Chapitre 44

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Avertissement : ce chapitre contient des scènes pouvant heurter la sensibilité des lecteurs.

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Un nouveau mois avait passé. J'arrangeais une énième pile de livres désordonnée tout en songeant à la nuit dernière, le sourire aux lèvres.

    – J'espère qu'un jour, on aura une fille qui fera complètement perdre la tête à Harry... avait déclaré mon mari.

Et nous nous étions dès lors employés à donner vie à ce souhait. Nous avions titubé jusqu'à la chambre, parmi les cartons qui jonchaient l'appartement, plus ou moins prêts pour le déménagement dans la maison que nous venions d'acheter. Les éclats de nos rires mêlés, la chaleur des draps entortillés, la douceur sensuelle des doigts de Sirius sur mes hanches, l'odeur entêtante de sa peau, le goût enivrant de ses lèvres sur les miennes.

Les rayons étaient déserts tandis que je retournais distraitement derrière le comptoir de la librairie. J'étais chargée de fermer la boutique. Après un coup de baguette machinal, la caisse enregistreuse vomissait un parchemin des comptes de la journée. Mon regard embrassait la librairie, le silence uniquement perturbé par le cliquetis de l'appareil. Je laissais mes pensées vagabonder au rythme de mes yeux sur les étagères. Je me sentais sereine, heureuse. Le monde était loin d'avoir remis sa tête à l'endroit. James et Lily étaient toujours confinés à Godric's Hollow avec Harry. Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom était toujours cette ombre menaçante qui planait au-dessus de leurs têtes. Au-dessus du monde. Mais j'avais de l'espoir. Sirius me donnait de l'espoir. Il était persuadé que tout s'arrêterait un jour, que nous pourrions mener à bien nos projets, mener paisiblement nos vies. Et je lui faisais confiance. Tout finirait par s'arranger.


Il me fallait plusieurs minutes pour me rendre compte que la caisse était redevenue muette. Je cessais de caresser l'anneau à mon annulaire gauche pour éteindre les lumières d'un nouveau coup de baguette. J'attrapais le parchemin et le déposais sur le bureau des propriétaires, récupérant ma cape au passage. Alors que j'étais occupée avec le fermoir du vêtement, non loin de la sortie, je percevais du mouvement dehors. Je m'immobilisais pour scruter la rue, morne et vide à cette heure-ci. Mes sens étaient en alerte, mon esprit avait brusquement cessé de rêvasser. Je restais à la faveur de la pénombre, aux aguets, la respiration contrôlée, la baguette levée. Deux silhouettes vêtues de noir apparaissaient dans mon champ de vision. Je plissais les yeux mais j'étais incapable de discerner leurs traits. Elles poursuivaient leur chemin d'un pas décidé. Rapideme et discrète, j'évoluais à travers les grimoires jusqu'à la vitrine, juste à temps pour les voir disparaître au coin d'une ruelle. Une ruelle qui menait à l'Allée des Embrumes. Je jetais un rapide coup d'œil aux alentours. Personne. Rien que le vent de mars qui charriait violemment des feuilles, les précipitant sans ménagement au sol, les torturant contre les devantures des magasins. Le Chemin de Traverse était lugubre ce soir-là, si différent de la vision qu'il offrait en plein jour.

J'avais un mauvais pressentiment.

Après avoir rabattu ma capuche sur mes cheveux d'or et immobilisé la clochette, j'ouvrais la porte de la librairie sans un bruit et me faufilais dehors. Le froid me mordait sans attendre. Le printemps était encore loin. Un frisson courait le long de ma colonne vertébrale, mais je l'ignorais et me détournais vers la direction qu'avait pris les silhouettes. Je n'avais pas le temps de prévenir qui que ce soit. S'il se tramait quelque chose, le temps que des renforts arrivent, il serait probablement trop tard. Je m'interdisais de penser à l'expression qu'aurait Sirius en apprenant ce que j'avais fait.

Une Lune d'or et de noir [ANCIENNE VERSION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant