Chapitre 10

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J'aperçois ma mère poser ses clés sur la table de la cuisine et enlever son manteau. Mon visage se décompose. Son regard est impassible, je n'ai aucune idée de la réaction qu'elle va avoir. Nos regards se croisent, le sien est noir. Des frissons me parcourent tout le corps. Il ne manquait plus qu'elle, me dis-je. Mon père brise le silence.


Papa – Je commande des sushis pour ce soir, dit-il pour détendre l'atmosphère.

Maman – Cesse de jouer le gentil Loïc. Venez dans le salon, nous devons parler tous les trois.


Bim ! Toujours là pour mettre un gros froid dans la famille. Ça a toujours été comme ça. Mon père le gentil flic et ma mère le méchant. Il est parfois bon de ne pas être trop laxiste. Il n'empêche qu'elle dépasse toujours les bornes. Au point où l'année dernière elle a osé lever le point sur mon père. Il souhaitait simplement prendre ma défense quant à une mauvaise note que j'avais obtenu. Finalement il a fini sur le canapé, la joue rouge par la gifle reçue. Je n'arrive plus à voir Julie comme étant ma mère depuis lors. Je la considère comme ma génitrice. Celle qui m'a mise au monde. Nous évitons de reparler de cet indicent. Personne n'est au courant des tensions familiale chez moi. Je ne vois pas l'intérêt de l'afficher, de me plaindre et me morfondre.


Papa – Quand est-ce que tu vas te décider à soutenir ta fille et arrêter de te mettre sur son chemin ?


Je n'avais même pas réalisé que le ton était monté. Il faut vraiment que j'arrête de divaguer dans mes pen...


Maman – Je la soutiendrai le jour où elle fera des choix censés dans sa vie. Tu as pensé à Camille, Nora, s'enflamma-t-elle en me sortant de mes pensées.

Moi – Il est déjà au courant, j'ai rompu avec lui.

Maman – Et voilà, qu'est-ce que je disais ? Il était parfait ce jeune homme, beau, gentil, studieux. Mais non, la miss préfère aller coucher avec des libertines !

Moi – Alors là je te jure que...


Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'une douleur me traverse tout le visage. Ma mère, enfin ma génitrice vient de me gifler.


Papa – Tu dépasses les bornes Julie. Nora monte dans ta chambre, tu y seras en sécurité.


Le dernier mot de mon père me glace. « Sécurité ». L'atmosphère dans lequel je suis est dangereux, quelqu'un me veut du mal ? J'exécute les ordres de mon père automatiquement. Je suis désemparée. J'ai envie de pleurer, ça me soulagerait, mais ça ne vient pas. Je suis en état de choc. La famille, celle qui est censée nous soutenir, nous élever, que devient-elle lorsqu'elle se brise ? Pourquoi devons-nous aimer notre famille ? Nous devrions normaliser le fait de ne pas aimer nos parents. J'aime mon père ça j'en suis persuadée. Mais l'autre... Mes pensées sont chamboulées. Je ne prête même plus attention aux cris dans le salon. Un pilier de ma vie vient de se fracturer. Il est sur le point de tomber et d'emporter avec lui ma vie. Qui suis-je ? La parfaite fille de ses parents, si on omet qu'aimer les femmes brise cette image, j'étais la fille pleine d'ambitions. Celle qui ne cesse d'avoir des projets, qui veut aller vivre en Australie après avoir fait Science Po. A l'heure actuelle je ne suis rien de tout ça. Je ne suis plus cet idéal. Je suis moi. Nora, 17 ans, perdue dans sa vie. J'ai des amis en or mais n'arrive pas à me confier à eux comme je l'aimerai. Je suis amoureuse. Amoureuse, quel joli mot. Je repense à Louise, je me sens apaisée. Je sors de ma bulle. Je m'aperçois que la maison est calme. Mon lit est trempé. J'ai pleuré, j'ai vidé l'eau de mon corps sans m'en rendre compte. Je souris. Quelle heure est-il ? 3h36... Demain j'ai cours... Je m'endors, l'esprit lourd par cette journée folle.

Apprends-moi à vivreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant