Chapitre 29

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- J'étais allé au centre commercial avec ma mère pour choisir un cadeau d'anniversaire à Luna. Elle n'avait que quelques mois, elle n'a aucun souvenir de ma mère mais pour elle, Luna et moi étions son plus grand bonheur. Elle voulait précisément un garçon et une fille et elle était heureuse et nous comblait de toutes sortes de cadeaux. Et puis, le premier anniversaire est assez symbolique en quelque sorte. J'étais jeune, je comprenais rien à ces histoires, j'avais accompagné ma mère seulement parce qu'elle m'avait promis de m'acheter une glace si j'y allais avec elle.

Hayden me sourit tristement. C'est à mon tour de l'aider à affronter ses souvenirs calmement. Je lève légèrement les yeux vers ses cheveux bouclés avant d'y déposer ma main pour le caresser d'un geste apaisant. Pour moi, l'homme qui se trouve en face de moi est comme un chat noir égaré. Et les chats aiment les caresses, n'est-ce pas ? Va-t-il se mettre à ronronner ? Mon geste le surprend dans un premier temps puis il ne dit rien, alors je présume que ça ne doit pas être désagréable pour lui, sinon il m'aurait retiré la main sans hésitation.

- Comme j'avais mis trop de temps à me lever, on est arrivé au centre commercial en fin de matinée. Et puis, il y avait des réductions, une sorte de Black friday qui s'étendait sur le week-end entier ou quelque chose du genre. Du coup, il y avait un monde fou. Surtout qu'en cette période, un grand nombre de personnes commencent à acheter leurs cadeaux de Noël alors c'était la bonne affaire. On a mis plus de temps que prévu à acheter les cadeaux pour Luna. Il y avait une queue monstrueuse et il fallait jouer des coudes pour accéder aux rayons.

Je me souviens aussi qu'il y avait énormément de monde mais cette promotion m'était sortie de la tête. Mon père m'avait amené pour aller acheter des livres et ce n'était pas un domaine qui avait été impacté.

- Comme il commençait à se faire tard dans la matinée, ma mère a décidé de manger sur place. Il faut dire que je n'arrêtais pas de me plaindre parce que j'avais faim. Et puis, il y a eu les coups de feu. On était aussi près de la baie vitrée lorsque nous mangions et ma mère a été touchée. Je n'avais jamais vu autant de sang de toute ma vie. Les seules blessures que je connaissais c'était les égratignures sur les genoux. J'ai appelé à l'aide. Je me suis époumoné pour que quelqu'un aide ma mère mais ils étaient tous en train de fuir vers la sortie, comme si nous étions invisibles. C'est à ce moment-là que j'ai compris l'égoïsme de l'espèce humaine.

Un éclair de rage traverse son regard bleu et je me sens mal pour cet enfant qui appelait à l'aide sans que personne ne l'entende. Je l'ai moi-même pas entendu. Il y avait tellement de cris mêlés. Je ne savais même pas qu'une balle avait passé la baie vitrée.

- Et puis, il y a eu cette explosion et l'effondrement du bâtiment. Ma mère est rapidement tombée dans les pommes à cause de la perte de sang importante, puis quelques heures plus tard elle est morte, sous mes yeux, sans que je ne puisse rien faire. Je suis resté onze jours sous les décombres avec son cadavre dans cet endroit exiguë.

Je stoppe tout mouvement. Je le regarde dans les yeux et j'y vois toute la peur que cet enfant a pu ressentir ce jour-là. Ça a dû être épouvantable. Rester dans les décombres avec le corps de sa mère sans savoir si un jour il reverra la lumière du soleil. Une pièce du puzzle Hayden s'assemble. C'est pour cette raison qu'il a besoin de se sentir vivant après avoir côtoyé la mort d'aussi près. Mes yeux s'embuent de larmes en imaginant ce que cet enfant a pu ressentir. Hayden chasse la larme fugitive avant de baisser les yeux.

- Je n'arrête pas de me dire que si je n'étais pas un gosse aussi chiant, que je n'avais rien dit, ou que je n'avais pas mis mille ans à me sortir du lit ce jour-là, on serait sorti du centre commercial et on serait rentré à la maison tous les deux, sains et saufs, chuchote-t-il dans une confession douloureuse. Rien de tout ça ne serait arrivé. Je me demande parfois si je n'aurai pas mieux fait de mourir avec elle.

Hurt like HeavenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant