Chapitre 3

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Depuis que Thomas avait révélé sa vraie nature, il devait s'avouer que la situation était devenue un peu... comment dire ? Malaisante. Newt avait du mal à accepter le fait que les fantômes existent réellement et, parce qu'apparemment cela ne suffisait pas, il en hébergeait un sous son toit. Ses parents qui se disputaient à longueur de journée était la cerise sur le gâteau de stress qui lui était apporté sur un plateau d'argent. Gâteau duquel il se serait bien passé, le poussant d'ailleurs à demander explicitement à Thomas s'il pouvait arrêter ses fantomeries.

« Je peux clairement pas gérer les deux en même temps, » avait-t-il soupiré, visiblement à bout de nerfs.

Ça faisait presque un mois, maintenant. Thomas était toujours aussi silencieux, et plus invisible qu'il ne l'avait jamais été. Plus de portes qui claquent, plus d'objets volants sans raisons apparentes, et encore moins de petits mots écrits sur les miroirs. On pourrait presque penser qu'il n'existait pas.

C'était d'ailleurs compliqué pour Thomas de ne simplement rien faire. En tant que fantôme, ses rares moments d'amusements avaient été lorsqu'il pouvait au moins faire sursauter quelqu'un... Mais pour Newt, il était prêt à tout.

Il était d'ailleurs persuade que cela serait presque naturel pour lui, après tout le monde entier l'avait ignoré pendant des années et des années, probablement même des décennies. Il était habitué à être invisible mais lorsqu'il s'agissait d'être ignoré par Newt, la chose prenait un goût amer inhabituel. Newt était la seule personne pour laquelle il voulait bien exister, mais il avait maintenant la preuve accablante que lui, en retour, n'avait pas besoin de lui. Alors il regretta d'être jamais entré en contact avec lui.

Il se mis à regretter le jour même où Newt l'avait remarqué, si profondément et si amèrement – tout du moins, jusqu'à ce qu'il le vît violemment claquer la porte de la chambre, la fermant à clef derrière son passage alors que son père hurlait et tambourinait de l'autre côté. Thomas voulait plus que tout être là pour lui, mais le souhait de Newt restait plus fort encore : il se devait de se taire. Alors, il ne fit rien. Il regarda la scène se dérouler sous ses yeux impuissants, une intime sensation d'inutilité rongeant ses entrailles.

« Thomas, t'es là ? » Newt demanda dans un chuchotement, sa voix rauque par les larmes.

Le fantôme vola à lui, s'accroupissant face à lui. Tout comme un mois plus tôt, il lui fallu plusieurs essais avant qu'il ne parvienne à toucher la peau vivante de Newt. Cependant, lorsqu'il réussit, les deux garçons relevèrent les yeux comme une seule personne, les yeux dans les yeux. Enfin – techniquement parlant, Newt ne pouvait pas le voir mais il pouvait apparemment le sentir.

« C'est drôle à dire, mais la sensation de toi m'a manqué, » Newt chuchota.

Sa voix avait été si basse et douce que Thomas aurait pu ne pas l'entendre. Cette simple phrase avait fait rater un battement à son cœur inanimé. Il avait manqué à Newt tout comme Newt lui avait manqué.

Newt baissa la tête une nouvelle fois, de grosses larmes faisant des tâches sur ses genoux. Ses épaules tombaient et remontaient en soubresauts incessants, des reniflements peu glorieux brisant le silence de la pièce. C'était une vision que Thomas ne pouvait pas supporter, plus douloureuse encore que celle d'être ignoré par une planète entière. Sa main froide et pâle laissa tomber celle de Newt, préférant se poser délicatement sur sa joue, soulevant son visage.

Thomas jura qu'à cet instant il put sentir la chaleur de Newt, tout comme il sentait l'humidité de ses pleurs. C'était plus intense encore que lorsqu'il ne faisait que simplement tenir sa main. La réaction de Newt, en échange, fut comme une preuve de la réciprocité de cette sensation surprenante. Ses yeux s'étaient écarquillés, sa propre main couvrant celle de Thomas.

« Merci. J'avais vraiment besoin de sentir ta présence. »

Les joues de Newt avaient pris une timide couleur rouge à cet aveu, arrachant un sourire niais à Thomas. Il avait besoin de sentir sa présence, lui aussi. Et comme d'un tour de baguette magique, Newt ne pleurait plus. Il soupira, hoquetant un peu.

Sans vraiment y réfléchir, Newt se mis à tout raconter à Thomas ; la façon dont ses parents se disputaient continuellement, et à quel point tout était de sa faute, qu'il avait brisé la paix en dévoilant que son cœur préférait les garçons et surtout, qu'il regrettait plus que tout de lui avoir demandé de ne plus exister – pas littéralement, mais « c'était tout comme ».

« Tu m'as tellement manqué, t'as pas idée... Mais je m'étais dit que c'était trop tard, que ça serait bizarre de te demander de revenir et... J'sais pas... Je suppose que j'avais peur de t'avoir imaginé. Je dois t'avouer que j'me suis demandé si j'avais pas pété un câble. »

Ils partagèrent un rire. Newt se tut ensuite, sa main lâchant celle de Thomas. Le fantôme retira la sienne du visage chaud de Newt, s'asseyant tout contre lui.

« S'il te plait, Thomas, t'en vas pas. Me laisse pas. »

Thomas le bouscula amicalement, réponse silencieuse que non, il ne partirait pas. Ce dernier le regarda, surpris de soudainement le sentir à sa droite, mais il souffla du nez et sourit faiblement alors qu'il déposa lentement sa tête sur l'épaule du fantôme à ses côtés. L'humain avait eu peur de se ramasser au sol de façon magistrale (et totalement humiliante) mais aussi surprenant que cela était, sa tête rencontra l'épaule du garçon décédé.

Thomas n'aurait pas pu être plus surpris qu'il ne l'était alors. C'était si... étrange, de sentir quelqu'un le toucher alors qu'il venait à peine de découvrir qu'il pouvait lui-même toucher les vivants. Il ne s'en plaint pas, la sensation de Newt contre son corps était tendre et douce. Il pria pour que le temps s'arrête, les laissant dans cette position à jamais. Un sourire illumina son visage et son petit doigt s'entre-mêla à celui de Newt. Ce fut comme une envolée de papillons au fond de lui, et sans mentir, la sensation était addictive. Rien ne pouvait jamais être mieux que ça.

« J'aimerais tellement que tu restes. » Newt avoua dans un soupir.

« J'partirai pas, j'te l'promets. » Thomas répondit – mais sa voix s'envola dans les airs sans jamais être entendue.

The ghost of usOù les histoires vivent. Découvrez maintenant