ivresse inéluctable

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vous siégiez au milieu d’une route de campagne, le regard lourd et les paupières éteintes. une chaleur asphyxiait le corps, enfantin, innocent, prêt à déguster les formes avares des bouteilles mortes en cascades. vous buviez à même le goulot. le geste sauvage d’une soirées grise défigurait violemment vos alcools ambrés.

vous aviez chuchoté à son oreille de votre voix silencieuse, la beauté des goulots usés par les bouches tordues. vos lèvres étaient difformes, en effet. leur ombre avait égaré son nom au détour des bouteilles de verre et de lumière, captive, certes, mais adorée par l’ambre brune. vous lui récitâtes les vers épurés qui s’écoulent dans les gorges.

    le rire tenait sa bouteille
              à la bouche riait la mort
                     dans tous les lits où l’on dort
            le ciel sous tous les corps sommeille.

il vous demanda de qui était-ce. vous lui répondîtes dans un chuchotement étouffé le nom d’éluard et de sa bouche usée, comme arme alcoolisée prête à embrasser toutes traces d’ivresse.

les membres étaient pantins. ils articulaient quelques gestes innés, dus à une envie subite de faire de votre corps une étuve à larmes acidulées. votre ivresse se faisait sentir. elle arpentait vos désirs pour n’inonder que le plaisir que l'absorption de ce liquide vous procurait

il était immobile, accroché à cette bouteille verdâtre et à ses rêves assourdissants. l’absence de votre main au creux de son cou l’extenua subitement. il fût épris d’un fort désir de rassasier ses envies d’exister, dans la danse malsaine que le corps faisait vivre à ses larmes argentées. il regardait l’orage se former au-dessus de votre tête. il pleurait l’absinthe morose qui fane dans vos gorgées de bière amère.

le regard s’amusait de la nuit et ses bouteilles vides. les bouches furent humides de n’avoir bu que dans l’attente indescriptible d’une nuit amoureuse. bientôt vos mains fuyaient le supplice délicat qu’imposaient les éclats de verre à vos sens engourdis par le poids de la boisson.

les bouches tordues dansent sur la mort. l’alcool attend patiemment son inéluctable envie de vous embrasser fouguesement

tombe et parterresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant