— C'est quoi, la basse ?
Le ciel était clair et une lueur orangée au loin annonçait le soleil. Ils venaient de quitter le bar, sortant dans l'air pur et froid de la nuit mourante. Ils avaient laissé le groupe se reposer après une longue discussion, non sans leur promettre d'être de retour à leur prochain concert, la semaine d'après. Orion se sentait plus creux que jamais, l'appétit de musique lui tordait le ventre et le cœur. Son t–shirt était trempé de sueur, ses cheveux blonds ébouriffés, et sa tête tournait à cause des cigarettes et de la fatigue. Il n'avait pas encore remarqué qu'il dégageait déjà une aura différente. Jude était à peine en meilleur état, mais heureux de sa nuit.
— Une sorte de guitare, avec moins de corde et plus grave. Elle est trop souvent négligée mais elle a une place primordiale dans les morceaux.
— Oh, c'était ça qui faisait le son sourd en fond ?
— Exact.
— Mais c'est trop bien !
Jude rit face à l'enthousiasme naïf de son cadet, hocha la tête. Ils laissèrent la ville derrière eux, empruntant le même chemin qu'à l'aller, au milieu de champs labourés.
— Et tu en as une ? reprit Orion.
— Oui, mais je suis meilleur à la guitare.
— Je pourrais essayer ?
Orion leva des yeux pleins d'espoir vers lui. Son aîné n'avait pas l'habitude de prêter ses instruments, mais il céda.
— Ouais, si tu veux. T'as déjà fait de la musique ?
— Tout petit, à l'institut, avant que ça soit interdit. Du piano. J'étais doué !
— C'est toi ou moi que tu essayes de convaincre ? sourit Jude devant l'air de défiance d'Orion.
Ce dernier tira la langue comme un gamin. Cette fois, Jude garda pour lui sa remarque sur la disparition de l'étudiant guindé du début d'année. Cet Orion–là ne lui manquait pas.
— Tu devrais prendre une douche chez moi avant d'aller en cours.
— Oh putain, j'ai cours !
La veille, la panique l'aurait submergé, noyé. Mais il n'y pensa qu'une seconde avant de balayer le problème d'un haussement d'épaule, son esprit entièrement habité de la nuit qui s'achevait à peine. La roulotte apparut au loin, et une vague lui secoua le ventre : la nuit était bel et bien finie.
— Eh, dit Jude comme s'il lisait dans ses pensées, tu peux faire revivre tout ce que tu veux avec ta mémoire. Rien n'est jamais fini.
— Je sais, mais... me sens si vide... Je ne voudrais pas que ça s'arrête. Ma vie, si insipide, murmura Orion, trop fatigué pour faire des phrases complètes.
— La semaine prochaine, on remet ça. Et d'ici là, le groupe reste en ville, alors si tu veux les revoir, c'est possible. Je ne les ai jamais vu discuter autant après un concert, ils ont dû t'apprécier.
— J'espère que Neb n'a pas été trop embêté par moi...
— Il n'est pas du genre à rester si ça le fait chier. Crois–moi, il m'a déjà chassé un nombre incalculable de fois.
Cette information rassura Orion, qui s'en serait presque voulu d'accorder autant d'importance à l'avis d'un inconnu. Mais ce qu'il dégageait le hantait.
— Seuls, ils sont si banals, mais en groupe, ils sont...
— Oui, confirma doucement Jude. C'est l'appartenance à un groupe qui fait leur charisme non ? Ils s'en foutent des autres, alors ils dégagent ce truc de liberté, de défiance...
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Les rêveurs
ParanormalOrion a toujours vécu dans la conformité. Se pliant à toutes les exigences, il est le parfait élève. Pourtant un soir, suivant son intuition et une musique dans son université endormie, il découvre un nouveau monde : celui où les gens sont libres et...