Chapitre 6 : Une laborieuse survie

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          Anna et Emma étaient parties de leur village d'origine depuis près d'une semaine. Souvent, le soir, la petite fille pleurait silencieusement, pensant à son ancienne vie, et craignant celle qui l'attendait. Sa sœur était tout aussi triste et apeurée, mais le cachait et consolait sa sœur à chaque fois. Il y avait un second problème que les deux sœurs devaient affronter : c'était de supporter la vue de cadavres, de ruines désertes ainsi que l'ennui de la marche journalière.

          Une autre inquiétude guettait l'adolescente, celle du manque de vivres. Elle avait beau se limiter, sa sœur avait besoin de manger bien plus étant donné qu'elle était en pleine croissance. Elle avait essayé de calculer, et avait conclu que si elles ne trouvaient pas de vivres dans la prochaine semaine, elles seraient à court. Mais l'adolescente se demandait ce qui allait être le plus problématique : le problème des vivres, ou bien le problème de la santé mentale ? En effet, une enfant ainsi qu'une jeune adolescente, voir jeune femme, seule dans un monde à l'abandon, sans aucune autre activité que marcher ou parler entre elles sur le peu de sujets à aborder et livré à elles-mêmes dans un monde très peu peuplé dans lequel elles doivent survivre n'est jamais très bon. Alors bien sûr, Emma possédait son journal, mais ça n'occupait pas ses journées...

          Ce matin-là, le lever était difficile. En plus de la fatigue de la marche s'ajoutait la fatigue due à l'ennui constant, ainsi que le non-vouloir de se lever, sachant que rien d'intéressant ne les attendrait aujourd'hui. Mais elles prirent leur courage à deux mains et firent tout de même cet effort. Elles se levèrent, prirent un très léger petit déjeuner composé de fruit en conserve avant de partir pour leur marche quotidienne. Emma jurait dans sa tête chaque jour, mais un seul but lui permettait de rester forte et de garder espoir : protéger sa sœur. Et elle serait prête à sacrifier sa vie pour cela. De son côté, Anna avait toujours espoir, car tant qu'elle était accompagnée de sa sœur elle se sentait en sécurité et n'imaginait pas que quelque chose de grave puisse leur arriver.

          Elles se mirent donc à marcher, la petite fille tenant son jouet dans sa main et celle de sa sœur dans l'autre, et Emma regardait aux alentours cherchant un quelconque moyen de se situer, comme un panneau, ou des monuments reconnaissables. Mais rien de tout cela. Comment était-il possible qu'en plusieurs jours, elles n'aient rencontré personne ? Si deux jeunes filles comme elles avaient survécu, pourquoi pas une grande partie de la population ? "Tout simplement car tout le monde n'a pas eu la chance que nous avons eu", se disait-elle. Deux bonnes heures de marche passèrent avant qu'elles trouvent une autre ruine de ville. Mais cette ruine possédait bien l'espoir dont elles nécessitaient. En effet, elles y trouvèrent des restes de feu de camp datant d'une ou deux heures maximum. Les deux filles sautèrent de joie, heureuse. Elles n'étaient pas seules ! Vu la taille du feu de camp, le groupe qui était passé par là devait être assez conséquent! Et ils avaient surement laissé des traces ! Après s'être échangé un regard complice, elles partirent à la recherche de celles-ci. Au bout d'une dizaine de minutes, la petite s'exclama :

— Emma, viens voir ici !

          Sa grande sœur s'exécuta et sourit en voyant ce qu'elle voulait lui montrer. Un plastique de viande séchée récent, qui montrait encore une fois la présence d'un groupe ainsi que leur direction. Emma mit la paume de sa main face à sa sœur qui vint checker celle-ci, toutes deux souriantes. Durant toute la journée, elles cherchèrent de nouvelles traces, des indices qui pourraient les mener à ce groupe...

          Se tenant joyeusement la main, les deux jeunes filles continuèrent leurs recherches pendant deux autres jours, mais le groupe ne cessait de bouger, alors il était compliqué pour eux de les rattraper... D'autant plus que l'allure de marche des deux sœurs n'était pas très rapide, car du haut de ses dix ans, Anna ne possédait pas une très grande foulée. Ce jour-là, le vent était important, les longs cheveux blond doré d'Emma s'envolaient et elle devait souvent les remettre derrière ses oreilles si elle ne voulait pas se les prendre dans la face. Anna qui a les cheveux mi-longs était moins gênée par le vent, mais soufflait souvent sur ses cheveux châtain clair pour les enlever de devant ses yeux, ce qui amusait Emma et donc sa petite sœur qui suit son rire par extension. C'était ces petits moments de détente qui permettaient aux sœurs de continuer leur route, de ne pas baisser les bras. Elles effectuaient des pauses par moment durant lesquelles l'aînée tenait son journal de bord tandis que la cadette s'amusait, se reposait et toutes deux en profitaient pour boire et manger de façon rationnée.

          Plus tard dans cette même journée, alors qu'elles cherchaient ce groupe dans les rues d'une ville en ruine, un bruit se fit entendre à leurs oreilles. Il était indescriptible, mais on pouvait en percevoir la direction. Ni une ni deux, elles se mirent à la recherche de son origine. Au fur et à mesure qu'elles avançaient, elles distinguaient de mieux en mieux ce son et se regardèrent alors l'une l'autre, un regard l'air de dire « T'entends ce que j'entends ? Ce n'est pas une hallucination ? » Accompagné d'un large sourire. Elles accélérèrent le pas, tournant à gauche, puis à droite, puis encore à gauche et c'est alors qu'elles tombèrent face à face avec un groupe de personnes. Celui qu'elles cherchaient depuis plusieurs jours. Dans un rire euphorique, elles se prirent dans leur bras alors que le groupe les remarquait et se rapprochait d'eux en suivant leur rire. Eux aussi n'avaient pas l'air d'avoir vu beaucoup de monde, et ils semblaient heureux de voir des enfants en vie. Les filles se rapprochèrent du groupe en saluant tout le monde, puis celui qui semblait être le leader de celui-ci vint alors leur parler. Il était chauve, possédait un long habit blanc décoré par des dorures ainsi qu'une Sainte Croix dans le dos, il portait des lunettes rondes et semblait avoir la cinquantaine. Il s'adresse alors à eux d'une voix chaleureuse et accueillante :

—Bonsoir jeunes filles, qui êtes-vous ?

—Je m'appelle Emma, et voici ma sœur Anna, répondit l'aînée, toujours son large sourire aux lèvres. Nous vous avons cherché longtemps, et nous sommes très heureux de vous avoir trouvé...

—Je suis aussi très heureux que vous nous ayez trouvé, grâce à Dieux ! Venez, nous allons nous installer pour faire connaissance...

If we surviveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant