Les jours qui suivirent furent... étranges. A la fois pour Thomas, qui ne savait quoi faire avec Newt, à court de mots, à court d'idées pour le réconforter, mais aussi et surtout pour Newt, désormais propriétaire d'un savoir trop lourd à porter.
Newt s'était refermé sur lui-même, ignorant Thomas s'il pouvait l'entendre, ignorant même la sensation des doigts froids du fantôme sur les siens. Le garçon n'avait plus envie de rien, avec toujours ce regard vide fixant un point qu'il semblait être le seul à voir ; Thomas avait parfois la sensation de le voir se perdre dans les souvenirs, dans une époque qui n'existait plus et ne reviendrait pas, le faisant revenir à la réalité avec un trou dans le cœur et la gorge trop serrée pour dire quoi que ce soit.
Plus il l'observait et plus il voyait ces petites choses qui avaient été autrefois tant de manières qui appartenaient à Minho. Toutes ces choses étaient Newt désormais, et peut-être qu'elles l'avaient toujours été sans qu'ils ne s'en rendent trop compte. Newt contenait deux garçons, deux garçons que Thomas aimait tendrement, et il en oubliât presque qu'ils étaient – avant tout – deux personnes différentes. Ou, du moins, deux vies différentes. C'était déjà une immense différence.
Ce fut Newt qui le lui rappelât un jour. Thomas n'était pas trop sûr de la manière dont ils s'étaient mis dans cette situation, à se disputer et se crier dessus comme s'ils cherchaient lequel des deux parviendraient à parler le plus fort sans même écouter ce qui pouvait être dit.
« Je ne suis pas Minho ! Je ne le serai jamais ! Je l'ai peut-être été un jour, mais c'est plus le cas ! » Newt avait alors hurlé, le visage déformé à la fois par la colère et une douleur trop grande pour être expliquée. Sa voix s'était brisée, jusqu'à s'éteindre dans un sanglot pathétique.
Et Thomas avait alors compris. Il avait compris que ce garçon, dont il venait tout juste de se souvenir l'existence et qui l'avait depuis rattaché à la vie, était une page du passé qu'il devait s'efforcer à tourner désormais. Que Newt était le présent – il était la vie. Il n'avait plus tout ça, mais il avait encore Newt et cela devrait suffire. Thomas dût accepter que tout ce qui le liait encore à cette terre n'existait plus, que sa vie était un souvenir éteint et qu'il était un peu égoïste de ne voir qu'en Newt une ruine de ce qui avait été.
Newt avait un jour été Minho. Minho avait un jour tenu la main de Thomas, et il l'avait embrassé. Ils s'étaient un jour aimé ; mais l'encre avait bavée et tout semblait s'être fini dans une grosse tâche noire inexplicable. Et pourtant, Newt n'était pas Minho – pas dans le sens que Thomas avait pu le penser au premier abord. Ils partageaient leurs souvenirs désormais ; ils étaient deux côtés d'une même pièce, mais ils étaient bien deux personnes distinctes avec leurs goûts, leur personnalité propre et leur vie à eux. Une vie qu'ils ne partagerait jamais, avec pour seul fil rouge un garçon invisible.
C'était terriblement injuste que de chercher en Newt une personne qu'il n'était plus.
Ce fut comme faire son deuil une seconde fois. Thomas dut accepter que les choses ne changeraient pas, que le passé était fait et irrattrapable, que sa vie était indéfiniment en pause – qu'il était un fantôme errant, vieillissant mais inchangé pourtant – mais il se fit également la douce remarque que le présent pouvait s'étendre sur un futur prometteur si seulement il parvenait à regarder droit devant lui et non plus dans ces traces de pas qui le suivaient et que le temps effaçait doucement.
Et, comme si c'était la réponse tout du long, Newt se fit de moins en moins froid également. Les deux garçons prirent le temps, parce qu'ils en avaient devant eux et qu'ils en avaient besoin, de ce temps. Et un jour, tôt ou tard, ils se retrouvèrent enfin sur la même page à nouveau. Le cœur un peu plus dur, mais le sourire un peu plus vrai.
Parfois, il arrivait même que Newt partage un vieux souvenir – celui d'une autre vie – et malgré l'amertume que cela pouvait avoir sur le bout de leur langue de temps à autre, ces discussions s'empruntaient d'une douceur et d'une mondanité qui parut bien romantique. Peut-être était-ce parce que l'un était mort et que l'autre l'avait été, que la vie semblait d'un coup si précieuse. Les petites choses avaient petit à petit pris cette importance que la routine nous fait bien souvent oublier.
Thomas et Newt aimaient se baigner dans ces instants de normalité ; cela pouvait être admirer le soleil se lever, comme il pouvait être marcher les pieds nus dans l'herbe encore humide de la rosée matinale. C'était parfois ces instants de silence confortable où l'on ne fait rien si ce n'est partager un instant avec une personne que l'on aime – et Thomas pensait sincèrement qu'il existait peu de choses plus intimes que de s'assoir en silence avec une autre personne. Le silence peut parfois s'avérer vulnérable, peut-être est-ce la raison pour laquelle le monde est si bruyant.
Mais leur monde à eux était fait de calme et de silence, de mains invisibles pourtant si chaudes à toucher, d'un cœur immuable mais qui aime profondément, de deux époques qui se mélangent et ne font qu'unes. Leur monde ne rêvait que du plus proche, parce que le présent s'échappe déjà si vite.
Il s'échappa tant et si bien qu'ils ne virent presque pas Newt grandir et finir le lycée. Ce fut le début de cet été qui scella un compte à rebours qu'ils avaient jusque là ignoré. Le temps tiquait, comme une bombe prête à exploser.
« Viens avec moi ! » Newt lui avait dit, alors qu'il s'extasiait d'avoir été pris dans une université qui le satisfaisait assez – et qui l'éloignait surtout de cette maison, et de ce père qu'il ne pouvait plus supporter.
Et Thomas avait voulu être heureux – et il aurait voulu le suivre jusqu'au bout du monde mais...
« Je ne peux pas. J'appartiens à cet endroit. »
A trop vouloir vivre au jour le jour, il semblait que Newt avait oublié que Thomas était un esprit. Un esprit rattaché à un lieu, incapable de le quitter.
« Si je pars, tu sais que je ne reviendrai pas. » Newt avait répété, la voix tremblante. Pourquoi est-ce que tout cela sonnait déjà comme un adieu, alors qu'ils avaient encore un été entier devant eux ?
Il y eut un silence avant que Thomas ne réponde.
« Alors je partirai, moi aussi, » dit-il. « Quand tu partiras alors je saurai qu'il sera temps pour moi de m'en aller. »
« Pour partir où ? »
Thomas eut un léger rire, la question était presque absurde.
« Je ne sais pas trop, mais là où j'aurai dû aller il y a déjà trop longtemps. »
Newt hocha la tête, reniflant un peu. Il comprenait, enfin.
« Il faut qu'on trouve comment. » conclu-t-il avec une ambition nouvelle.
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The ghost of us
Fanfiction[TERMINÉE] Thomas, un garçon peu ordinaire et oublié de tous, tombe amoureux de Newt. Il fera tout ce qui est en son pouvoir pour se faire remarquer, seulement voilà : une sombre histoire se cache derrière ces deux garçons. Quand les souvenirs sont...