The ghost of us

Chapitre 1

Thomas avait l'habitude d'être invisible aux yeux du monde. C'était ainsi depuis plus longtemps qu'il ne pouvait se le rappeler ; c'était même devenu naturel : les gens l'ignoraient, et il ignorait les gens. Il ne faisait qu'être là, à vivre et exister... en quelque sorte.

Il était plutôt du genre casanier, de toute manière. Ça lui arrivait de se promener dans le quartier, évidemment. Parfois, quand il s'ennuyait plus que d'ordinaire, il prenait un malin plaisir à faire sursauter les gens qui passaient par là. Cependant, ce petit jeu avait perdu de son intérêt au fil des années. Il était presque plus amusant de rester seul dans l'obscurité de sa chambre vide.

Jusqu'à ce qu'ils arrivent, et s'installent chez lui. Pouvait-il seulement encore considérer cette maison comme son chez lui désormais ? D'un côté, Thomas avait la désagréable sensation que cette famille envahissait tout son espace personnel sans même s'inquiéter des souvenirs qui auraient pu exister entre ces murs ; de l'autre, une part de lui était soulagé que sa solitude prenne finalement fin. Mais ce qui l'intéressait réellement, c'était le garçon qui avait volé sa chambre...

Au début, il se contentait de mettre un peu de désordre dans les affaires du garçon, déplacer les objets ici et là. Parfois, il ouvrait la fenêtre ou claquait la porte. Rapidement, Thomas trouvait qu'il était un peu plus drôle de lui faire d'innocents croche-pattes. Newt, puisque l'envahisseur s'appelait ainsi, était pour Thomas un des spécimens avec les réactions les plus hilarantes imaginables.

Mais Thomas finit par se lasser de ce petit jeu. Peut-être que Newt s'était habitué à parfois se prendre les pieds dans ce qui semblait être du vide, et même de perdre ses affaires et de les retrouver dans des endroits inattendus. Cette routine était lentement devenue fade et ennuyeuse.

C'est ainsi que Thomas se demanda si Newt était intéressant. Spoiler : il l'était. Ce n'était qu'une question de temps avant que Thomas ne soit complètement absorbé par son colocataire. Il y avait quelque chose en Newt, quelque chose de mystérieux et de si profond et lointain, qu'il en devenait automatiquement la personne la plus fascinante que Thomas n'ait jamais rencontrée. Il voulait apprendre à le connaitre, à le connaitre réellement ; assez pour savoir quelle pouvait être sa couleur préférée, la tenue qu'il aimait le plus porter ou s'il préférait la viande au poisson.

Il savait qu'il s'embarquait dans un jeu risqué, mais c'était encore ce quelque chose sur lequel il ne pouvait mettre le doigt, qui le poussait à agir en ce sens. Alors, plutôt que de lui faire peur, il se mis à lui faciliter la vie.

D'ordinaire, il n'était pas du genre à se rapprocher des gens. Après tout, personne ne le regardait jamais plus d'une fois. Il était une âme errante invisible aux yeux du monde, alors à quoi bon tenter ? Newt restait l'exception.

Son exception. Toutes ces choses qu'il pensait ne jamais faire ou, du moins, qu'il ne referait jamais plus, il les fit. Rien que pour Newt, ses yeux éclatants et son sourire solaire. S'il pouvait sentir son cœur, Thomas aurait pu jurer que Newt le faisait battre un peu plus vite.

Newt, comme tout le monde, ne le regardait jamais plus d'une fois. Il arrivait parfois qu'ils se regardent dans les yeux, et chacun de ces instants restaient aussi magiques et spéciaux. Personne n'était là pour le voir, mais ses joues prenaient toujours une teinte rosée qui accompagnait un sourire impossible à retenir. A chaque fois, Thomas avait la sensation qu'enfin, on le voyait. Que Newt le voyait. Si c'était le cas, il n'en parlait jamais. Newt passait à autre chose, chassant l'instant comme on chasse une mouche et Thomas retombait dans l'oubli. Il le savait : il était condamné.