Chapitre 5: Joy

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Chapitre 5

Joy

 

 


     « L'émoi et l'effroi ne font pas bon ménage avec le sang-froid. Lorsque l'horreur frappe, c'est toujours le cœur qu'elle vise en premier », Yasmina Khadra.


     -Je suis désolée Milo, c'est beaucoup trop important pour moi, m'excusé-je.

     Ce grand brun d'un bon mètre quatre vingt me fait face, le regard assombri et soudainement moins chaleureux que précédemment. Ses yeux bleus clairs me toisent avec assurance et colère, mais à la manière dont il contracte sa mâchoire, je devine qu'il n'est pas si sûr de ce qu'il fait. Il n'a pas choisi la bonne personne, la diplomatie ne m'amadoue pas.

     - Ah oui ? Et à quel moment tu as cru que ce n'était pas aussi important pour moi que pour toi ? siffle-t-il.

     Il a raison, c'est sans doute important pour lui aussi. Comme il l'a si bien dit, lui et moi souhaitons la même chose. Sortir d'ici et vivre libre. Et je suis sincèrement désolée d'être devenue un obstacle pour sa vie future, j'aurais préféré ne pas avoir à faire ce choix. Mais à sa différence, quand je veux quelque chose, je fais tout pour l'obtenir, je ne le demande pas. Il m'a empêché de le frapper, ce qui m'a sûrement évité l'élimination, et c'est pour cette raison que je me suis résignée à l'écouter. Mais me demander de partager le globe d'or, c'est trop me demander. Qui me dit qu'il ne cherche pas seulement à détourner mon attention pour mieux me tromper. Après tout, je ne le connais pas.

     Je me ressaisis et me retourne en direction de la porte taguée de mon matricule. Je l'ouvre avec détermination mais non sans appréhension, inquiète des choix que j'ai fais et des répercussions qu'ils pourraient avoir sur la suite de mon parcours.


     Je suis horrifiée par ce que je trouve dans cette nouvelle pièce. Le sol blanc est recouvert de trainées rouge sang, des corps sans vie allongés ici et là. C'est scène est abominable, insupportable. L'odeur du sang et l'atmosphère lugubre qui règnent sur la pièce me montent au nez. J'ai la nausée.

     Dans cette situation peu commune et carrément sinistre, je ne peux m'empêcher de penser que c'est là l'épreuve de sensibilité. C'est tellement réaliste...

     -Au secours ! Au secours, aidez-moi, s'il vous plait ! Aidez-m...

     Au loin, une voix frêle et tremblante supplie pour qu'on l'aide, avant de soudainement s'éteindre. Un coup de feu, puis deux, puis trois. Affolée je jette les yeux autour de moi, cherchant désespérément d'où le bruit peut provenir. Dans cette grande pièce d'où s'élèvent des cloisons mobiles par dizaines, les sons résonnent et trompent l'oreille. Je me laisse donc guidée par les trainées de sang, toujours plus terrifiée par les corps qui jonchent le sol. Dix, quinze, vingt... je ne les compte plus.

     Puis je trébuche sur une petite fille qui gît là, derrière une cloison et dont le pied dépasse sans que je l'aperçoive. Déstabilisée, je tombe en avant et me rattrape à l'aide de mes avants bras, désormais recouverts d'un sang qui n'est pas le mien. Elle me regarde. Ses yeux inanimés me regardent, horrifiés, effrayés. Entre les deux, un impact de balle d'où s'échappe une coulée de sang qui souille ce si beau visage. Je suis incapable de me relever. Peut être cette image est-elle montée de toute pièce mais elle n'en est pas moins insupportable. Mon ventre se tord de douleur à la vue de cette enfant. L'impuissance et la peine me paralysent.

Eclats d'âmesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant