Chapitre 2

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Ce n'est que lorsqu'il ne se rendit de la sombre évidence qu'il était amoureux de Newt qu'il décida de faire bouger les choses. Il y avait bien fort longtemps qu'il s'était promis de ne plus jamais se laisser avoir aux sentiments, mais il devait bien avouer qu'il n'avait pas tenu cette promesse. Alors, au point où il en était, que risquait-il de ne pas suivre la voie que lui dictait son cœur ? Il était impossible pour sa vie d'empirer. Ne lui restait plus qu'à trouver le moyen de se faire enfin remarquer...

Puis lui vint un éclair de génie. Il n'avait qu'à agir comme il avait pris l'habitude de le faire : tel un esprit frappeur ! Mais ne risquait-il pas d'effrayer Newt ? Ce n'était plus son intention et il était assez sûr de détruire toutes ses chances... Mais après tout, Newt n'avait jamais eu peur de lui. La preuve : il était encore là. Au mieux il sursautait ou regardait autour de lui en demandant si quelqu'un était là. Quand il était de bonne humeur, il pouvait se montrer blagueur en disant « Bien joué jsais-pas-qui ! ». De temps à autre, il lui était arrivé de simplement le regarder avec l'exaspération écrite sur le visage.

Thomas allait lui déclarer sa flamme à sa façon, c'était sûr. Cette fois, il ne laisserait pas passer sa chance. Ce fut donc une évidence que de commencer par l'idée la plus cliché de toutes : écrire sur les miroirs chaque fois que le garçon glissait sous la douche. Aucune de ses nombreuses tentatives ne porta ses fruits, les mots déversés par son cœur s'effaçant aussi tôt écrit, lavés par les gouttes de condensation. A croire que Newt tentait de se faire cuire à la vapeur.

Cette première idée fatalement ratée, il décida de monter d'un cran. Ce fut donc tout naturellement qu'il se mis à créer des cœurs dans les assiettes de Newt, essayant désespérément que le message finirait par passer.... Mais rien à faire, l'issue était toujours la même et tristement décevante : « Tu trouves pas on dirait un cœur ? » demandait-il à sa famille, tout en prenant une photo de l'assiette.

L'idée suivante fut de laisser la carte de la reine de cœur à des endroits plus ou moins évidents, plus ou moins visibles. Ainsi, la carte se retrouva sur l'oreiller de Newt, sur son bureau, sur la table de la cuisine et même sur le frigo... Mais Newt, chaque fois, se contentait d'hausser les épaules.

« La maison est hantée, c'est pas possible... » se murmurait-il à lui-même avant de passer à autre chose.

Thomas commençait à en avoir ras le bol. C'était une chose de tomber amoureux, c'en était une autre que d'aimer un mec complètement stupide. En plus, il commençait à être à court d'idées. C'était beaucoup plus compliqué que prévu ; mais en même temps comment avait-il pu imaginer une seconde qu'il serait évident de montrer, même par a+b, à quelqu'un qu'on l'aime quand la personne à l'origine de ce sentiment ne vous remarque même pas ? Il ne baissa pourtant pas les bras, jusqu'au jour où Newt franchit les portes de la maison accompagné d'une tierce personne que Thomas n'avait encore jamais vu.

Assis près d'eux, il ne trouva pas d'autres occupations que d'écouter leur discussion, riant à leurs blagues et (mentir serait inutile ici), leurs jeux de mots pourris. Mais le rire de Thomas devint jaune lorsque les deux garçons décidèrent de s'éclipser à l'étage, derrière l'intimité offerte par la chambre. Il les suivit sans même y réfléchir, puisque de toute manière il passait déjà son temps à suivre Newt au travers de la maison, mais cette fois-ci, il y avait ce mauvais pressentiment qui le poussait plus fort que d'ordinaire.

Son inquiétude se confirma devant ses yeux. Thomas eut la sensation que son cœur avait été arraché de sa poitrine alors que les lèvres de cet inconnu s'accrochaient désespérément à celles de Newt. Thomas jurerait presque qu'il pouvait sentir la douleur dans tout son corps, comme autant de lames qui transperçaient sa peau, ou comme un hiver volcanique qui s'étendait en son for intérieur, le plongeant dans l'obscurité. C'était un douloureux rappel de la raison pour laquelle il s'était juré de ne plus jamais tomber amoureux : il ne s'agissait que d'un sentiment destructeur. Il ne l'avait pas supporté avant, et il ne le supportait toujours pas aujourd'hui. Il y a des choses pour lesquelles nous ne sommes jamais prêts, et celle-ci en faisait partie.

Il savait depuis le début que c'était un jeu risqué, il avait lu toutes les règles et pourtant il avait fait lui-même choix de continuer à jouer. Il en payait désormais les conséquences et il se détestait pour ça. Thomas quitta la pièce en trombe, faisant claquer les portes et les fenêtres sur son passage. Il n'en avait rien à faire que Newt ait peur ou non, tout ce qu'il voulait c'était de le faire sentir aussi mal que lui-même se sentait. Thomas devint la pire version de lui-même. Chaque jour était une nouvelle tentative pour forcer Newt à quitter les lieux.

« Dégage ! » avait fini par hurler Thomas, faisant trembler les murs de la maison et brisant l'ampoule de la chambre en une centaine de petits morceaux.

Thomas regretta ses actions la seconde même où il vit la terreur à l'état pure sur le visage de Newt. Qu'était-il devenu ? Il n'avait jamais voulu blesser qui que ce soit, et maintenant il rendait la vie de la seule personne qu'il aimait un enfer juste par jalousie ? Il n'était plus lui-même, il devait tout arranger. Si Thomas était condamné à la solitude, il pouvait alors au moins aider Newt dans son bonheur, même s'il était synonyme de le laisser partir avec une autre personne. A quoi pouvait-il s'attendre d'autre de toute manière ? Ce n'est pas comme si qui que ce soit lui prêtait attention.

Et peut-être qu'il y arrivait. Il ressentait toujours quelque chose de spécial et magique quand Newt souriait chaque fois que Thomas avait écrit « tu mérites d'être heureux » sur les miroirs, ou un simple « pardon » sur le frigo avec les magnets. Une fois, Newt l'avait même regardé avec un léger sourire sur le visage et il l'avait remercié. Thomas su alors que, pour une fois, il faisait les choses bien.

La vie repris ainsi son cours. Thomas était là, à élaborer des techniques pour le faire sourire de milles manières. Parfois, il ne se manifestait pas pendant des jour sou des semaines, à essayer de trouver quelque chose d'encore mieux. Et pile quand il pensait avoir trouvé l'idée du siècle, Newt fit claquer la porte sur son passage, entrant en trombe dans la chambre. Les larmes dévalaient ses joues alors qu'il hoquetait, une main sur son ventre alors qu'il tentait tant bien que mal de respirer au travers des larmes qui l'étouffait. Il faisait les cent pas, répétant des mots que Thomas ne parvint pas à entendre bien clairement (mais en y faisant bien attention, ça ressemblait à « ce connard m'a trompé »).

Puis le visage de Newt changea, comme s'il baissait les bras. Il se laissa tomber le long du mur, ses bras entourant ses jambes. Il pleurait en silence, ses reniflements se faisant entendre de temps à autre. Thomas voulait l'aider, mais comment ? Aucune surface ne lui permettait d'écrire dessus et, honnêtement, il n'était pas certain de pouvoir tenir un stylo. Faire bouger les meubles ne semblait pas non plus être un éclair de génie.

Pourtant, il tenta quand même quelque chose qu'il n'aurait jamais cru faire un jour : lui tenir la main. Il du s'y reprendre à plusieurs fois mais quand il sentit vraiment, pour de vrai, la chaleur de la main de Newt dans la sienne, c'était comme s'il était revenu à la vie. La tête de Newt, elle, se releva d'un coup et il scanna la pièce de ses yeux.

« Qui est là ? » demanda-t-il, la voix tremblotante.

Thomas sursauta, pris de court par cette question. L'avait-il senti aussi ? Il regarda autour de lui, cherchant désespérément quelque chose au travers duquel il pourrait se présenter. Il se mit alors à souffler sur la fenêtre, créant un cercle de buée dans lequel il put écrire son prénom avec son doigt. Les yeux de Newt s'élargirent alors, les larmes s'arrêtant par la même occasion. Sa bouche était entrouverte, et il semblait que milles et unes questions passaient et repassaient dans sa tête avant qu'il ne se lève à son tour et ne rejoigne Thomas, ses doigts repassant timidement les lettres tracées sur la vitre.

« Qui es-tu, Thomas ? »

Entendre Newt prononcer son nom pour la toute première fois était une expérience hors-du-commun. C'était instantanément devenu le son qu'il préférait au monde, juste derrière le rire de Newt. Thomas lui lança un regard avant de souffler une fois de plus sur le verre. Newt serait la première personne à connaitre son existence, à savoir qui il était, mais il savait qu'il lui faisait confiance plus qu'à quiconque. Peut-être que c'était les sentiments qui parlaient, mais rien de tout ça n'était important, plus maintenant.

« Je suis juste le fantôme oublié du coin. »

The ghost of usOù les histoires vivent. Découvrez maintenant