Chapitre 6
Sujet n°4
« Et si c'était cela, perdre sa vie : se poser les questions essentielles juste un peu trop tard ? », Gilbert Cesbron.
La lumière agressive traverse mes paupières, fermées. L'odeur métallique de la pièce dans laquelle je me trouve me donne des vertiges. J'ai froid, malgré l'air tiède.
-Où suis-je ? marmonné-je en tentant d'ouvrir les yeux.
Mes paupières encore endormies ne veulent pas s'ouvrir. Mes membres, lourds, refusent tout mouvement. En moi, tout est endolori, engourdi. Je tremble. Ouvre les yeux Luke, ordonne ma petite voix intérieure. Si seulement j'en étais capable ! Ma bouche pâteuse essaie encore :
-Où suis-je ?
J'entends des pas qui résonnent sur le sol dans un bruit sourd, des vêtements qui se froissent, des respirations lentes, calmes, sereines. Pourquoi on ne me répond pas ?
Une panique intense s'empare alors de moi, inattendue, inexplicable. Qu'est-on en train de me faire ? Ai-je échoué ? Suis-je là parce que je n'ai pas réussi ?
Des pas se rapprochent, une odeur de musc arrivant jusqu'à mes narines. Le bruit du linge tout près de mon oreille, puis un souffle chaud sur ma tempe.
-Chut, me murmure-t-on. Vous êtes guéri.
Et là, tout me revient. Le vacarme, les explosions, les cris, la poussière, l'odeur infâme. Les bombes qui pulvérisent l'école dans laquelle je me suis retrouvé, je ne sais comment. Les éclats de grenades qui nous assaillent, moi et les enfants. Les explosifs cachés aux quatre coins de la pièce qui menacent de nous tuer et d'allonger la liste des corps sans vie qui jonchent le sol. Les hommes en noir. Les balles. Un vrai bain de sang.
Je me lève en sursaut, le souffle haletant, le cœur agité par les souvenirs. J'ai chaud, mon front perle. Autour de moi, une pièce d'une grande banalité. Murs blancs, sol blanc, matériel hospitalier high-tech. Une simple chambre d'hôpital où se trouve un banal infirmier, qui me toise avec perplexité.
-Vous faites des cauchemars ?
-Où suis-je ? répété-je.
-A l'infirmerie du stade de Wellington, vous vous êtes blessé durant la dernière épreuve, nous vous avons soigné, répond-il presque machinalement.
Cet homme d'une cinquantaine d'année à un visage tout à fait commun, mais ces traits ne m'inspirent pas confiance. Il a quelque chose de louche dans le regard et dans la voix. Pas plus inquiété que ça par mon réveil soudain, il me parle comme s'il avait révisé son texte, comme si tout ça était normal.
Mais est-ce normal que je me sois blessé lors d'une épreuve virtuelle ? Est-ce normal que je sois à l'infirmerie plutôt que dans le stade à écouter le résultat des Jeux ? Est-ce normal que l'on m'ait anesthésié alors que je ne ressentais aucune douleur en sortant de l'Arène ?
Je ne suis pas seul dans ce cas. J'ai croisé une autre concurrente dans le couloir avant d'être amené ici, elle aussi avait du sang sur elle. Mais est-ce normal pour autant ? D'ailleurs, pourquoi suis-je en chemiser de nuit ? Ai-je été opéré ?
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Eclats d'âmes
Science FictionAprès avoir essuyé une troisième guerre mondiale plus dévastatrice que jamais, les hommes ont prit conscience que la liberté n'avait plus la même valeur si elle tuait des millions d'êtres humains. D'un commun accord, les citoyens du monde se sont do...