptiques pouvant se mettre en résonance avec les siennes. A se moment là, l'intégralité de leurs mémoires coulait en l'autre. Partageant par la même, tous leurs secrets et les liant dans la vie ... et dans la mort. 

Même si tisser un lien avait été possible , il y avait trop de secrets en lui, trop de honte et de dégoût et puis ... qui voudrait se lier avec un assassin ! 

Le Cercle des Dragons - Tome 1 : SENOù les histoires vivent. Découvrez maintenant