Le Prisonnier

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J'ai fait un rêve des plus étranges, cette nuit.

J'étais le détenu d'une prison qui ne ressemblait à aucune autre. Ma chambre – car j'avais une chambre en guise de cellule – était petite mais confortable, avec de la moquette. Mais tout était triste et gris. Le jour s'était levé et je devais descendre. Pourtant, personne ne m'avait réveillé et personne ne m'en avait donné l'ordre, car c'était une prison qui n'avait pas de gardiens.

Je sortis et traversai le couloir, la tête rentrée dans les épaules, peu sûr de moi. Mes codétenus faisaient de même, mais la tête haute, et je me disais : Ce sont eux mes véritables gardiens, il faut que je me méfie. Je descendis les escaliers pour rejoindre le self, où nous attendaient des plateaux avec du café, des croissants. J'en pris un et cherchai Benjamin des yeux, mais la foule était trop importante, et j'eus peur d'attirer l'attention en restant là debout, alors je me dépêchai de trouver une place libre et isolée, m'assis, et fis comme si je n'existais pas. Je bus mon café et mangeai mon croissant sans lever les yeux de mon plateau, de peur de croiser le regard d'un autre ; j'espérais juste que Benjamin me remarquerait et viendrait s'asseoir avec moi.

Mais Benjamin ne vint pas et je dus me résoudre à me lever, à déposer mon plateau sur un chariot et à sortir. J'allai aux douches, où je me déshabillai et me lavai en espérant qu'on ne me regarderait pas, puis retournai dans le couloir, un long couloir, avec une porte à son extrémité et une porte à mi-parcours. Je me dirigeai vers cette dernière, mais mon attention était rivée sur la porte au bout du couloir, et je pensais : C'est la sortie, c'est par là qu'il faut qu'on s'en aille. Mais comment s'en approcher sans attirer l'attention ? Comme je n'osais rien faire, j'ouvris la porte que j'étais censé prendre.

Elle donnait sur une grande pièce traversée de murs qui ne la coupaient pas complètement mais qui en bouchaient l'horizon. Des bancs parcouraient ces murs et étaient encombrés de détenus qui s'y trouvaient assis et attendaient en silence. Je pris une place au plus près de la porte, à la fois pour ne pas m'éloigner de la sortie et pour ne pas rater l'arrivée de Benjamin. Le temps passa, toujours dans le silence – personne ne disait mot. De temps en temps, quelqu'un entrait, et je levai des yeux pleins d'espoir pour être à chaque fois déçu. Et si Benjamin était rentré avant moi ? S'il se trouvait au fond de la salle, de l'autre côté d'un mur, hors de ma vue ? Il en aurait été capable, il était beaucoup plus courageux que moi. Mais alors j'attendais là en vain.

Pour en avoir le cœur net, il fallait que je me lève et que je fasse le tour de la salle. Mon cœur se mit à battre plus fort, frappant à grands coups dans ma poitrine. J'avais chaud, la sueur coulerait bientôt le long de ma tempe. Je n'avais aucune envie de me lever, j'attirerais ainsi l'attention de tout le monde. Et quand bien même Benjamin se trouverait de l'autre côté, si je le rejoignais, cela paraîtrait aussitôt suspect. Mais que faire d'autre ? Passer la journée seul, sans savoir que faire, comment me comporter ? Je ne m'en sentais pas capable. Benjamin saurait, lui.

La porte s'ouvrit sur un nouveau codétenu qui se dirigea sans tarder, sûr de lui, vers le fond de la salle. Je profitai de cette occasion pour me dresser sur mes jambes et me rendre, de la manière la plus désinvolte possible, à une autre place qui me permettrait de voir de l'autre côté du mur. Je m'assis et fixai aussitôt mes chaussures, bras posés sur les cuisses et mains croisées, écrasé de honte, les oreilles brûlantes de ridicule. Pourtant, personne ne semblait avoir fait attention à moi. Ou bien avais-je bien fait semblant de ne pas le remarquer. Au bout d'un moment, je relevai la tête et regardai autour de moi. Mais Benjamin n'était toujours pas visible.

L'idée que je repoussais jusque-là commença alors à s'imposer : peut-être que Benjamin n'était pas là, et qu'il ne viendrait pas. Mais alors où était-il ? Que lui était-il arrivé ? Avait-il rejoint un autre groupe ? Avait-il décidé de s'intégrer ? J'essayai de me raisonner, de ne pas envisager le pire pour le moment. Engaillardi par l'absence de réaction de mes codétenus lors de mon premier déplacement et poussé par l'inquiétude, je me levai à nouveau pour regarder derrière un autre mur. Je fis bientôt, ainsi, tout le tour de la salle avant de me rendre à l'évidence : Benjamin n'était pas venu.

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 25, 2021 ⏰

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